Agilité at scale : les recettes de la désillusion ?

La difficulté de certains programmes d’agilité at scale, provient d’une forme de naïveté qui consiste à croire que ce mode de fonctionnement cible est pertinent pour tout type de contexte.

Nombreux sont les grands groupes qui suivent le chemin prometteur de l’agilité, en franchissant successivement des étapes maintenant bien connues :
● étape 1 : fascination - mais comment font ces licornes et autres start-ups disruptives ? quelle est cette “agilité” venue desgeeks de la côte ouest qui semble bouger les montagnes ?
● étape 2 : expérimentation - et si j’essayais ? au mieux au sein de mon organisation actuelle, au pire, dans un lab, un start-up studio ou autre digital factory
● étape 3 : déploiement at scale- ça a l’air de fonctionner et ce prestigieux cabinet me conseille un déploiement multi-divisions, multi-pays, pour finalement gérer un portefeuille de projets agiles… allons-y !

Et c’est là que cela coince… pour quelques succès emblématiques, les nombreux semi échecs de transformation restent silencieux. Quelle analyse ? Comment sortir de l’ornière ?  Comment se remettre en mouvement ? Pour répondre à ces questions, il semble urgent de relire cet idéal d’organisation à la lumière de 3 éclairages :
Culture
Ayant passé près de 15 ans à l’étranger pour des entreprises américaines et japonaises, je mesure combien la dimension culturelle est sous-estimée dans les approches dominantes de modèles organisationnels. Le rapport à l’initiative, à la responsabilité, à la hiérarchie, à l’équipe diffère d’un pays à l’autre, d’un groupe social à l’autre, d’une entreprise à l’autre. Il est nécessaire de reconnaître le biais culturel, de comprendre comment il influe sur un mode agile né dans un contexte spécifique - le software sur la West Coast - et d’intégrer ce biais dans le dessin de l’organisation cible, tout comme dans le rythme et les limites de son déploiement
Coexistence
La pertinence de la démarche agile n’est plus à démontrer tant elle a permis des gains en matière de réactivité, d’adaptabilité et d'efficacité. La plupart du temps, les équipes agiles doivent cependant interagir avec des fonctions ou des populations qui prendront beaucoup plus de temps à transitionner. La coexistence, souvent compliquée, s’apparente à la querelle des Anciens et des Modernes et génère frustrations et incompréhension. Tel département marketing en mode agile doit travailler avec telle DSI en mode planifié. Telle équipe de développement produit doit composer avec les objectifs d’une direction générale qui doit écrire son business plan à 3 ans… 

A cela il faut ajouter la nécessaire coexistence avec des partenaires externes, dans le cadre d’un écosystème opérationnel. Il s’agit alors d’assumer d’éventuels décalages, d’évangéliser pour encourager l’adoption de la démarche (explication, partage d’information, implication) voire d’avoir le courage de s’adapter quand les contraintes dépassent les bénéfices.
Cohérence

Dans les organisations qui se sont engagées dans une démarche SAFe et autre agility at scale, les équipes, initialement désorientées, sont en recherche de cohérence. L’adhésion au mouvement de transformation requiert en effet un alignement fort entre l’ambition d'entreprise, les moyens mis en place et les responsabilités confiées qui doivent conduire à des opportunités répondant aux aspirations individuelles.

Cette mise en cohérence est fondamentale pour tenir, dans la durée, le cap d’un changement profond. La responsabilité du management est alors plus importante que jamais : il doit montrer l’exemple et entraîner des équipes en demande de direction dans des environnements toujours plus incertains.

Il semble ainsi que la difficulté de certains programmes d’agility at scale, provient d’une forme de naïveté qui consiste à croire que ce mode de fonctionnement cible est pertinent pour tout type de contexte. Adapter l’entreprise au modèle, ou le contraire ? Il s’agit en fait de repartir du projet commun qui caractérise toute organisation humaine, de travailler avec le leadership sur sa déclinaison, pour finalement intégrer un modèle d’agilité à même de tirer le meilleur des équipes, toujours prêtes à s’engager pour peu qu’on donne du sens à leur contribution. Les entreprises ont plus que jamais besoin d’être accompagnées pour ré-intégrer le facteur humain et les spécificités culturelles dans leur plan de transformation digitale et ainsi se mettre en capacité de réconcilier les attentes actionnariales, collectives et individuelle …