"Le plan de relance est insuffisant pour l'économie numérique"

"Le plan de relance est insuffisant pour l'économie numérique" Pression sur les prix, délais de paiement, prêt de main d'oeuvre, chômage partiel, Green IT, perspectives... Le président du syndicat professionnel a répondu aux interrogations des lecteurs.

Où en sont les négocations avec les syndicats sur l'extension du droit à la mise au chômage partiel au sein de la branche ?
Les lois actuelles sur le chômage partiel ne sont pas adaptées aux sociétés de service, elles portent sur la fermeture de sites industriels. Il est clair que dans une situation tendue comme celle que nous connaissons, la solution chômage partiel peut être utile à certaines entreprises dans certains cas.

Nous avons une double démarche : une première, auprès des pouvoirs publics pour faire élargir les décrets d'application pour pouvoir appliquer le chômage partiel en cas d'arrêt de projet. La seconde auprès des syndicats, pour qu'il y ait cohérence dans l'application et dans les discours à ce sujet.

Nous avons bon espoir de voir déboucher rapidement ces deux démarches. reste à définir plus précisément les conditions d'applications du chômage partiel, qui ne peut bien sûr pas être un palliatif à l'intercontrat classique, qui fait partie de notre profession.

Le gouvernement prend-il les bonnes décisions pour soutenir le secteur informatique en France ? Le plan de relance vous convient-il ?
Non. Le plan de relance me paraît insuffisant quand à la prise en compte de l'économie numérique. Que ce soit au niveau du développement des usages dans l'administration ou les entreprises, ou dans le soutien des entreprises innovantes, en particulier dans le monde du logiciel et dans le cadre des PME.

Quelles mesures préconisez-vous pour soutenir les entreprises actuellement ?
Plusieurs actions sont en cours. D'abord, défendre nos entreprises vis-à-vis des pratiques abusives de certains donneurs d'ordres. Délais de paiement non respectés, pressions excessives sur les prix... Ensuite, travailler avec les pouvoirs publics sur plusieurs plans : l'accélération du lancement de grands projets "sociétaux", dans le monde de la santé, de l'éducation, de la justice, de l'environnement...

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"Une de nos missions : défendre nos entreprises vis-à-vis des pratiques abusives de certains donneurs d'ordres" © Benchmark Group

Puis, inciter les entreprises privées à accélérer leur investissement en TIC et notamment en e-business : la France est en 18e position sur les 27 pays européens en matière de mise en place de sites web dans les entreprises.

Enfin, toujours avec les pouvoirs publics, pousser des mesures destinées à "libérer" l'énergie des PME innovantes, notamment au plan du financement et de l'accès aux grands marchés publics. Dans le cadre de Syntec informatique, apporter de nouveaux services et de nouvelles expertises pour faciliter la vie de nos membres.

Les députés se penchent actuellement sur les conditions du prêt de main d'œuvre. Quels garde-fous faut-il mettre en place selon vous ?
Il est facile dans certains cas d'assimiler les prestations d'assistance technique à du prêt de main d'œuvre, alors même que ces prestations sont absolument nécessaires dans de nombreux cas à nos clients.

Il faut faire évoluer la loi dans ce sens, et dans l'attente, nous avons édicté un certain nombre de règles valables pour nos entreprises comme pour nos clients, qui permettent d'éviter ce genre de difficultés.

Quelle sera la croissance ou la décroissance du secteur IT en France en 2009 ?
D'abord, il faut bien savoir de quoi on parle. En ce qui concerne le monde des SSII et des éditeurs, qui est une partie du secteur IT, nous avons annoncé une croissance de 0 + ou - 2% pour le marché français. Pour l'IT plus généralement, en intégrant les matériels, ce chiffre sera probablement à minorer de 2 à 4 points.

Que recommandez-vous pour optimiser la gestion des intercontrats des SSII actuellement ?
Les recettes habituelles du management de SSII restent valables. Par exemple, la formation, sur des techniques ou des secteurs porteurs, l'affectation des ingénieurs à des projets d'avant-vente lourds, l'accélération de la prise de congés dans ces périodes etc.

