Les trois dimensions de l’innovation dans les ERP

L’ERP est la plus mature des solutions de gestion d’entreprise. On pourrait croire qu’il n’y a plus grand-chose à inventer. Pourtant, tout programme ERP doit être amélioré en continu pour éviter son obsolescence.

Trois dimensions sont à considérer : la gestion des processus (c’est à dire le socle de l’ERP lui-même) ; le support à la prise de décision (souvent le maillon faible) ; la dimension humaine ainsi que la gestion des interactions associées (en général fort peu couverte).

Optimiser les processus
Au début des années 1990, l’ERP a trouvé sa source à la croisée de deux ruptures ; une rupture technologique, avec la montée en puissance des systèmes distribués et ouverts, des
interfaces graphiques et des bases de données relationnelles ; mais aussi et surtout une rupture organisationnelle consécutive à l’avènement du Business Process Reengineering, « une approche qui vise à repenser les processus d'affaires de l'entreprise et à les rendre plus efficace » (Wikipedia).
L’optimisation des processus de gestion et l’intégration des activités entre elles - notamment de la finance aux activités opérationnelles – étant la raison d’être des ERP, on pourrait penser que le seuil de maturité a été largement atteint. En règle générale, c’est le cas dans certains domaines comme la finance, la gestion de projets ou la production. Mais d’autres activités restent mal, voire pas du tout couvertes. Il peut s’agir de processus spécifiques à certains secteurs d’activité, mais aussi de métiers, jusque là à la marge des processus de gestion transverses. Ce sont notamment :
  1. les ressources humaines, nous y reviendrons par la suite.
  2. la recherche et le développement et plus généralement les processus liés à l’innovation, destinés à créer plus rapidement et efficacement des produits et des offres reconfigurables dans le temps, ou même en sur-mesure, selon le besoin de chaque client. Il s’agit d’une part de numériser et d’organiser la collecte, le partage et la diffusion de toutes les informations relatives aux produits, de l’ébauche du concept à la livraison de produits finis. D’autre part, il s’agit de rationaliser les processus afférant, dès la collecte d’idées, en passant par la recherche, le développement puis le lancement des offres, avec la capacité de rendre des comptes conformément aux réglementations en vigueur, sous les contraintes de plus en plus fortes des coûts et des délais.
  3. certaines activités comme le marketing, dont les processus s’industrialisent et adoptent les principes du temps réel, notamment avec la généralisation du marketing online. On peut arguer qu’il s’agit ici de CRM et non d’ERP. Mais cela mérite amplement d’apparaître ici car la notion de processus intégrés devient clé dans l’activité du marketing. On cherche à intégrer plus étroitement les processus marketing aux ventes (ce que l’on appelle le lead management) ; à mesurer très précisément le retour sur investissements des actions marketing, et donc, à intégrer la dimension financière à chaque niveau du processus ; ou encore, à diminuer le coût de production des ressources marketing (ce que l’on appelle le Marketing Resource Management).
Accompagner la prise de décision, gérer la performance, planifier, optimiser
Le décisionnel a toujours été source de frustration pour les utilisateurs des applications de gestion d’entreprise, car leurs attentes sont grandes en la matière. Cela commence par les fonctions de reporting « de base », souvent les parents pauvres des projets de mise en oeuvre de ces solutions. À la suite de rachats, comme Hyperion chez Oracle ou Business Objects chez SAP, ces fonctions sont désormais bien mieux gérées dans les outils. Cependant, leur mise en oeuvre reste trop souvent défaillante. Mal spécifiées en amont dans les projets, car considérées comme la « cerise sur le gâteau », elles ne sont pas suffisamment réexaminées au regard des besoins des utilisateurs qui évoluent à un rythme bien plus rapide que les processus eux-mêmes.

Il faut aussi considérer  la gestion de la performance, dans un cycle « prévoir, planifier, améliorer, rendre des comptes ». De gros progrès restent à accomplir dans ce domaine pour que l’ERP devienne l’outil de gestion de la performance qu’il a promis d’être (Rappelons que le P d’ERP fait référence à la planification). Dans le domaine financier, les outils existent déjà depuis quelques années : élaboration budgétaire, prévision, analyse des coûts par activité, reporting réglementaire, outil de management ou encore, de consolidation. Reste à les mettre au service des activités opérationnelles et à les intégrer entre eux. Excel reste l’outil le plus utilisé quoique contre-productif pour gérer la prévision et les analyses d’activités. De plus, le manque d’intégration entre les différentes activités de prévision (des ventes, financières, de production, de RH…) rendent l’entreprise très peu agile face à des changements tels que le lancement de nouveaux produits, une crise, une relance ou un réajustement de stratégie. Enfin, si les tâches opérationnelles ont été drastiquement réduites dans les entreprises notamment
grâce aux ERP, on ne peut pas en dire autant des tâches de prévision, de planification et de définition d’objectifs qui mobilisent énormément d’énergie dans les bureaux. N’est-il pas temps de les rationaliser elles aussi ?

