Engagement environnemental et social en temps de crise : dans la tête d'un entrepreneur

La RSE en temps de crise, est-ce le bon moment ? L'entrepreneur est confronté à des questions simples : pourquoi s'y mettre ? Par quoi commencer ? Comment faire vivre l'engagement environnemental et social dans l'entreprise, comment communiquer avec transparence sans crainte du retour de bâton ? Il a besoin de pragmatisme, d'avoir un périmètre d'action et de résultats concrets pour avancer.

En 2020, la vie de l’entrepreneur a basculé. En 2021, il ne peut ignorer que l’économie française est en berne, avec un PIB en chute de près de 8,3 % l’an dernier, pour la simple et bonne raison qu’il vit ces chiffres. Le constat macro devient réel : en pleine crise sanitaire qui n’en finit pas, étouffée, exsangue, son entreprise est en "mode survie". Pourtant, aucun entrepreneur ne doit ignorer que le "concret" des mesures environnementales arrive, notamment sur les fronts de la réglementation avec la future loi Climat et Résilience, et de la fiscalité comme prévu par le fameux Green Deal et la taxonomie verte. Et de manière générale : exclure les problématiques d’impact de son modèle d’affaires et de gouvernance représente pour l’entrepreneur un risque - pour lui-même et pour ses clients.

Trouver la place de la RSE, entre contraintes et opportunités

Pour encore beaucoup d’entrepreneurs, les sujets liés à la RSE traitent soit de recyclage de gobelets, soit de macro-tendances. En tout cas, pas de la survie de leur entreprise. La RSE a du mal à se faire une place dans la vie réelle de patron, quelles que soient ses convictions et valeurs. Car force est de constater que sa vie professionnelle est une suite d’arbitrages entre contraintes (investissements, réglementations à venir) et opportunités (exigences de clients B2B ou grand public). Rien de plus concret que cela. Et ces comportements rationnels ne peuvent que s’exacerber dans ce contexte de crise dans la crise.  Vues de la fenêtre de l’entrepreneur, la diplomatie climat qui bat son plein peut donc paraître lointaine voire lunaire, tout comme les discours des grandes entreprises, rivalisant d’annonces sur la neutralité.

Pourtant, tous les signaux convergent vers le fait que les entreprises qui pourront démontrer leur performance sur les piliers environnementaux et sociaux autant que sur les piliers économiques, auront une longueur d’avance. Les autres seront rapidement mises hors-jeu. Si démontrer son impact positif peut encore paraître flou, contenir les émissions de GES tout en traitant bien ses collaborateurs et en relevant l’économie ne peut être plus clair.

Comment faire, alors que les entreprises ne trouvent ni le temps, ni les équipes, ni les budgets à consacrer pour faire de la RSE et que seulement 30 % d’entre elles ont une politique environnementale et sociale formalisée* ? Un chiffre encore moins important pour les petites et moyennes entreprises qui ne disposent pas de service dédié et encore moins de moyens. Ce sont pourtant elles qui constituent la majorité des entreprises du territoire, et parce qu’elles irriguent de leur dynamisme les grands groupes qui sont leurs donneurs d’ordres, ce sont précisément d’elles que l’engagement est exigé.

Alors que la légitimité de la RSE est connue, les clés pour l’activer ne le sont pas

Ce dont les entreprises ont besoin aujourd’hui, c’est moins de bonnes raisons que de clés pour agir. Car pour avancer sur ces sujets RSE, chaque action doit se traduire de manière concrète, avec un coût et un bénéfice associés. L’entrepreneur doit pouvoir comprendre l’impact de son entreprise, évaluer les impacts de ses choix tout au long de sa chaîne de valeur, se mesurer à ses pairs et valoriser ses actions auprès de ses parties prenantes, particulièrement à la recherche de clés de lecture des réalisations concrètes des entreprises, et de preuves de transparence.

Si l’entrepreneur a compris que la RSE incarnée peut être son alliée business, il peut s’appuyer sur trois piliers pour l’aider dans la définition du cadre et dans le pilotage de ses actions.

  1. S’entourer d’une équipe pluridisciplinaire éveillée sur ces sujets avec l’idée que l’entreprise peut changer de l’intérieur, via ses propres collaborateurs. Certaines initiatives allant dans ce sens ont été récemment remarquées, comme "Les Collectifs", émanant de salariés engagés dans la transition écologique dont le but est de créer un réseau d'influence pour pousser leurs employeurs à repenser les modèles d'affaires. Nul doute que cette initiative va faire des émules partout, jusque dans les petites entreprises.
  2. Faire appel à des éclaireurs externes, et notamment les experts-comptables et les assureurs, premiers alliés de l’entrepreneur quand il s’agit d’éclairer ses choix en termes d’investissements. De ce côté, de nouvelles règles se dessinent, avec l’évolution du rôle de l’assurance vers le conditionnement des primes en fonction de la progression sur certains critères extra-financiers.
  3. Un outil adapté. Si l’équipe est clé pour la dynamique, l’outil est la colonne vertébrale de l’engagement, presque garant à lui seul de la pérennité du processus. Il permet de structurer la démarche, entre la définition de la stratégie jusqu’au ciblage de l’objectif, et dessine la trajectoire et les étapes à suivre. Et puisque tout retour en arrière serait une régression, synonyme de gâchis de temps et de ressources ainsi que de risques de réputation, le suivi des indicateurs via l’outil permettra de faire des arbitrages et d’autoriser la réévaluation de la stratégie.

Les entreprises sont certes des organisations économiques qui créent de la valeur financière, mais ce sont aussi des organisations sociales. Comme pour tout le reste, le passage à l’action sur le front de la RSE, pour un entrepreneur, nécessite de revenir et de rester sur du concret, d’avoir une méthodologie et de pouvoir s’approprier la démarche. Et après le savoir-faire, place au faire savoir : c’est bien dans cette partie aussi que réside le ROI de la démarche.