De quels types de formation les salariés du secteur informatique ont-ils le plus besoin actuellement ? Et pour les 3 ans qui viennent ?
Nous avons collaboré à l'élaboration des priorités de formation de la branche, qui fixe un cadre triennal pour la formation professionnelle. De manière plus précise, deux remarques : les doubles compétences techniques / métiers clients sont de plus en plus demandées, qu'il s'agisse d'un secteur d'activité ou d'un domaine, comme les ressources humaines ou la gestion financière. Deuxième remarque, tout ce qui concerne le e-business, la création de portails, les techniques dot net ou équivalentes restent très prisées.

Par ailleurs, nous travaillons à la création de nouvelles certifications métiers avec les CQP (6 en informatique désormais) et aux actions collectives de formation, dont certaines en région.

A l'instar du Ministre des affaires sociales, Brice Hortefeux, préconisez-vous des syndicats de salariés puissants et représentatifs dans le cadre du dialogue social avec les instances patronales, dont le Syntec ?
Le cas de l'informatique n'est pas différent du reste de l'économie. Nous avons toujours intérêt à avoir un dialogue social pertinent, et donc d'avoir des interlocuteurs représentatifs de leur entreprise.

Les opportunités offertes par le Green IT sont-elles vraiment susceptibles de booster le secteur informatique en France ?
Je crois que oui. N'oublions pas que dans le Green IT, il y a en fait trois domaines.
L'un concerne la réduction de la consommation des ordinateurs, routeurs... ce qui n'est pas directement dans notre champ de réflexion. Le second concerne l'optimisation de la consommation des datacenters et de nombreuses grandes entreprises parmi nos membres y travaillent.

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"Le véritable business du Green IT est l'énorme quantité d'applications qui sont possibles pour réduire la dépense énergétique dans quasiment tous les domaines de l'économie et de la vie" © Benchmark Group

Mais le véritable business, c'est le troisième domaine : l'énorme quantité d'applications qui sont possibles pour réduire la dépense énergétique dans quasiment tous les domaines de l'économie et de la vie : transports, téléconférences, bâtiments, éclairage, etc... Nous lançons le premier volet d'un livre vert, qui traitera successivement des différents domaines d'application du Green IT, de façon très concrète.

Le logiciel libre est-il aussi une opportunité anti-crise ?
Incontestablement, le logiciel libre se développe en France, même s'il ne représente aujourd'hui qu'une part mineure de l'édition de logiciel et tout développement de nouveau domaine représente une des réponses à la crise.

Que pensez-vous du dispositif des périodes de professionnalisation ?
C'est un bon dispositif, nous en faisons la promotion et nous travaillons à élargir son assiette. Ce dispositif est particulièrement intéressant en période de crise et de transformation.

A quand la reprise économique ?
J'ai interrogé mon marc de café ce matin, je n'ai pas encore ouvert le ventre d'un poulet pour être en mesure de prédire l'avenir !

Comment évolue l'attractivité des métiers de l'informatique aujourd'hui ?
C'est une situation un peu bizarre. depuis quelques années, ce n'était pas facile d'attirer les meilleurs éléments dans l'informatique, car d'autres secteurs, et notamment le monde financier, étaient plus attractifs en termes de rémunération.

Avec la crise financière et la fin des golden boys, nos secteurs reprennent du lustre, mais à un moment où nos besoins sont moins élevés, du moins à court terme.
Il est donc très important pour nous de travailler, notamment avec les écoles d'ingénieurs, pour maintenir un niveau de demande suffisant par différentes voies : stages, apprentissage, cursus complémentaires etc. Sachant que nous aurons besoin à coup sûr de recruter de nombreux jeunes dès que la reprise arrivera.

Les moyens de Nathalie Kosciusko-Morizet au sein du gouvernement restent encore limités

Depuis l'arrivée de Nathalie Kosciusko-Morizet au Secrétariat numérique, avez-vous vu les propositions évoluer ? Et si oui, dans quel sens ?
L'apport principal de NKM à ce jour est qu'elle est bien consciente que le développement des usages, en particulier dans les entreprises, doit aller de pair avec le développement des infrastructures, ce qui est un peu nouveau.

Par ailleurs, elle a parfaitement compris le lien étroit évoqué précédemment entre protection de l'environnement et TIC. Enfin, mon impression est qu'elle s'est très rapidement approprié un domaine qu'a priori elle ne connaissait pas très bien. Pour autant, ses moyens au sein du gouvernement restent encore limités.

