Le Growth Hacking, terme à la mode, consiste à chercher de la croissance à l'aide de hacks. Pourquoi certaines startups y parviennent quand les grands groupes industriels peinent à faire de même ?
Le "Growth Hacking" est l'un des buzzwords des deux dernières années. En bref, il s'agit de mettre en oeuvre des techniques imaginatives afin d'actionner de nouveaux leviers de croissance. Les exemples cités sont toujours un peu les mêmes :
- Hotmail a mis la mention suivante en signature de ses emails dans ses premières années : "PS: I Love You. Get Your Free Email at Hotmail", pour inciter les destinataires à utiliser le service, ce qui lui a valu 20.000 utilisateurs en un mois et un million en 6 mois ;
- Dropbox a mis en place un programme permettant à ses utilisateurs d'obtenir 500 Mo d'espace gratuit pour chaque ami qui installe Dropbox, jusqu'à une limite maximale de 16 Go ;
- YouTube a réussi à dépasser MySpace à ses débuts en proposant notamment un "embed code", permettant d'insérer une vidéo Youtube directement sur un site ou un blog ;
- Twitter a rapidement compris que le critère de fidélisation des nouveaux utilisateurs était leur nombre d'abonnés, c'est pourquoi à chaque fois que l'on suit un utilisateur sur Twitter, ce dernier suggère des profils similaires à suivre ;
- Facebook a démarré sous la forme d'un réseau fermé, limité à certaines universités américaines, ce qui lui a permis de démarrer sur une base solide d'utilisateurs déjà fortement interconnectés.
Finalement, les growths hacks donnés en exemple sont tous assez simples à comprendre et à mettre en oeuvre, mais n'ont plus aucun intérêt aujourd'hui. Il s'agit uniquement de la face émergée de l'iceberg, car ces entreprises ont probablement essayé des tas d'autres hacks avant d'en trouver qui amènent à des résultats. Prenez le bouton Facebook ! Au premier regard il s'agit d'un simple bouton. Mais si vous le regardez en détail, toute la surface du bouton est cliquable lorsque vous n'avez pas encore cliqué dessus, par contre une fois que vous avez "liké", seule une portion infime du bouton correspondant à la croix est cliquable : c'est un entonnoir social !
Toutes ces sociétés sont devenues des références en peu d'années mais elles ont surtout comme dénominateur commun le fait d'avoir démarré en ayant très peu de ressources. Le fait d'avoir de l'argent rend fainéant. Pourquoi passer plusieurs jours sur un détail alors qu'on peut payer pour le même résultat ?
Chaque utilisateur compte
Posez la question suivante à un jeune entrepreneur : "comment avez-vous obtenu vos 100 premiers utilisateurs". Il saura forcément vous répondre. N'ayant que ça à se mettre sous la dent, il sera en mesure de vous expliquer ce qu'ils ont en commun et comment ils interagissent avec le produit. Le growth hacking c'est d'abord de l'analyse. Il faut éplucher les données analytiques, comprendre le parcours de l'utilisateur, écouter les retours par email ou sur les réseaux sociaux, puis engager la discussion afin de creuser plus en profondeur. Le growth hacking c'est aussi de l'empathie : savoir se mettre à la place de l'utilisateur, comprendre ce qu'il veut, ce qu'il fait et pourquoi il le fait.
Trouver les points forts d'un produit c'est essentiel, mais trouver ses points faibles l'est tout autant. Il s'agit donc de se donner un objectif (faire aboutir une action de la part de l'utilisateur, améliorer un
taux de conversion, gagner plus d'argent), puis de comprendre ce qui bloque ou au contraire ce qui pourrait améliorer son parcours en passant au crible chaque indicateur de comportement (temps passé, taux de rebond, taux de clic, etc.).
Chaque essai compte
Evidemment, une fois que l'on a mis le doigt sur le problème, encore faut-il trouver une solution. Dans les faits, la première solution à laquelle on pense est rarement la bonne. Si vous souhaitez emmener plus d'utilisateurs à effectuer une action, il est tentant de mettre un "call-to-action" (bouton ou visuel invitant à effectuer un action) bien voyant, mais au final peu d'utilisateurs cliqueront dessus. La raison ? L'Ad-Blindness ! Plus un bouton est voyant, plus il ressemble à une publicité et moins les utilisateurs ont envie de cliquer dessus.
