Pourquoi les start-up font-elles peur aux grandes entreprises?

Depuis quand les grands costauds veulent ressembler aux petits frêles ? L'agilité serait-elle un sérum de jouvence pour les mastodontes un peu engourdis par tant d'années passées à regarder ce qu'il se passe sous leurs pieds ?

L’obésité économique

Dans un monde de plus en plus concurrentiel, ouvert et mondialisé, le nerf de la guerre, c’est l’innovation ! Elle permet aux multinationales de rester aux avant postes, et de ­conserver leurs positions dominantes sur les marchés.

Mais innover, c’est se ré-inventer. Cela suppose une grande agilité, et une propension au changement hors du commun. Le cadre est posé. Rien ne vous choque ?

Les grandes entreprises, souvent multinationales, restent sclérosées par leurs envergures, par leurs managements poly-strates, par leurs difficultés à attirer les talents, par leur inertie à prendre des décisions, et à les appliquer. 

Les barbares attaquent !

De l’autre coté, les écoles de commerces et d’ingénieurs déversent chaque année plus de 60 000 étudiants surdiplômés [1] sur un marché du travail saturé. Les filières entrepreneuriales ont la côte, et génèrent des moutons à 5 pattes aux profils atypiques, avides de changement ! La boite à papa, le plan de carrière sur 20 ans, très peu pour eux. Le modèle proposé par les grandes structures leurs donne la nausée. La génération Y, les « millénials » ont de plus grandes ambitions. Ils veulent changer le monde !

« Change the world, or die tryin’ »

La digitalisation des métiers du service ou de la distribution et l’évolution du statut des travailleurs indépendants, entrainent une modification profonde des modèles établis. Pendant que les grandes entreprises peinent à organiser leur transition digitale, des petits groupes de rêveurs les menacent depuis leurs garages, bibliothèques universitaires ou espace de co-working. Les monopoles tombent (Uber), les modèles changent (AirBnb), les marchés se « reboot », la révolution est en marche, et elle se fait avec un clavier et une souris.

Think out of the box

De l’agilité de ces nouveaux entrants naissent les méthodes appliquées aujourd’hui par les grandes organisations : sprint, lean, scrum, agile, design thinking, … Les changements s’opèrent à tous les niveaux : R&D, management, distribution, marketing.

En réponse à ces révolutions, des nouveaux acteurs se créent, et mettent en avant une culture hybride, inspirée de l’écosystème startups. L’objectif est de faciliter l’accès des grandes entreprises à l’innovation grâce à des nouveaux patterns. Par exemple, les tech agencies réinventent les stratégies digitales des annonceurs, en appliquant les méthodes inspirées du lean marketing. C’est le cas de bigmitch, qui propose de concevoir et de créer des produits et services digitaux innovants à destination des consommateurs. Détecter les nouveaux usages clients, concevoir un MVP, valider le product market fit, une méthodologie lean qui plaît aux grands groupes. L’ADN startup se retrouvent dans cette typologie d'organisation.

Dans ce contexte, comment les grandes entreprises pour continuer à innover, et surtout contenir cette révolution qui les dépasse.

La réponse de Goliath à David

Face à leur incapacité à suivre le rythme, les grandes organisations pansent leurs plaies à grands coups d’open innovation.

Pour les nouveaux entrants, le problème est double : aller vite, et se financer. Le premier problème trouve sa réponse dans l’ADN de ces structures. Le deuxième problème semble pouvoir être réglé par les acteurs dominants du marché visé. C’est le cas pour Sanofi, qui vient d’ouvrir un lab au sein de sa structure, pour aider les startups de la santé à se développer. Un espace flambant neuf, aux allures de « successful startup » pour ôter l’impression de galère des premiers mois. Accueillir les embryons de ses concurrents en son sein, une réponse vraiment efficace ?   

Un problème de culture

L’open innovation est une excellente idée sur le papier. Elle permet aux jeunes structures de se concentrer sur la résolution des problèmes des clients finaux, pendant que les grosses structures financent des départements R&D « success driven » à moindre frais. Mais une startup innovante, c’est avant tout une culture. La culture de l’urgence et du focus. C’est aussi la culture du client. Une organisation unique et évolutive. Un management horizontal, avec une prise de décision hyper-décentralisée. Des outils collaboratifs innovants, et un pilotage à vue incompatibles avec la culture de la rentabilité, dictée par les DAF des grands groupes.

La grande utopie

L’utopie de l’open-innovation est confrontée à un problème culturel. Problème que les grandes entreprises sous-estiment, et qui met en péril toute la chaine de valeur.

Le risque à terme est de museler l’innovation, pour la tuer dans l’œuf, malgré la volonté des grands groupes de créer une démarche vertueuse, destinée à mieux maitriser leurs marchés, et à mieux affronter la concurrence internationale à grands coups d’innovation.

En 2014, le Groupe Accor a racheté la startup Wipolo, qui propose des carnets de route en ligne. En 2015, la SNCF a pris une part majoritaire de la startup Ouicar, le service de location de voiture C2C. 

Certaines initiatives s'inscrivent dans une démarche de création vertueuse, dans laquelle le grand s’inspire du petit.

Par exemple, L’Oréal travaille avec Organovo sur la production de fausses peaux imprimées en 3D. Vinci Autoroute collecte des données sur les utilisateurs de ses autoroutes grâce à un partenariat avec Waze. La SNCF a créé un challenge digital de type hackathon pour inciter des startups à trouver des solutions innovantes pour digitaliser ses gares. Au delà de l’innovation produit, les grandes entreprises tirent des enseignements précieux du choc culturel que les pépites provoquent, et s’ouvre à des nouveaux modèles.

Les systèmes de répartition du temps de Google et 3M réservent 20% du temps des employés pour développer des projets personnels. C'est de ces usines à intrapreneurs que sortent des innovations telles que Google Maps ou encore les post-it. Arkema développe dans ses incubateurs les projets de ses propres employés.

Et si l’innovation naissaient de l’entraide, comme en Allemagne où les PME bénéficient de l’appui des grands groupes pour se développer, notamment à l’international. D’autres évolutions sont à prévoir, notamment en voyant des nouvelles formes de partenariats. Les grands jalousent les petits, s’en inspirent, et les aident.

Respect et bienveillance, les valeurs du succès économique porté par les Millénials ?

[1] INSEE - Principaux diplômes délivrés dans l'enseignement supérieur – 2011 (http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=T14F102)