Stacy Brown-Philpot (CEO de TaskRabbit) "Paris devrait être le prochain marché de TaskRabbit en Europe"

Fer de lance de la sharing economy aux Etats-Unis, TaskRabbit permet à ses clients de confier contre rémunération des tâches diverses à des "Taskers". L'entreprise vise la rentabilité cette année.

Stacy Brown-Philpot est la CEO de TaskRabbit © S. de P. Taskrabbit

Quel est le concept de TaskRabbit ?

TaskRabbit est une marketplace qui met en relation des clients souhaitant déléguer certaines tâches avec des utilisateurs, appelés 'Taskers', qui vont exécuter ce travail contre une rémunération. Nous connectons plusieurs centaines de milliers de clients avec 50 000 Taskers qui se rendent chaque mois sur notre plateforme pour y trouver du travail. Ces derniers fixent librement leurs tarifs, leurs horaires, ainsi que leur emploi du temps. TaskRabbit opère aujourd'hui dans 18 villes aux US et à Londres.

Comment fonctionne la plateforme ?

Que vous recherchiez quelqu'un pour vous aider à déménager, s'occuper de votre lessive ou faire du bricolage, notre algorithme va sélectionner les Taskers les plus qualifiés dans votre zone géographique. Une fois la tâche exécutée, le Tasker nous indique le nombre d'heures travaillées. Cette information nous permet de calculer le coût total à payer par le client, directement à travers notre plateforme.

Quel est le business model de TaskRabbit ? L'entreprise est-elle rentable ?

Nous percevons une commission à chaque fois qu'une tâche est effectuée. Celle-ci est fixée au départ à 30% et décroit progressivement à chaque fois qu'un Tasker retravaille pour le compte d'un même client. De cette manière, nous voulons inciter les deux parties à bâtir une relation dans le temps. L'entreprise n'est pas encore rentable mais devrait l'être d'ici la fin de l'année. Notre activité à New York est par exemple déjà bénéficiaire.

Est-il possible de gagner sa vie en exécutant exclusivement des tâches sur TaskRabbit ?

"10% de nos Taskers en ont fait leur activité principale"

Oui. 10% de nos Taskers en ont fait leur activité principale. Le salaire horaire sur TaskRabbit est de 35 dollars, donc beaucoup plus élevé que le salaire minimum fédéral américain. L'un d'eux gagne même plus de 150 000 dollars par an ! Pour autant, la plupart de nos taskers utilisent notre plateforme comme une source de revenus complémentaires.

Vous avez déjà mis un premier pied en Europe en ouvrant un bureau à Londres. Envisagez-vous de poser également vos bagages en France ?

Nous y réfléchissons effectivement. Notre objectif cette année est d'abord d'atteindre la rentabilité. Dès que nous y parviendrons, nous commencerons à réfléchir à notre expansion à l'international, et notamment en Europe, donc sans doute l'année prochaine. Après Londres, Paris apparait comme le marché avec la plus forte demande. Il s'agira donc probablement de notre deuxième ville européenne, même s'il est encore trop tôt pour le dire avec certitude.

Devenir une licorne est-il un but pour une start-up comme TaskRabbit ?

"La seule chose qui compte est de bâtir un business durable"

L'entreprise a été fondée en 2008, autrement dit pendant l'une des pires crises économiques que le monde ait connu. TaskRabbit a donc toujours eu dans son ADN l'idée de se concentrer sur sa croissance et de bien dépenser son argent. L'entreprise a levé 50 millions, ce qui est peu comparé à certaines start-up. Cette idée de vouloir devenir une licorne à tout prix impliquerait que nous devrions à nouveau lever des fonds alors que nous n'en avons pas besoin. Aujourd'hui, nous revenons enfin à la seule chose qui compte vraiment : bâtir un business durable.

C'est une question qui fait souvent débat : la sharing economy crée-t-elle réellement plus d'emplois qu'elle n'en détruit ?

Beaucoup de nos utilisateurs devaient auparavant se battre pour survivre jusqu'au lendemain ou jusqu'au mois suivant. Grâce la sharing & on-demand economy, ils peuvent désormais générer plus de revenus. Et en parallèle, les travailleurs sont de plus en plus à la recherche de liberté et de flexibilité.

Le futur sera donc fait de jobs flexibles ?

Je peux vous donner ma propre expérience. Très jeune, ma mère a été contrainte d'abandonner ses études car se retrouvant seule, elle a rapidement été obligée de trouver un travail pour subvenir aux besoins de sa famille. A l'époque, il n'y avait aucune plateforme pouvant lui offrir cette flexibilité qui aurait pu lui permettre de reprendre ses études. Lorsque je vois toutes ces personnes qui poursuivent leur rêve car elles peuvent désormais gagner de l'argent tout en organisant leur emploi du temps autour de leur passion, je suis convaincue que nous faisons quelque chose de bien. Notre objectif est de créer des jobs pour les gens de tous les jours.

Certaines start-up de la on-demand economy sont actuellement visées par des class action ayant pour objectif la requalification du statut des travailleurs indépendants en salariés. TaskRabbit n'est pas concernée, pourquoi ?

"A New York, 93% des tâches sont attribuées en moins d'une minute !"

Contrairement à d'autres plateformes, TaskRabbit laisse ses utilisateurs libres de définir leur tarif horaire, mais aussi leur planning ainsi que le type de tâches qu'ils souhaitent exécuter. Nous n'avons donc que très peu de contrôle. Notre marketplace se contente simplement de mettre en relation les Taskers avec les clients.

TaskRabbit semble s'être bien adapté au mobile. Que représente-t-il aujourd'hui dans votre activité ?

La moitié de notre business est générée sur mobile et il en représentera la majorité d'ici la fin de l'année. Lorsque nous avons lancé notre nouvelle application en mars dernier, notre objectif était qu'en moins de 5 minutes une tâche puisse être attribuée à un Tasker et qu'en 90 minutes celle-ci puisse être exécutée. Et nous y sommes presque : à New York, 93% des tâches sont attribuées en moins d'une minute !

Stacy Brown-Philpot est devenue CEO de TaskRabbit en 2016, après en avoir été pendant trois ans COO. Auparavant, elle a travaillé une dizaine d'années pour Google, occupant des rôles opérationnels pour différents produits de l'entreprise tels que Search, Chrome ou encore Google+. Stacy Brown-Philpot a notamment été à la tête des ventes et des opérations de Google India. Elle intègre par la suite le fonds d'investissement Google Ventures en tant que Entrepreneur-In-Residence. Avant Google, elle a travaillé dans la finance avec des expériences au sein de PWC et de Goldman Sachs. Stacy Brown-Philpot siège actuellement au conseil d'administration d'HP. Elle est diplômée d'un B.S en Economie de l'université de Pennsylvanie et d'un MBA de l'université de Stanford.