Le monde du design est déjà accro à l'IA générative

Le monde du design est déjà accro à l'IA générative En à peine quelques mois, l'IA a investi les agences de design. Les professionnels de la création visuelle découvrent et adoptent un outil qui améliore leur productivité et stimule leur créativité.

L'IA générative s'est-elle faite une place chez les designers ? Pour le savoir, nous avons posé la question à six agences de design. Et les résultats sont sans appel : quatre d'entre elles utilisent d'ores et déjà l'intelligence artificielle pour la réalisation de leurs projets artistiques. Les deux autres au contraire ont vu en l'IA une technologie "dangereuse" qui "transforme les créateurs artistiques en presse-boutons". Si la pertinence de ce discours peut être débattue, force est de constater qu'il est désormais minoritaire.

En effet, l'IA générative d'images, à travers des outils comme Midjourney, DALL-E, Stable Diffusion ou encore Adobe Firefly, est en train de devenir une véritable alliée pour les designers et les graphistes. Au point de bouleverser le secteur de la création numérique dans son ensemble : pour créer des logos, designer un site Internet, concevoir des affiches publicitaires, des interfaces web, des étiquettes pour le marketing ou encore pour le packaging…

Davantage de créativité

Comme souvent avec l'intelligence artificielle, l'IA générative d'images permet des gains de temps, particulièrement utiles pour se focaliser sur le cœur du métier, à savoir la créativité. "L'intelligence artificielle nous permet de nous concentrer sur l'essentiel. On se débarrasse de tâches simples mais chronophages comme le détourage, les premiers brouillons ou l'édition, ce qui nous permet d'avoir plus de temps pour la création", se félicite Alexandre Sade du MCAS bureau, une agence créative qui a collaboré avec des marques de luxe et de mode dont Undiz.

Mais l'IA offre aussi des "opportunités créatives incroyables", selon Henri d'Anterroches, partner chez Metyis : "Ça a complétement changé ma manière de travailler. L'intelligence artificielle donne accès à tous les courants artistiques du monde, c'est une véritable bibliothèque interactive. C'est vraiment extraordinaire". Un argument repris par Sarah Najid de CBA Design : "La réflexion est poussée plus loin. Ces nouveaux outils obligent les designers à se montrer plus créatifs. Au lieu de se challenger seul avec nos pensées, on se challenge avec la machine". Certains clients de l'agence CBA Design, eux aussi conquis par les prouesses artistiques de l'IA, "exigent que des projets soient réalisés avec l'intelligence artificielle".

"Pour les amateurs, c'est comme jouer au loto"

L'IA générative d'images est déjà saluée par les professionnels de la création visuelle. Pourtant, comme le rappelle Sarah Najid (CBA Design), elle n'est encore qu'à ses débuts : "Aucune agence ne peut se proclamer experte en intelligence artificielle, c'est beaucoup trop tôt. Pour le moment, il s'agit encore d'une phase de test". Mais un constat a déjà émergé : pour exploiter pleinement son potentiel, l'IA générative d'images doit être manipulée par des experts du secteur.

Dans le cas contraire, "c'est comme jouer au loto et espérer très fort que l'image produite par l'ordinateur soit bonne", estime Pierre Berget, cofondateur de l'agence de design Be Dandy. "C'est un outil très intéressant qui demande une expertise, il y a un vocabulaire technique à maitriser". Autrement dit, pour le moment, l'IA ne va pas remplacer les professionnels de la création visuelle. Seuls ceux qui possèdent des connaissances artistiques solides et un important sens de la créativité sont capables "de transformer cet outil en quelque chose d'exceptionnel", prévient Sarah Najid (CBA Design). "Je pense même que des nouveaux talents qui restaient dans l'ombre vont pouvoir émerger et vont avoir l'occasion de montrer leur travail grâce à l'IA".

Droit d'auteur et légitimité artistique : les prochains chantiers

Si l'IA générative d'images ne pique pas (encore) le travail des designers et graphistes, elle doit cependant affronter d'autres polémiques. Première d'entre elles : les visuels issus de ces nouveaux outils ne seraient pas des créations artistiques. Une accusation réfutée par Gauthier Vernier, cofondateur d'Obvious, un collectif qui a réalisé le premier tableau IA vendu aux enchères : "Il faut bien comprendre que c'est la démarche artistique qui prévaut. Au début, les gens disaient que les photographes ne faisaient qu'appuyer sur un bouton. Chacun s'exprime avec les outils de son temps. Nous c'est l'intelligence artificielle." Le parallèle avec la photographie est également repris par Alexandre Sade (MCAS) : "Vous pouvez donner un appareil photo à autant de personnes que vous voulez, tous ne prendront pas une bonne photo".

Autre débat, celui relatif aux droits d'auteur des images générées par l'intelligence artificielle. Sans copier les œuvres déjà existantes, cette dernière s'en inspire. "Il y a clairement un sujet au niveau de la propriété intellectuelle", admet Gauthier Vernier (Obvious). "Est-ce qu'imiter le style d'un artiste peut être considéré comme du plagiat ?". Aucune régulation n'est pour l'instant venue répondre à cette question. "Il y a un flou juridique. Est-ce que la création doit appartenir à l'auteur de l'œuvre initiale qui a servi d'inspiration ou alors à l'auteur de l'œuvre finale ?", interroge Sarah Najid (CBA Design). Pour le moment, la justice ne s'est pas encore emparée de l'IA générative d'images. Tout le contraire des designers et autres professionnelles de la création visuelle.