Vers une croissance robuste : s'inspirer du vivant plutôt que d'épuiser les ressources
Comment s'inspirer du vivant pour innover en privilégiant l'adaptation progressive et l'amélioration continue plutôt que la disruption brutale, afin de renforcer la résilience des systèmes.
Dans un monde en quête de transformation rapide, l’innovation est souvent perçue comme une course effrénée à la disruption. Pourtant, cette approche, qui vise à casser les modèles existants pour en imposer de nouveaux, a un coût : épuisement des ressources, fragilité des systèmes et obsolescence accélérée. À contre-courant de cette dynamique, le chercheur Olivier Hamant propose une alternative inspirée du vivant : une innovation incrémentale et systémique, qui favorise la robustesse au lieu de la performance à tout prix.
L’illusion de l’innovation disruptive : quand la performance fragilise
Les grandes ruptures technologiques sont souvent présentées comme le moteur du progrès : Uber a bouleversé les transports, Airbnb l’hôtellerie, l’intelligence artificielle redéfinit les métiers. Mais cette vision repose sur une optimisation à outrance, qui tend à éliminer tout ce qui est jugé inutile ou redondant. Or, en biologie comme dans les organisations, cette recherche d’efficacité maximale entraîne souvent une fragilité accrue.
Pourquoi ?
- Moins de résilience : Un système ultra-optimisé est souvent moins capable d’absorber les chocs (exemple : les chaînes d’approvisionnement mondialisées qui se sont effondrées lors de la pandémie).
- Un épuisement des ressources : La disruption demande des investissements massifs en énergie, en données, en matières premières. L’innovation rapide s’accompagne souvent d’une consommation exponentielle de ressources naturelles et humaines.
- Un impact social et économique : Des secteurs entiers peuvent être précarisés par une rupture brutale, créant une instabilité sociale et financière.
S’inspirer du vivant : vers une innovation incrémentale et systémique
Dans La Troisième Voie du Vivant, Olivier Hamant propose une alternative : une innovation qui s’inspire du vivant, où l’évolution se fait par petites touches progressives plutôt que par des révolutions brutales.
1. L’innovation incrémentale : petit à petit, l’évolution construit la robustesse
Dans la nature, l’innovation ne se fait pas par rupture brutale, mais par accumulation de petites améliorations. Une espèce ne disparaît pas d’un jour à l’autre pour laisser place à une autre plus performante ; elle s’adapte lentement aux changements de son environnement.
Appliqué aux organisations, cela signifie :
- Améliorer en continu plutôt que tout remettre à zéro : privilégier des avancées progressives, en testant et ajustant constamment les solutions.
- Valoriser l’existant : plutôt que de détruire pour reconstruire, chercher comment optimiser ce qui est déjà là.
- Encourager le temps long : l’innovation durable ne se mesure pas en trimestres financiers mais en cycles plus longs, intégrant des impacts sociétaux et environnementaux.
2. L’innovation systémique : reconnecter plutôt que remplacer
Dans un écosystème naturel, il n’y a pas d’innovation isolée : chaque changement doit être harmonisé avec l’ensemble du système. Un arbre ne pousse pas seul ; il dépend du sol, des champignons, des insectes, des saisons…
Appliqué à l’innovation :
- Penser en termes d’interdépendances : une innovation n’a de valeur que si elle s’intègre dans un écosystème plus large.
- Favoriser la diversité et la coopération : éviter l’uniformisation et encourager la complémentarité entre solutions.
- Limiter les externalités négatives : toute transformation doit être évaluée en fonction de son impact global, et pas seulement de son potentiel économique.
3. Miser sur l’amélioration continue pour une innovation plus résiliente
S’inspirer du vivant, c’est comprendre que l’adaptation progressive est parfois plus puissante que le changement radical.
C’est ici que l’amélioration continue devient un levier stratégique : en s’appuyant sur des évolutions incrémentales et systématiques, elle permet aux entreprises de rester agiles et compétitives, même en période de restriction budgétaire.
- L’amélioration continue : une innovation à moindre coût et à fort impact
Contrairement aux projets d’innovation disruptive qui nécessitent souvent des investissements massifs et des cycles longs, l’amélioration continue repose sur des itérations rapides et un engagement collectif.
- Optimiser l’existant plutôt que repartir de zéro
Chaque entreprise dispose déjà d’un gisement d’innovation inexploité. Plutôt que d’investir dans de nouveaux projets risqués, elle peut chercher à améliorer ses processus, ses produits et ses services en s’appuyant sur l’expérience de ses collaborateurs.
- Mobiliser l’intelligence collective pour capter les micro-innovations
Les équipes terrain sont souvent les mieux placées pour identifier des améliorations concrètes, qu’il s’agisse d’optimiser un processus interne, d’améliorer l’expérience client ou de réduire les gaspillages.
Exemple : Toyota et le "Kaizen"
Le modèle Toyota repose sur la philosophie du Kaizen, où chaque collaborateur est encouragé à proposer des petites améliorations quotidiennes. Cette approche a permis à l’entreprise de devenir un leader en matière de qualité et d’efficacité, sans avoir besoin de transformations brutales et coûteuses.
- L’amélioration continue comme moteur de résilience en période de crise
Quand les conditions économiques se durcissent, les entreprises les plus robustes sont celles qui savent évoluer sans dépendre de révolutions coûteuses.
Pourquoi intégrer l’amélioration continue à sa stratégie d’innovation ?
Elle permet de maintenir une dynamique d’innovation, même lorsque les budgets sont contraints.
Elle favorise une meilleure adhésion des collaborateurs, car les évolutions sont progressives et adaptées à la réalité du terrain.
Elle réduit les risques, en évitant les investissements hasardeux et en testant rapidement de nouvelles approches.
- S’outiller pour capter et structurer l’amélioration continue
Si l’amélioration continue est un levier puissant, elle nécessite des outils adaptés pour structurer, suivre et amplifier les micro-innovations au sein de l’organisation.
- Créer un cadre clair pour recueillir et prioriser les suggestions des équipes.
- S’appuyer sur une plateforme d’innovation participative pour transformer ces idées en actions concrètes.
- Mesurer l’impact des améliorations et encourager une culture du feedback continu.
Conclusion : Vers une innovation régénérative
Le modèle d’innovation porté par Olivier Hamant nous invite à repenser notre rapport à la transformation. Plutôt que de chercher la rupture à tout prix, nous devons favoriser des approches plus progressives, résilientes et durables, en nous inspirant des principes du vivant.
Loin d’être une vision conservatrice, cette approche ouvre un champ immense d’opportunités : celles d’un monde où l’innovation ne détruit pas, mais renforce ; où chaque évolution s’intègre dans un équilibre plus large, garantissant ainsi la robustesse des organisations et des écosystèmes.