Il est urgent de préparer le changement de protocole IPv6

Il ne reste aujourd'hui plus que 100 millions d'adresses IPv4 dans le monde. Leur pénurie est attendue pour fin 2011, début 2012. Le passage au nouveau protocole IPv6 est donc urgent.

4,3 milliards d'adresses IPv4 ont été mises en service dans le monde et distribuées très généreusement. Elles sont désormais des denrées rares (actuellement il n'en reste que 100 millions), avec un risque de pénurie imminent. Dans le même temps, la multiplication des périphériques connectés sur l'Internet (Téléphone, PDA, voiture, domotique...) fait exploser la demande d'adresses IP.

Le principe d'IPv6 (Internet Protocol version 6) est simple : rappelez-vous le passage du numéro de téléphone de 8 à 10 chiffres. C'est exactement ce que fait IPv6 par rapport à IPv4, le protocole actuel. En passant de 4 à 16 octets, on arrive donc à un adressage quasiment infini : les possibilités se comptent en sextilions. De quoi voir venir un certain temps, même en connectant à Internet tous les équipements de toutes les maisons de la planète.

Concrètement, pour bien fonctionner, le protocole IPv6 doit être déployé sur l'ensemble de la chaine : du fournisseur de contenu (Facebook, Dailymotion, Google) à votre ordinateur personnel en passant par les backbones (level3, Cogent, OpenTransit...), puis votre fournisseur de connexion Internet (Wanadoo, Free, Neuf). Une telle migration prendra évidemment du temps mais les offres commencent à se développer.

Cette tendance étant ainsi inéluctable, il est intéressant pour chaque acteur d'anticiper et de s'orienter dès à présent vers des solutions compatibles. Migrer de IPv4 vers IPv6 ressemble en effet à tout projet informatique, il faut donc prévoir un plan de migration au plus tôt afin d'éviter des coûts trop élevés et une migration faite de façon rapide et mal gérée.

Face à l'urgence de la situation, la Commission Européenne a lancé un plan visant à stimuler la mise en conformité des différents éléments de l'infrastructure.

En France, il existe également quelques initiatives mises en place pour faire face à la limitation prochaine à l'adressage Internet, mais qui restent à mes yeux peu efficaces. Prenons l'exemple de ce qui avait été annoncé par rapport aux appels d'offres publics.

En octobre 2008, Eric Besson - secrétaire d'Etat chargé du développement de l'économie numérique - présentait le plan de développement de l'Economie Numérique "France Numérique 2012″, dans lequel il soulignait la nécessité d'"Introduire progressivement, à partir de 2009, la compatibilité avec IPv6, dans les marchés de l'Etat".  

Extrait du texte :

4.6 Faire émerger une gouvernance européenne et internationale de l'Internet. Face à la pénurie annoncée des adresses Internet IPv4, une action concertée est indispensable pour déployer la technologie IPv6 (Internet Protocol version 6) qui permettra d'augmenter de manière quasi illimitée ce nombre d'adresses. Cette technologie favorisera l'apparition d'applications Internet innovantes, notamment celles qui nécessitent de mettre en réseau un très grand nombre d'appareils simples. À titre d'exemple, la gestion de l'éclairage public et des bâtiments intelligents pourrait en être améliorée, et l'Internet pourrait servir à connecter entre eux, à peu de frais et de manière fiable, des capteurs sans fil intégrés à des appareils domestiques. Le déploiement d'IPv6 est inévitable. Il a cependant pris du retard car les acteurs industriels n'en tirent pas un bénéfice immédiat. Son coût pourra être maîtrisé à condition qu'il soit progressif et planifié. Il est recommandé d'introduire IPv6 étape par étape, notamment à l'occasion de mises à jour de logiciels et d'équipements, de changements dans l'organisation et de mesures de formation (qui peuvent sembler sans rapport avec IPv6 apriori). Les coûts seront nettement plus élevés si IPv6 est déployé en tant que projet distinct et avec des contraintes de temps. Les gouvernements européens ont donc un rôle important à jouer en encourageant tous les acteurs à accélérer la migration vers IPv6 pour le bénéfice de l'ensemble de la communauté Internet. Lors d'une consultation publique de la Commission européenne en février 2006, l'utilisation des marchés publics a été retenue en tant que moyen efficace d'accélérer la transition vers IPv6. Ainsi, le gouvernement des États-Unis a-t-il imposé en 2005 à toutes les agences gouvernementales fédérales de faire migrer leurs dorsales principales vers IPv6 avant mi-2008. Action n°149 : Introduire progressivement, à partir de 2009, la compatibilité avec IPv6 dans les marchés publics de l'État.

Mais force est de constater que les recommandations énoncées n'ont pas été suivies...

Au delà de la faible mobilisation de l'Etat, un autre frein rencontré au développement du protocole IPv6,  est un manque d'intérêt et à une méconnaissance des conséquences de la pénurie qui se dessine par la grande majorité des acteurs du marché.

Dans les faits, cela se traduit par un  ROI quasi nul dû à l'absence de demande du marché et un manque de support de la part des constructeurs et/ou éditeurs.

Le tapage médiatique autour du bug de l'an 2000 a fait beaucoup de mal à l'annonce de pénurie des adresses IPv4 et l'urgence de passer en IPv6 qui s'en est suivie quelques années après. En effet, aujourd'hui beaucoup se disent que c'est un effet de mode supplémentaire, qu'il vaut mieux ne rien entreprendre et éviter ainsi des coûts inutiles.

C'est une grossière erreur de se dire que le problème sera traité au moment où il sera là...

On vous aura prévenu ;)