Nicolas Sekkaki (SAP ) "SAP sort de sa zone de confort pour entamer sa mutation"

L'éditeur a pris conscience qu'il ne peut plus uniquement compter sur son activité ERP pour assurer sa croissance. Le point avec son nouveau directeur général France qui lève le voile sur les choix de support de ses clients.

Les résultats de SAP au 1er trimestre 2010 ont-ils été satisfaisants à vos yeux, en particulier en France ?

Dans un contexte difficile, SAP est parvenu à dégager un chiffre d'affaires en croissance de 5%, à 2,51 milliards d'euros. La partie logicielle a connu une croissance de 11% tandis que celle liée au support et à la maintenance a été de 12%. Sur les services purs en revanche nos revenus ont été en décroissance. Ce qui est assez logique au regard de l'état du marché du conseil qui a subi de plein fouet la crise.

Les résultats que nous avons enregistrés en France ont été plus importants qu'ailleurs, à savoir en hausse de près de 7% grâce au bon maintien de l'activité maintenance et support sachant que la croissance des ventes sur les logiciels a été de 1%. Cela reste un motif de satisfaction après plusieurs trimestres de décroissance.

Pourquoi votre résultat opérationnel a-t-il pu décevoir certains analystes ?

Le niveau des ventes ne s'est en effet pas traduit de façon satisfaisante dans notre résultat. Cela est dû notamment au choix que nous avons fait de décaler la facturation de la maintenance Enterprise et Standard Support.

Cela ne nous a pas empêché cependant de réaffirmer pour cette année une profitabilité de 30 à 31% pour l'ensemble de notre exercice 2010 et une croissance de notre chiffre d'affaires comprise entre 3,5% et 4%. Les prévisions du Syntec tablent sur 1% de croissance du marché pour cette année mais nous avons pour objectif d'aller bien au-delà de cette croissance grâce à plusieurs atouts.

Vous avez laissé du temps à vos clients pour faire leur choix entre l'Enterprise Support et le Standard Support. Quel est le verdict ?

"80% de nos nouveaux clients en Europe ont choisi l'Enterprise Support"

Nous avons pris soin d'expliquer à tous nos clients la valeur ajoutée de l'Enterprise Support, du niveau de services proactifs proposés, des conseillers personnalisés, etc. Le fait est que les clients ont pris leur décision, et se sont massivement tournés en faveur de ce support. 91% de nos clients directs et plus de 80% de nos clients indirects ont ainsi choisi cette offre de support.

De même, 80% de nos nouveaux clients en Europe ont choisi l'Enterprise Support, ce qui montre bien que c'est une demande forte du marché que d'avoir une relation de proximité avec nous. On comprend bien que l'annonce de l'augmentation du coût du support a pu à un moment donné être source d'émotion pour nos clients, mais aujourd'hui la situation est normalisée, tout comme avec l'USF [Club des Utilisateurs Francophones de SAP, NDLR].

Comment évolue la demande en matière d'ERP ?

On observe en ce moment une reprise des projets ERP, mais je ne sais pas s'il s'agit vraiment d'un effet de rattrapage ou de projets qui ont démarré et ont bel et bien abouti. Ce qui est sûr c'est que l'on rencontre en ce moment des besoins chez certains comptes d'améliorer la productivité et de moderniser le système d'information existant. On voit aussi une belle tendance en matière de projets BI qui s'est traduit par une croissance de cette activité de 35% en France dans notre chiffre d'affaires.

Quels sont vos leviers de croissance pour 2010 ? 

Nous avons deux grands moteurs de croissance. Le premier est axé sur les comptes stratégiques et le secteur public dont les priorités d'investissement sont réparties à parts égales entre l'ERP d'une part et les projets métiers d'autre part.

Le second est lié à la dynamique de plusieurs solutions qui ont très bien marché, comme la Business Intelligence, mais aussi nos offres dans le secteur banque-assurance avec des affaires conclues avec la Société Générale et la Maif. Ceci pour une raison simple : les entreprises ont besoin d'avoir plus que jamais une visibilité très précise sur leurs coûts, et de connaître les activités à plus forte croissance.

SAP a eu un passage à vide avec comme point d'orgue un remaniement de management. Êtes-vous toujours en crise aujourd'hui ?  

SAP est entré dans une mutation forcée, dans ce que j'appellerais une crise de croissance. Cette transformation a été bénéfique car elle nous a permis de prendre conscience que l'on ne pouvait pas rester uniquement focaliser sur le marché de l'ERP. Les besoins de nos clients ont évolué, le volume des données a explosé, la demande en matière de collaboratif pour faire circuler de l'information entre groupes d'utilisateurs est une réalité aboutissant à la fin de l'information en silos.