Il faut enfin s’intéresser à la gestion des décisions opérationnelles, pour les « décideurs du quotidien ». Faut-il accepter une nouvelle commande d’un client dont le solde débiteur commence à enfler ? Comment s’adapter suite à la défaillance d’un fournisseur en limitant au maximum les impacts sur les clients ? Comment réagir au plus vite après des aléas dans la phase de transport ? Alors qu’il était considéré jusqu’à présent en bout de chaîne des processus, le décisionnel doit passer en amont, voire même devenir un maillon dans la chaîne. Comprendre pourquoi il y a des ruptures de stocks, c’est bien, mais parvenir à les éviter en détectant les alertes et en agissant en conséquence, c’est encore mieux ! De nouvelles technologies comme le Big Data, l’intégration de données issues de capteurs, les bases de données en mémoire, le Complex Event Processing et la gestion de règles sont en
passe de révolutionner ce domaine.

Gérer la dimension humaine, les interactions, et le système d’engagements

En 1987, un acteur du nom de Peoplesoft innovait en mettant l’accent sur la dimension humaine de l’ERP, et allant jusqu’à le mettre au centre de sa marque. Malgré ces avancées, et au fil du temps, la dimension humaine est restée en retrait de la dimension processus. Les ERP se sont dès lors limités à gérer la dimension très opérationnelle des RH : la paye, la gestion des temps et des absences.
Mal leur en a pris, car, portés notamment par l’avènement des réseaux sociaux, l’homme prend désormais une place centrale dans les systèmes d’information d’entreprise. Il aspire à en prendre les commandes et pas seulement à se mettre au service de processus automatisés. Cela a ouvert la porte à de nouveaux acteurs aux noms eux aussi éloquents comme Workday, SuccessFactors ou Taleo. Les rachats des deux derniers, respectivement par SAP et Oracle, mais aussi celui plus récent de Kenexa par IBM, illustrent cette montée
en puissance. L’enjeu n’est pas seulement de mieux gérer les talents, de les recruter, les former et les accompagner dans leur développement. Il s’agit aussi de leur donner les moyens d’être plus performants dans leur travail, de leur permettre de collaborer avec les bonnes personnes tout en se raccrochant aux bons processus pour faire avancer l’entreprise collectivement.
L’histoire a commencé avec l’apparition des portails d’entreprise, dont un des enjeux est de permettre à chacun de constituer son environnement de travail personnel en fonction de son rôle, de son organisation ou de ses centres d’intérêt.
Il s’agit aussi d’organiser les collaborations (par exemple en rassemblant les parties prenantes d’un projet pour en gérer ensemble les dimensions financières et opérationnelles), de gérer le partage de la connaissance, de répartir les tâches et suivre leur avancement ou encore d’organiser les prises de décision.
Mais les portails ne suffisent plus, parce qu’il ne s’agit pas uniquement de connecter les hommes aux systèmes d’information, de gérer des transactions ou de partager du contenu. Il faut aussi connecter les hommes entre eux, et gérer des interactions et des conversations afin de les relier aux opérations ; par exemple, au travers d’outils tels que des réseaux sociaux d’entreprise qui permettent de canaliser les flux transactionnels et d’interactions au sein d’un même "tuyau" et ainsi d’organiser leur diffusion. On a appris, par exemple, que Google détecte les épidémies de grippe plus rapidement que les réseaux médicaux grâce à l’analyse géolocalisée de l’évolution de la fréquence des requêtes liées à la grippe dans le moteur de recherche. C’est donc souvent par les interactions qu'apparaissent les premiers signaux d’une défaillance dans les opérations d’une entreprise ou que l'on peut détecter les événements externes sur lesquels il convient d’agir.  
Relier les transactions et les interactions, puis les canaliser au service des processus et des collaborations dans l’entreprise, voilà un chantier passionnant qui devrait nous occuper pour encore quelques années  !

Cette chronique est extraite du livre blanc "tendance ERP" téléchargeable sur http://tendances-erp.com regroupant les points de vue de 9 experts sur les tendances de l'ERP.