Roxanne Varza (Station F) "Nous construirons un espace de co-living et un hôtel pour entrepreneurs"

Station F, le gigantesque écosystème de start-up de Xavier Niel, ouvre aujourd'hui ses portes. Sa directrice détaille son fonctionnement et révèle ses projets d'agrandissements.

D'une surface de 34 000 mètres carrés, Station F, qui se définit comme le plus grand campus de start-up au monde, ouvre ses portes ce jeudi 29 juin à Paris. Comment est organisé ce lieu ?

Roxanne Varza, directrice de Station F. © Station F

Roxanne Varza. Nous avons choisi de diviser Station F en 3 pôles distincts. Le premier, dédié à l'événementiel, réunit un auditorium de 360 places, des bureaux privés, une boutique éphémère, un fab lab, ainsi qu'un café de coworking ouvert au public. Le deuxième pôle, réservé aux start-up, mettra à leur disposition 3 000 postes de travail. Les jeunes pousses seront réparties dans 20 programmes d'incubation différents, organisés par thématique. Cet espace, qui possède des douches au sous-sol, sera accessible 24/24h. Enfin, dans la troisième partie de Station F, le public pourra accéder à un restaurant de 1 000 places assises ainsi qu'à un bar, ouvert en continu (la zone restaurant ouvrira un peu plus tard dans l'année, ndlr).

En quoi consiste le Founders Program, le programme d'incubation de start-up géré par Station F ?

Ce programme s'adresse aux start-up en amorçage de tous secteurs. Il accueillera 200 jeunes pousses que nous avons déjà sélectionnées. Pour cela, nous avons privilégié celles ayant déjà validé leur concept. Nous voulions aussi des entrepreneurs désireux de travailler sur leur start-up à temps plein. La durée du programme est de minimum 3 mois, mais une start-up aura la possibilité d'y rester autant qu'elle souhaite jusqu'à ce qu'elle atteigne 15 salariés. Pour ce programme, le coût est de 195 euros par mois et par poste de travail. L'ouverture de Station F est aussi l'occasion d'annoncer un second programme d'accompagnement géré par Station F : Fighters Program. Il vise à aider des entrepreneurs qui n'ont pas eu les mêmes chances. C'est-à-dire des jeunes de banlieues ou de zones rurales défavorisées, des immigrants ayant eu des difficultés à s'intégrer, des réfugiés, etc. Les start-up du Fighters Program auront accès à tout le Founders Program gratuitement pendant un an.

Comment seront accompagnés les entrepreneurs participant à ce programme ?

"Facebook disposera de 80 postes de travail lui permettant d'accueillir 10 à 15 start-up deux fois par an"

En discutant avec beaucoup de fondateurs de start-up, nous sommes arrivés à la conclusion que ce que recherchaient les entrepreneurs n'était pas d'être aidés par des mentors mais plutôt d'être au contact d'autres entrepreneurs. Avec ce programme, nous allons donc encourager les échanges de savoirs entre les start-up. Outre l'organisation de conférences, workshops ou ateliers, nous comptons également faire venir des entrepreneurs expérimentés du monde entier afin qu'ils partagent leurs expériences avec nos jeunes pousses. Enfin, les start-up bénéficieront d'un accès à toute une palette d'outils et services.

Prévoyez-vous, à terme, d'investir dans ces start-up à travers un fonds dédié ?

Nous y avions réfléchi au départ mais nous avons préféré ne pas adopter un modèle de prise de capital dans la mesure où Kima Ventures (fonds d'investissement de Xavier Niel, à l'origine de Station F, ndlr) sera sur place. Celui-ci pourra investir dans des start-up, mais son activité restera indépendante de Station F.

Une start-up pourrait-elle postuler parallèlement à l'un des autres programmes d'incubation ?

Bien sûr, une start-up peut envoyer sa candidature à plusieurs programmes et même en enchaîner plusieurs à la suite. Pour autant, elle ne peut pas en intégrer deux simultanément. Parmi les vingt programmes d'incubation, je peux vous citer ceux de Facebook spécialisé dans la data, de Vente-privée dans la FashionTech, ou encore de Plug and Play/BNP Paribas dans la FinTech.

A-t-il été difficile de convaincre tous ces partenaires de monter leur programme sur le campus ?

Le projet de Station F était déjà suffisamment attractif pour que nous n'ayons pas besoin de les convaincre. Un grand nombre d'entreprises nous ont même contacté directement. Pour la plupart d'entre elles, l'objectif est avant tout d'entrer en contact avec des start-up afin de développer l'innovation en interne. Si certains de ces programmes existaient déjà, à l'image de l'incubateur d'HEC, la plupart ont été créés spécialement pour Station F. Chacun aura son propre mode de fonctionnement. Les acteurs sont indépendants et libres d'appliquer le modèle de leur choix, en choisissant par exemple de prendre ou non des parts dans le capital des start-up.