"Désormais, il n'y a plus d'effet de juxtaposition entre nos offres, mais uniquement des synergies"

Pour y parvenir, SAP a dû sortir de sa zone de confort. La première étape significative de cette mutation a été le rachat de Business Objects qui a constitué un acte majeur pour SAP qui s'est aventuré sur un marché connexe et nouveau, ce qui n'est jamais évident à faire pour une entreprise.

A une époque, le rapprochement n'a pas été facile, 60% des collaborateurs de SAP France étant d'un coup constitués de collaborateurs de Business Objects, et donc il a fallu une phase d'adaptation qui est aujourd'hui derrière nous. Mais, les acquisitions de Cartesis et plus récemment celle de Business Objects vont définitivement porter leurs fruits cette année et en 2011.

Qu'attendez-vous de 2010 et 2011 ?

Désormais, il n'y a plus d'effet de juxtaposition entre nos offres, mais uniquement des synergies. Tous les investissements que nous avons pu faire en termes de technologies, de force commerciale et de développement logiciel ont été réalisés pour répondre aux besoins de tous nos clients et pas seulement ceux qui étaient détenteurs d'un ERP SAP.

Car on compte beaucoup de clients SAP qui ne sont pas à l'heure actuelle équipés en ERP SAP, l'enjeu étant pour nous de s'appuyer sur notre capital sympathie pour développer ou recréer du lien avec tous nos clients. Nous allons aussi continuer dans la voie de la croissance aussi bien organique qu'externe comme nous l'avons toujours fait jusqu'à présent. Et il n'y a sur ce point aucun changement de stratégie.

Les débuts de votre ERP SaaS ont été difficiles, le futur s'annonce-t-il meilleur ?

Business ByDesign s'inscrit dans un schéma de rupture forte par rapport à ce qui existe actuellement en matière d'ERP. Nous avons séduit une centaine de clients dans le monde depuis le lancement de cette solution. Si au départ son socle technologique n'était pas assez léger, nous l'avons aujourd'hui amélioré et allons proposer une version 2.5 au mois de juillet prochain qui bénéficiera de réelles avancées.

Sans compter que nous travaillons déjà sur la version 2.6, prévue en novembre, qui intégrera une fonctionnalité d'analyse en mémoire permettant de multiplier par 10 ou 20 la puissance de traitement. La puissance de l'ERP en mode SaaS sera donc au rendez-vous-même s'il sera sans doute encore un peu tôt pour gérer à chaud des flux transactionnels.

"Nous allons inclure une fonctionnalité d'analyse en mémoire dans la version 2.6 de Business ByDesign en novembre prochain"

En quoi le segment de marché des entreprises de taille moyenne est-il stratégique pour vous ?

Le marché des PME-PMI est un marché très important pour nous et un très fort vecteur de croissance. Au niveau européen ce segment est en croissance de 17%, mais est encore à la traîne pour ce qui concerne la France.

D'ici à 2013, nous verrons ces entreprises qui utilisent traditionnellement nos ERP en interne aller vers le SaaS. Beaucoup d'entreprises aujourd'hui se posent la question de savoir si elles doivent déployer un ERP en interne pour 25 utilisateurs, et elles sont nombreuses à se rendre compte que choisir le SaaS dans ce cas peut être plus intéressant pour elles, aussi bien en termes de coûts que de temps d'implémentation.

Cela étant, il n'est pas question pour elles de remplacer un ERP déployé chez elles par Business ByDesign, mais plutôt de jouer la carte de la complémentarité entre ces deux offres. En revanche, pour adresser certaines fonctionnalités particulières, comme le CRM, le SaaS pourra suffire. Mais dans tous les cas, c'est bien évidemment l'entreprise qui décidera du type de solutions qu'elle souhaite utiliser.

Allez-vous à cette occasion impliquer fortement votre réseau d'intégrateurs ?

Nous allons beaucoup nous appuyer sur notre réseau de partenaires et d'intégrateurs pour leur permettre de réaliser des offres prépackagées de Business ByDesign qui puissent répondre à des besoins dans certains domaines verticaux ou sectoriels particuliers. Il y aura donc prochainement des offres personnalisées de Business ByDesign permettant de répondre à la carte aux besoins des entreprises.

Nicolas Sekkaki est directeur général de SAP France. Avant de rejoindre SAP, il a été directeur général de la division Global Technology Services d'IBM France.