Cash+ : le futur euro numérique lève le voile mais pas les doutes

Cash+ : le futur euro numérique lève le voile mais pas les doutes En projet depuis 2019 et officiellement testée depuis l'année dernière, la monnaie numérique de la Banque centrale européenne a désormais un nom.

Pour ceux qui en doutaient encore, l'euro numérique est bel et bien un projet sérieux. Vue au départ comme une réponse au projet Libra de Facebook, la monnaie numérique de banque centrale (MNBC) de la Banque centrale européenne (BCE) a fait du chemin depuis les premiers mots de Christine Lagarde à son sujet.

Désormais, la future monnaie numérique de la BCE a un nom officiel : Cash+. Surtout, nous savons qu'il sera disponible aux alentours de 2027-2028 selon ce document officiel de la Banque de France que nous avons étudié pour cet article. Mais des questionnements demeurent et ont même été renforcés chez tous ceux qui craignent cette monnaie numérique. Rien que le nom interroge sur l'avenir des pièces et des billets.

Cash+ : un projet d'envergure pour la BCE

Une première réponse aux projets de monnaies privées et sur cryptos

Cash+ ne date pas d'hier. Tout commence en 2019, lorsque Mark Zuckerberg annonce le lancement du projet Libra. A l'époque, le marché crypto est en berne et Facebook en profite pour lancer sa monnaie privée. Zuckerberg promet l'inclusion financière, des paiements instantanés aux frais réduits.

Alors que les banques centrales et les gouvernements regardaient à l'époque Bitcoin et les cryptos plutôt avec le sourire, ce n'est pas du tout le cas de Libra. Facebook est une entreprise très puissante et il y a une potentielle concurrence non voulue. Les banques centrales ont alors la réponse toute trouvée : les monnaies numériques de banque centrale ou MNBC (CBDC en anglais pour Central Bank Digital Currencies).

La BCE est l'une des premières à lancer son projet, avec un euro numérique aux contours restés incertains pendant de longs mois. L'année dernière, Libra, entre-temps devenue Diem, a finalement été définitivement abandonnée. Mais les nombreux projets de MNBC ont perduré, avec une ennemie toute désignée : la crypto. Les attaques à son sujet se sont multipliées, notamment venant de Christine Lagarde.

Le projet d'euro numérique est finalement officiellement testé depuis l'année dernière, avec un déploiement prévu pour le grand public à partir de 2027. C'est même l'un des projets de MNBC les plus avancés, bien plus que le dollar numérique qui reste quasiment au point mort.

Une émission contrôlée par la BCE

L'émission de Cash+ sera de la seule compétence de la Banque centrale européenne. Sur ce point, le communiqué de la Banque de France s'oppose ouvertement à ce qu'elle appelle les "prétendus stablecoins" (sic), majoritairement émis par des acteurs non européens. En résumé, Cash+ aura un double avantage : une émission par une entité de confiance et une véritable stabilité.

Sur ce point, Cash+ et les stablecoins centralisés, comme l'USDT de Tether ou l'USDC de Circle, n'ont pas tant de différences que cela. Néanmoins, si l'on peut douter sur les réserves et les garanties des deux grands stablecoins, notamment l'USDT, les modalités d'émission sont claires. Or, ce n'est pas vraiment le cas pour l'euro numérique, sans même parler de la technologie utilisée, qui n'est pas évoquée.

Le contrôle de l'émission par la BCE pose de nombreuses questions que nous allons développer dans la deuxième partie. Mais le communiqué de la Banque de France dévoile de précieuses informations sur le délicat sujet de la limitation. En effet, le document précise que l'on ne pourra pas conserver autant d'euros numériques que l'on souhaite. L'objectif, c'est que Cash+ soit utilisé comme moyen de paiement et non comme réserve de valeur. En d'autres termes, il s'agit d'un plafond, sans que l'on connaisse le montant à ce jour.

Au-delà de cet aspect problématique, d'autres questionnements sur les contours de Cash+ semblent plus inquiétants.

Cash+ : un projet qui continue d'interroger et d'inquiéter

Une volonté de remplacer le cash ?

Le communiqué de la Banque de France tourne un peu autour du pot sans répondre à la question. Mais on y perçoit des indices. D'une part, le nom Cash+ peut signifier une volonté de dépasser nos pièces et billets actuels. D'autre part, la finalité de l'euro numérique, que le communiqué nomme explicitement "le billet de banque numérique".

S'il n'est écrit nulle part que les pièces et billets vont disparaître, le communiqué met clairement en avant les avantages de Cash+ par rapport au cash actuel, grâce notamment à son utilisation dans l'e-commerce ou entre particuliers. Le problème, c'est qu'il est déjà possible de faire les deux, même si ce n'est pas forcément aisé ou mis en avant pour le premier.

Cash+ aura aussi "naturellement les mêmes caractéristiques que les espèces actuelle"". Dans ce cas, il est logique de se poser la question de l'intérêt réel de cet euro numérique. D'aucuns penseront bien évidemment à l'absence d'anonymat, qui est la vraie plaie du cash actuel pour une institution comme la BCE. Or, certains propos peuvent inquiéter à ce sujet et à celui des libertés en général.

La question centrale de la protection des libertés

Les espèces forment le seul moyen de paiement totalement anonyme. Si l'on sait que vous retirez de l'argent, on ne peut pas savoir à quoi il va servir. Pour beaucoup, c'est un respect de la vie privée et au fait que l'Etat n'a pas à tout savoir sur nous. Pour d'autres, c'est une volonté de cacher des transactions douteuses, voire illégales.

Quoi qu'il en soit, le cash reste encore très utilisé, même dans la zone euro. Or, le communiqué de la Banque de France donne des informations parcellaires. Tout d'abord, si Cash+ est censé garantir le respect de la vie privée, il est indiqué que l'Eurosystème n'aura aucun détail sur les transactions. Mais de quels détails parle-t-on ? Le montant et les parties impliquées font-ils partie de ces détails ? Nous n'avons pas la réponse à cette question.

Ensuite, Cash+ pourrait fonctionner hors ligne pour un haut niveau de confidentialité. Cependant, le mode hors ligne est surtout une garantie pour la sécurité, pas pour la confidentialité. Enfin, le plafond de détention est problématique, alors que le cash n'a aucun plafond. En résumé, ce communiqué soulève plus de questions qu'avant sa publication, ce qui n'est pas forcément de bon augure pour Cash+.