Facebook a donc choisi Station F pour lancer son premier programme d'incubation en dehors des Etats-Unis. En quoi consistera-t-il ?

"Nous espérons être à l'équilibre d'ici deux à trois ans"

Facebook disposera de 80 postes de travail lui permettant d'accueillir 10 à 15 start-up deux fois par an. Des coachs seront sur place pour accompagner les entrepreneurs et des experts de chez Facebook feront le déplacement pour donner des conférences. C'est une véritable chance pour toute la communauté de Station F.

Quels seront les investisseurs présents sur le campus ?

En plus de Kima Ventures, Ventech et Daphni seront les deux autres fonds d'investissements basés à temps plein sur le campus. Mais des VC auront également la possibilité d'interagir avec les start-up de Station F notamment grâce à notre offre membership qui leur donnera accès au campus quelques jours par mois. Une personne de notre équipe sera chargée de faciliter les contacts entre investisseurs et start-up.

Il est également possible pour une start-up de disposer d'un bureau flexible en souscrivant à l'offre "Fellowship". Pourquoi proposez-vous cela ?

Le Fellowship est un abonnement annuel de 900 euros qui donne aux entrepreneurs l'accès à un bureau 5 jours par mois. Nous voulions que même ceux qui ne sont pas basés à Paris, mais qui y viennent de manière ponctuelle, puissent interagir avec la communauté de Station F.

Station F a déjà annoncé sa première extension avec la construction d'un espace de co-living. Quelle sera la capacité d'accueil de ces futurs logements ?

Les logements seront regroupés dans 3 tours situées à Ivry-sur-seine, soit à une dizaine de minutes à pieds de Station F. 100 appartements seront construits et permettront d'accueillir 600 entrepreneurs à partir de l'été prochain.

Le campus semble avoir fait une place importante à l'événementiel. A quel type de manifestation pourra-t-on assister ?

"Station F a été entièrement financé par Xavier Niel pour un coût total de 250 millions d'euros"

Station F dispose effectivement de huit espaces événementiels, dont notamment un auditorium de 360 places. Ces espaces pourront être réservés par les membres de Station F pour différents événements : hackathon, salon, conférence, etc. Par ailleurs nous organiserons des événements et nous encouragerons l'ensemble de la communauté Station F à le faire également. L'événementiel est ce qui nous permettra de gagner de l'argent.

Comment le projet a-t-il été financé et quand espérez-vous le rentabiliser ?

Station F a été entièrement financé par Xavier Niel pour un coût total de 250 millions d'euros. Cela englobe l'achat des terrains et la réalisation des travaux. L'objectif n'est pas de gagner de l'argent mais d'en générer suffisamment pour pouvoir couvrir les frais. Il faut préciser que la Halle Freyssinet est un bâtiment historique très coûteux en entretien. Nous espérons être à l'équilibre d'ici deux à trois ans.

Pensez-vous que l'élection d'Emmanuel Macron va permettre de donner encore plus d'élan à l'écosystème français ?

Absolument ! Déjà avant même l'élection d'Emmanuel Macron, nous recevions des candidatures d'entrepreneurs étrangers qui voulaient s'installer en France en raison d'événements comme le Brexit, l'élection de Donald Trump, ou encore les prix astronomiques dans la Silicon Valley. Tous ces éléments ont joué en faveur de l'écosystème français. Depuis l'élection présidentielle, je reçois des entrepreneurs qui me disent "il se passe quelque chose en France, je veux m'y installer". Si l'effet Macron a sans doute permis d'accélérer les choses, il faut aussi noter que l'écosystème français se portait déjà bien depuis plusieurs années.

Comment voyez-vous Station F évoluer dans les années à venir ? Reste-t-il encore de la place pour de nouveaux projets ?

Les premières années seront une sorte de bêta-test pour nous : en fonction des résultats et des feedbacks que nous recevrons, nous modifierons sûrement des choses. Le campus est déjà presque complet aujourd'hui. Outre l'espace de co-living en construction, d'autres projets d'extensions sont en cours, dont notamment la construction d'un hôtel. Cet établissement, qui comportera une auberge de jeunesse ainsi qu'une offre plus haut de gamme, permettra d'accueillir les startuppeurs, visiteurs et autres conférenciers de passage à Station F. Lorsque l'on voit les différents espaces en travaux tout autour, il est probable que le quartier évolue lui aussi dans les années à venir.

Roxanne Varza est la directrice de Station F, qui se veut le plus grand campus de start-up au monde, financé par Xavier Niel. Avant cela, elle a travaillé pour Microsoft, prenant les rênes des programmes Bizpark et Microsoft Ventures pendant trois ans. Après avoir écrit pour TechCrunch France, Roxanne cofonde StartHer (ex Girls in Tech Paris) ainsi que le site d'information technologique Tech.eu. Auparavant, elle avait également travaillé pour Business France, promouvant notamment l'activité des start-up françaises à l'étranger. Elle est diplômée de UCLA, Sciences Po Paris et de la London School of Economics.