Qu'attendez-vous de la campagne des Européennes ? Avez-vous des propositions concrètes au sein du Syntec Informatique ?
Une remarque : l'Europe me semble avoir une importance particulière sur deux plans. Le premier dans le lancement de grands projets européens coordonnés, comme cela a été le cas du programme Schengen pour la sécurité, le second concernant la volonté de développer une industrie européenne du logiciel, dont on a bien besoin.

Rappelons que sur les 15 premiers éditeurs au monde, on trouve 14 américains et un allemand. Nous avons travaillé avec les associations homologues dans la plupart des pays d'Europe, à un plan logiciel européen qui est en discussion, mais à un rythme qui ne nous satisfait pas.

Quel bilan faites-vous des pôles de compétitivité trois ans après leur lancement ? Ont-ils eu un réel impact positif sur le secteur IT, et l'emploi notamment ?
Je pense que les pôles de compétitivité sont une excellente initiative, et il est un peu tôt pour en tirer des résultats quantitatifs. Néanmoins, peut-être sont ils trop nombreux et pas assez tournés "business". En ce qui nous concerne, nous travaillons de façon étroite avec Systematic, Aerospace Valley, Minalogic.... dans le domaine des systèmes embarqués.

Les pôles de compétitivité sont peut-être trop nombreux et pas assez tournés "business"

Quelles sont les grandes lignes du plan triennal élaboré par le comité Editeurs de Syntec Informatique, le Syntec Logiciel 2012, pour soutenir les éditeurs ?
Quelques éléments : accès aux marchés (grands marchés nationaux et international), renforcement financier, innovation (liens avec les pôles), diffusion des bonnes pratiques, formation et valorisation du système d'information.

Comment évolue la pression sur les prix actuellement ?
La pression sur les prix reste forte dans la quasi-totalité des secteurs. Nous veillons à ce qu'elle ne soit pas abusive, c'est-à-dire disproportionnée et reste dans le cadre normal de la négociation. J'apprécie assez peu de voir de grands donneurs d'ordres annonçant des profits trimestriels supérieurs à 1 milliard d'euros faire une pression énorme sur des PME innovantes de 200 personnes avec un chantage permanent au rejet s'ils ne passent pas par les fourches caudines des acheteurs.

Qu'en est-il des taux d'intercontrats ?
Ils ont augmenté, mais restent acceptables pour la plupart des entreprises, sauf peut-être dans le monde du conseil où ils deviennent très importants.

Vous avez dénoncé en début d'année la pratique de certains donneurs d'ordres contournant la loi de modernisation de l'économie sur la réduction des délais de paiement en demandant aux prestataires IT des remises de prix rétroactives. Est-ce toujours le cas ?

C'est un peu moins le cas, parce que nous avons réagi de manière assez vive sur quelques cas flagrants, en agissant notamment auprès de la DGCCRF,
et ces actions commencent à être connues auprès des donneurs d'ordres.

Cette année, la création d'emploi nette sera quasiment nulle dans le secteur

Quelle est la part que représentent aujourd'hui les éditeurs de logiciels au sein du Syntec ?
50% des 1 000 membres, soit environ 500 éditeurs et parmi eux 15 des 20 plus grands éditeurs en France en chiffre d'affaires : Microsoft, IBM Software, SAP, HP Software, Oracle...

Combien de recrutements ont eu lieu sur les 5 premiers mois de l'année par les membres de Syntec informatique ?
L'année dernière, notre profession a recruté 50 à 55 000 personnes dont environ 20 000 créations d'emplois nettes. Cette année, la création d'emploi nette sera quasiment nulle et le turnover étant en baisse, le recrutement global devrait être de l'ordre de 20 000 collaborateurs. Ce début d'année est en ligne avec ces prévisions, peut-être un peu en-dessous.

Un recours à l'offshore de manière plus forte, en cette période de crise, vous fait-il peur ?
Non pas spécialement. L'offshore est une réalité pour la profession, qui se développe comme prévu mais sans accélération particulière due à la crise ; n'oublions pas que c'est à la fois une opportunité pour faire face à la pression sur les prix, mais aussi un risque chaque fois que l'appel à l'offshore est inadéquat par rapport au besoin client.
Aujourd'hui, les grands clients commencent à avoir un recul suffisant pour juger dans quels cas c'est souhaitable ou non.

Parvenez vous à gérer votre présidence de Syntec Informatique et de votre SSII ?
Non, pas bien !