Les growth hackers vont mettre en oeuvre des stratégies d'A/B Testing, c'est-à-dire prendre une partie du trafic comme référence, puis tester une solution A sur une autre partie du trafic et enfin une solution B sur une dernière portion de même taille. Il s'agira ensuite d'attendre, de mesurer et de comparer les résultats, puis de garder la meilleure des deux solutions mises en oeuvre. Le growth hacking ce n'est donc pas l'idée de génie qui permet de passer de zéro utilisateurs à plusieurs millions en quelques jours, mais surtout de nombreux essais et beaucoup d'échecs. Bref, c'est de la patience, du travail et donc un investissement important en temps.
Les start-ups partent de rien, toute amélioration est visible et bonne à prendre. Elles peuvent donc se permettre d'aller vite ! Les sociétés installées ont un existant. Lorsqu'un indicateur est modifié, il en cache souvent un ou plusieurs autres qui baissent. Les sociétés monétisant leur service par de la publicité gagnent de l'argent, à peu de choses près, à chaque fois qu'un utilisateur clique et part sur le site d'un annonceur. Ainsi, à chaque fois qu'on propose quelque chose à l'utilisateur, c'est une occasion de moins de le monétiser. Le raisonnement est biaisé par le fonctionnement actuel, une chance pour les jeunes entrepreneurs !
Chaque minute compte
Les startups ont des ressources limitées car chaque salarié supplémentaire pèse lourdement dans les charges. Beaucoup voient cela comme un inconvénient, mais cela se révèle souvent être un avantage chez les startups qui réussissent. Lorsqu'on a peu de temps disponible, on est obligé de se focaliser sur l'essentiel, de faire une croix sur les fonctionnalités coûteuses en terme de temps et avec peu de valeur ajoutée pour le produit final. Cela permet donc de faire un produit minimaliste en terme de fonctionnalités, mais où chacune d'entre-elles aura été façonnée avec amour pour correspondre parfaitement à ce qui convient à l'utilisateur. C'est le cas de Twitter par exemple, de
SnapChat ou encore de Uber, dont le produit est très simple mais cache un souci du détail permanent. A l'opposé on trouve des copycats mettant en oeuvre une armée de développeurs pour ramener toutes les fonctionnalités des autres produits dans un seul : Google+ en est un bon exemple.
Chaque euro compte
Chez CCM Benchmark, nous voyons passer un grand nombre de startup cherchant à s'adosser avec des groupes industriels. Lorsqu'on demande à certains de ces entrepreneurs pourquoi ils n'ont pas eu de croissance jusqu'ici alors que leur business plan prévoit une courbe exponentielle à partir de l'année suivante, la réponse est souvent : "Nous n'avons pas dépensé d'argent en marketing, dès que nous le ferons ça décollera". C'est souvent là l'erreur. Les dépenses marketing permettent uniquement d'avoir un effet levier, mais si le produit n'a rien de viral un utilisateur acheté produira au mieux un client et un seul.
Lorsque chaque sou compte, on est obligé de compenser par de l'imagination, par le système D. Les growth hackers font en sorte de bichonner chaque partie du tunnel de conversion (funnel), notamment les formulaires et de trouver des moyens pour qu'un utilisateur recommande le produit à des tiers, que ce soit par invitation, par un partage social ou encore par le bouche à oreille. Ainsi, un utilisateur en appelle d'autres. Quand chaque indicateur est maîtrisé, il est possible de savoir ce qu'un utilisateur rapporte financièrement à l'entreprise en moyenne. Dès lors, il sera possible d'engager une campagne marketing car pour chaque euro dépensé, on sait que l'on gagne un peu plus, on a un retour sur investissement (R.O.I) et donc un modèle scalable.
Au final le growth hacking consiste à tout mettre en oeuvre pour commencer à dépenser en marketing le plus tard possible. C'est un état d'esprit qui colle à la perfection aux besoins des startups, car cela permet de focaliser les dépenses sur l'essentiel et de démontrer la viralité de son produit. Le growth hacking est un moyen d'arriver à lever des fonds, mais l'inverse n'est pas vrai.