Start-up d'IA : que recherchent les investisseurs ?

Start-up d'IA : que recherchent les investisseurs ? Cas d'usage, critères de sélection et secteurs plébiscités : trois investisseurs de Serena, Alven et Balderton expliquent ce qui attire leur attention dans les jeunes pousses de l'IA.

ChatGPT a fait des émules. Désormais, la grande majorité des entreprises de la French tech sont des spécialistes de l'intelligence artificielle. Une affirmation exagérée ? Ce sont pourtant les start-up françaises qui se présentent comme telles. Du moins devant les fonds d'investissement qu'elles tentent de séduire pour lever des fonds. "80% d'entre elles nous assurent qu'elles font de l'IA", confie Victor Charpentier, associé chez Alven. Une proportion également observée du côté du fonds d'investissement Serena : "On voit passer 3 500 entrepreneurs chaque année. Depuis deux ans, au moins 80% d'entre eux inscrivent le terme d'intelligence artificielle dans leur pitch deck", confirme Sébastien Le Roy, partner. 

"On leur demande systématiquement une démo du produit"

Parmi tous ces "spécialistes" d'IA, il faut distinguer ceux qui ont réellement développé une expertise de ceux qui surfent sur la tendance. Pour cela, Zoé Mohl, chargée des investissements français du fonds Balderton (qui compte à son portefeuille des start-up d'IA comme Convergence AI, Photoroom, Wayve, Deepset), a mis au point un rituel spécifique pour les entreprises d'intelligence artificielle : "On leur demande systématiquement une démo de leur produit". Sans doute une manière de réaliser un premier écrémage. Après cette étape, Balderton questionne les fondateurs "sur leurs visions et leurs croyances sur le futur de l'intelligence artificielle pour savoir comment ils comptent adapter leur positionnement aux évolutions de leur marché" car il s'agit d'un "secteur en pleine mutation". 

Du côté d'Alven (qui a investi dans Attention.tech, Creative Fabrica ou encore Dataiku), les investissements se portent sur deux catégories de start-up : "Les entreprises qui créent des cas d'usage en se basant sur des modèles d'IA déjà existants et celles qui développent des infrastructures permettant de faire le lien entre ces modèles et ces cas d'usage", indique Victor Charpentier. Une troisième catégorie est en revanche mise de côté : "On regarde moins les start-up qui créent des modèles d'IA (comme par exemple Mistral, ndlr). Elles ne correspondent pas à notre stratégie d'investissement car elles nécessitent d'importants financements (Alven est plutôt spécialiste de l'early stage, ndlr).

La construction de modèles délaissée

Même constat chez Serena : "Construire des modèles d'IA coûte cher et prend du temps. Seules quelques entreprises y parviennent", explique Sébastien Le Roy. "On préfère surtout regarder les cas d'usage concrets que l'on peut appliquer à un domaine particulier. On a vu passer une vague de start-up positionnées sur des cas d'usage faciles avec des outils d'aide à la productivité. Désormais, on porte davantage d'attention sur celles qui développent des cas d'usage plus complexes".

Mais cela ne suffit pas. D'autres critères sont impératifs pour ce fonds qui a investi dans Accenta, Lifen ou encore Dataiku : "On se pose trois questions avant d'investir dans une start-up d'IA. Est-ce qu'elle possède un grand volume de données non structurées ? Est-ce qu'elle opère dans un secteur où il y a encore de nombreuses tâches qui peuvent être automatisées ? Est-ce qu'elle évolue sur un marché à faible vélocité ? (C'est-à-dire un marché sur lequel une start-up possède un avantage compétitif grâce à sa vitesse d'exécution, ndlr)".

Selon Sébastien Le Roy, "l'IA appliquée à la santé et à l'industrie manufacturière" font partie des domaines qui peuvent réunir ces trois critères. Zoé Mohl, quant à elle, plébiscite de nombreux secteurs : "On regarde aussi bien l'IA en BtoB qu'en BtoC. On s'intéresse au machine learning, aux outils de vidéo et d'audio car pour l'instant aucune entreprise ne domine véritablement ce marché, aux verticales spécialisées comme la pharmacie ou les sciences matérielles". Et en ce qui concerne les chatbots ? "Il faut que le service soit unique car beaucoup d'acteurs en ont déjà développé", conclut Zoé Mohl.