ESN : la fin d’un modèle ?

Le modèle des ESN (Entreprises de Services du Numérique), fondé sur la fourniture de prestations en régie auprès des DSI, est aujourd’hui menacé par deux évolutions majeures. L’une est technologique avec l’émergence des plateformes en ligne de mise en relation, l’autre est sociale avec l’essor de nouvelles formes d’emploi comme la micro-entreprise ou le portage salarial.

Qu’est-ce que la prestation en régie ?

Dans les ESN (anciennement SSII), la prestation en régie ou assistance technique désigne le placement de consultants chez un client sur son site. Les contrats sont généralement signés pour une durée de 3 à 6 mois renouvelable et peuvent atteindre une durée maximale de 3 ans. L’ESN assure le recrutement des consultants, leur suivi en mission et la facturation des prestations, généralement calculées sur la base d’un tarif journalier moyen (TJM).

Le modèle traditionnel des ESN

En étant référencées auprès de grandes entreprises clientes ou « grands comptes », les ESN profitent d’une situation de rente. La logique industrielle semble imparable : le client maîtrise ses coûts en imposant ses grilles tarifaires et, en contrepartie, son prestataire de services est garanti de recevoir les appels d’offres pour proposer ses consultants. Depuis la crise de 2008, les grands comptes tentent de réduire au maximum leur panel de fournisseurs, poussant le secteur de l’IT à se consolider autour d’acteurs capables de conserver la taille critique nécessaire pour conserver leur référencement. La concurrence qui fait rage au sein du secteur semble ainsi aveugler les ESN sur la révolution des usages qui guette leur modèle.

L’attractivité des ESN en question

Les ESN doivent faire face à un turn-over important. Elles éprouvent aujourd’hui de grandes difficultés à attirer et à retenir les talents. Les sources de frustration de ces derniers sont nombreuses : augmentations salariales plafonnées, absence de choix dans les missions proposées, absence de perspectives d’évolution au sein de l’ESN, impossibilité de cumuler une seconde activité. Si l’ESN est encore considérée par les jeunes ingénieurs comme un marchepied vers le monde du travail, une carrière en CDI au sein de ces sociétés de service ne fait plus rêver et nombreux sont les consultants confirmés à la délaisser pour se tourner vers le freelancing.

Les plateformes en ligne se tournent vers les clients finaux

Les plateformes de recrutement des freelances se sont multipliées ces dernières années. Leur promesse est de fluidifier, simplifier et accélérer le travail des recruteurs. Elles sont déjà massivement utilisées par les ESN pour dénicher les profils demandés. Mais ces plateformes cherchent désormais à s’adresser directement aux clients finaux.

Les nouvelles formes d’emploi

Ces dix dernières années, deux nouvelles formes d’emploi ont accompagné l’essor du nombre de freelances en France : la micro-entreprise (anciennement auto-entrepreneur) et le portage salarial. Pour les freelances IT, le choix de la micro-entreprise présente deux limites. Tout d’abord, son plafond annuel de chiffre d’affaires est de 70 000 € hors-taxe. Ensuite, les grands comptes refusent de contracter en direct avec des micro-entrepreneurs en raison du risque juridique de requalification du contrat de service. Ce statut est donc davantage adapté pour compléter un premier revenu ou pour une activité à temps partiel. A contrario, le portage salarial ne présente pas de telles limitations. Il repose sur une relation triangulaire entre le freelance, le client et la société de portage salarial. Cette dernière joue alors le rôle d’intermédiaire en facturant les prestations au client puis en transformant mensuellement le chiffre d’affaires du freelance en salaires. De plus, ce dispositif est encadré par la loi du 25 juin 2008 et a été exclu des cas de délit de marchandage et de prêt illicite de main d’œuvre. Les avantages du portage salarial (liberté, simplicité, protection sociale, accompagnement) le rendent particulièrement attractif pour les consultants IT qui restent libres de négocier leurs tarifs.

Quel avenir pour les ESN ?

Nous voyons ainsi comment la combinaison d’une innovation technologique et d’une innovation sociale attaque l’ensemble de la chaîne de valeur des ESN sur le segment de l’assistance technique en proposant une alternative capable de répondre aux enjeux des clients et de satisfaire les consultants. Cela signifie-t-il que l’ESN n’a plus sa place pour autant ?  La réponse est évidemment non. Certaines ESN ont déjà commencé à évoluer vers d’autres modèles comme l’infogérance via la mise en place de centres de service, la TMA ou le Conseil. Comme tout acteur économique, pour continuer à être pertinentes, les ESN doivent se recentrer sur l’essentiel : la création de valeur pour leurs clients.