Comment le téléchargement illégal a-t-il pris racine en France ?

Majors du disque et sociétés de producteurs luttent depuis des années contre le phénomène du téléchargement illégal, qu’ils accusent de tuer leur secteur à petit feu, sans parvenir à l’endiguer. Que faire face à un phénomène qui concerne une dizaine de millions de personnes en France ?

Surtout lorsque les technologies permettant les échanges de fichiers ne cessent d’évoluer, bien plus vite que l’arsenal législatif, même si celui-ci s’est étoffé.

Petite piqure de rappel, cette chronique fait suite à, « Vous téléchargez ? Savez-vous en quoi consiste cette opération ? ». L’argumentaire qui suit est fondé sur des faits tangibles et dénués de tout point de vue personnel. Nous aborderons plusieurs points :
* Qui sont ces internautes qui téléchargent ?
* Où est-ce qu’ils téléchargent ?
* Quelles mesurent la France a-t-elle mis en place pour punir les malotrus ?
Voilà les questions auxquelles je vais vous répondre.

Vous l’aurez sans doute compris, je ne porterais aucun jugement sur l’une ou l’autre des parties, je me réserve ce privilège pour une prochaine chronique qui devrait clôturer mon dossier sur le téléchargement...

Qui sont les internautes qui téléchargent ?

La SOFRES a publié une étude destinée à mesurer l’ampleur du téléchargement en France, aujourd’hui. Ce n’est ni la première ni la dernière étude en ce secteur, mais celle-ci a le mérite d’actualiser les connaissances en ce secteur.

Que retenir ? Simplement, qu’un Français sur six environ a téléchargé de la musique ou des films au cours des douze derniers mois. 14% des Français ont téléchargé gratuitement au cours des douze derniers mois, alors que seulement 5% déclarent l'avoir fait en payant. À noter que 2% environ des Français cumulent les deux pratiques indique la société de sondage.
Vis-à-vis de la pyramide des âges, les données se creusent, 39% des 18-24 ans téléchargent, contre 30% des 25-34 ans, et 20% des 35-49 ans. Au-delà de 50 ans, la pratique devient marginale, 5% des 50-64 ans et moins de 1% des plus de 65 ans.
Au niveau des catégories socioprofessionnelles, ce sont les catégories-cadres qui décrochent la première place avec 32% du panel, suivit par les intermédiaires 26%, les catégories ouvrières ne plafonnant qu’à 17%.

Quels sont les endroits où se « servent » les internautes ?

En premier lieu, on retrouve le pair à pair (P2P), le concept ? Une personne met à disposition un fichier, des milliers de personnes téléchargent ce fichier et le partage à leur tour et ceci de manière automatique et récursive. C’est du partage participatif, la puissance du réseau est calculée par rapport aux nombres de clients qui le composent. Dans cette catégorie, on retrouve les pionniers des logiciels de téléchargement à savoir Emule et Kaza. Aujourd’hui, cette pratique a muté vers les torrents, même principe, mais le dépistage est plus complexe et le partage complètement externalisé, aucun serveur n’est nécessaire au bon fonctionnement du réseau.
En deuxième position se trouve le téléchargement direct, l’idée et qu’une personne dépose un fichier sur un serveur qui dispose d’une grosse bande passante et fait circuler le lien vers le fichier un peu de partout, les internautes vont tous atterrir au même endroit, mais sans avoir d’interactions entre eux. Les internautes risquent moins de se faire attraper qu’en passant par du P2P, mais les détenteurs des serveurs eux risquent gros, comme l’a démontrée l’affaire Megaupload il y a un an.
Et pour terminer la nouvelle tendance, le streaming ! Plus besoin de stocker et d’attendre la fin du téléchargement pour regarder le fichier, on peut visionner le fichier pendant que celui-ci se charge dans le navigateur ou autre application. Le principe est le même que pour le téléchargement direct on place le fichier sur un bon serveur, on fait la promotion du lien où se trouve le fichier et les internautes affluent en masse.

Quels moyens l’Etat a-t-il mis en place pour contrer ces pratiques ?

Je ne vais pas trop m’attarder sur cette question, en effet je pense que tous les internautes connaissent la haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet, en abrégé Hadopi. Cette instance a pour but premier de dissuader les internautes du téléchargement illégal.
La mise en place de cette mesure devait permettre de réduire de 70% à 80% le téléchargement illégal en France. Pour un coût non négligeable, puisque l’ensemble du dispositif représente 15 millions d’euros par an, et ce depuis plusieurs années.
Cependant, le texte comportait un certain nombre de failles et de points litigieux, qui expliquent que la loi ait été critiquée successivement par la CNIL (commission nationale informatique et libertés), le Parlement européen, l’Arcep (autorité de régulation des télécoms) et le Conseil d’État, qui ont sévèrement amoché le projet de loi. Pour diverses raisons, notamment les concepts de liberté individuelle et de mélange des pouvoirs.
Les réseaux de partage étaient la cible principale de la loi Hadopi, ils ont vu leur fréquentation baisser. 15% des utilisateurs de ces réseaux ont définitivement cessé de le faire avec l'adoption de la loi. En revanche, seulement un tiers de ces personnes ont renoncé à toute forme de piratage sur Internet. Les deux tiers restants se sont tournés vers des systèmes de téléchargement alternatifs qui échappent au périmètre de cette loi, comme le Streaming ou le téléchargement direct bien que celui-ci commence sérieusement à voir sa fréquentation diminuer.

En bref

La pratique du téléchargement illégal représente 15% de la population, les jeunes et les cadres sont les plus gros clients de ce type de pratique.

Différentes solutions pour télécharger existent, leurs fonctionnalités ainsi que l’engagement de leurs adhérents varient. Les personnes utilisant un réseau P2P n’ont pas le même profil que ceux utilisant le streaming ou le téléchargement direct.
Avec la HADOPI, le gouvernement voulait réduire, voir détruire ce phénomène, mais celui-ci tel un virus a muté et a su s’adapter aux nouvelles lois. Est-ce que la solution au téléchargement illégal est véritablement la répression ? La réponse au prochain épisode …