Emilie Gobin (L'Usine à Design) "Beaucoup d'e-marchands de meubles et de déco sont à vendre"

Positionné sur les meubles design personnalisables, Usineadesign.com entend développer son offre, accroître son activité BtoB et prêter sa notoriété aux designers, explique sa PDG.

JDN. Beaucoup de sites marchands se sont lancés sur le segment du meuble, ces dernières années. En quoi le positionnement de l'Usine à Design est-il particulier ?

Emilie Gobin. Lorsque nous avons ouvert en septembre 2009, le secteur du meuble avait peu innové depuis l'arrivée d'Ikea et les consommateurs subissaient un diktat des formes et des couleurs. Nous avons voulu leur redonner du choix en leur offrant de personnaliser les meubles et nous avons créé une marque de mobilier pour la distribuer sur Internet. Notre proposition de valeur réside dans des produits design originaux du haut de l'entrée de gamme.

Notre positionnement est donc différent de celui de sites comme Miliboo, Vente Unique ou encore Sofactory, qui vendent du mobilier contemporain sur un créneau plus proche de celui de But et de Conforama. En outre, toute notre activité est organisée autour de la personnalisation, de la fiche produit jusqu'à la logistique. Pour un canapé, des millions de combinaisons sont possibles : tout cela se gère quasiment "à la pièce".

Après un premier tour de table de 1,6 million d'euros en septembre 2010, vous avez levé 4 millions en septembre 2011. Qu'allez-vous en faire?

Nous allons tout d'abord renforcer notre offre afin de proposer une collection cohérente. Cela demande plus de travail qu'il n'y paraît, car chaque meuble correspond à un métier à part entière. Nous avons signé des partenariats avec divers acteurs européens, fabricants, marques, designers... Par exemple, nous venons de rentrer toute une gamme de matelas. Aujourd'hui notre catalogue comprend 800 références, il devrait doubler d'ici 18 mois.

D'autre part, nous travaillons à améliorer l'expérience utilisateur. Par exemple, nous envisageons d'intégrer de la 3D ou de la réalité augmentée à notre "personnalisateur". Côté logistique, nous allons mettre en place un système de livraison sous 10 jours. Une formule très intéressante, dans la mesure où la personnalisation implique habituellement 10 semaines d'attente. Nous proposerons ce service pour les combinaisons que nous vendons le plus.

Où vous approvisionnez-vous ?

Le fond de catalogue est fabriqué en Chine du Sud, dans la zone qui fait figure "d'usine du monde" et où se fournissent aussi Ikea, Roche-Bobois... Mais toute une partie de notre catalogue est fabriquée en Europe : en France, en Allemagne et aux Pays-Bas. Nous venons de recruter une équipe de sourcing pour l'Europe qui a commencé à regarder l'Italie et le Portugal, deux pays très compétitifs et riches de compétences en matière de fabrication de meubles et de housses.

Vous allez également développer une activité BtoB...

En effet, nous pouvons facilement façonner des meubles aux couleurs d'une marque ou d'une entreprise. La vente aux professionnels constitue donc un axe de développement très important pour l'Usine à Design. Pour l'instant, une responsable commerciale s'y consacre à plein temps et l'activité va se développer avec notre notoriété. Le BtoB représente déjà une part significative de notre chiffre d'affaires. Nous voudrions la stabiliser autour de 15% de nos revenus.

Avez-vous d'autres projets pour les mois à venir ?

Nous allons ouvrir sur le site un nouvel espace dédié aux designers, qui leur permettra de tenir un blog, de demander leur avis aux autres designers et aux internautes... Nous donnerons aussi des conseils et des informations sur les designers. Il s'agira d'un espace purement éditorial. Nous désirons bâtir une grosse plate-forme de contenus pour les designers, qui leur permette de profiter de notre trafic.

Depuis notre création, nous avons interagi avec un millier de designers environ. Or nous avons constaté une espèce de souffrance : il est difficile pour eux d'être mis en avant sur Internet. D'où l'idée de constituer une sorte de collectif.

Envisagez-vous d'ouvrir des sites à l'étranger ?

Nous possédons déjà des clients dans une vingtaine de pays. Pourtant, tous nos axes de développement n'ont qu'un objectif : consolider la place que nous détenons déjà sur le marché français. Nous sommes le sixième marchand sur notre créneau, or les places sont chères. Vu les rythmes de croissance, mieux vaut se positionner dès maintenant. Sur notre exercice clôturé fin mars 2011, nous avons enregistré un chiffre d'affaires de 2 millions d'euros. Cette année, nous affichons une croissance à trois chiffres. Notre ambition, en France, est de doubler de taille tous les ans dans les années qui viennent. Nous étudions l'opportunité de nous lancer dans d'autres pays, mais ce ne sera pas pour 2012.

Comment se porte le reste du secteur ?

Un grand nombre d'acteurs se lancent, beaucoup se positionnant sur la déco. Certains ont plus de cinq ans, comme Made in Design, Vente Unique ou Delamaison, et bénéficient d'une certaine notoriété. Un bon nombre ont d'ailleurs déjà été financés - Miliboo, So Factory, Made in Design, Delamaison...- et ont déjà des propositions cohérentes. Mais selon leur proposition de valeur, ils sont plus ou moins fragiles. Par exemple, lorsque le marchand a son catalogue en stock, il lui est plus difficile de réagir face à des consommateurs qui demandent des prix bas. Aujourd'hui, nous voyons passer des dossiers, beaucoup d'acteurs sont à vendre. Ce n'est pas un mauvais signe, cela peut signifier le début d'une phase consolidation. Donc nous nous positionnons.

Emilie Gobin préside le directoire et dirige le marketing de L'Usine à Design. Elle a étudié à HEC, puis a suivi la spécialisation HEC entrepreneurs, après plus d'un an dans le web marketing au Brésil, à Londres et en Australie. C'est sur le campus d'HEC qu'elle fait la rencontre de ses autres associés qui seront à l'origine de la création de L'Usine à Design : Charles Digby-Smith, diplômé d'HEC entrepreneurs, il dirige le marketing produits et la relation avec les designers, Vincent Plazen, diplômé de HEC Supply Chain et enfin Toni Racioppi, 60 ans, spécialiste du meuble depuis 40 ans, propriétaire d'une usine en Chine et encadrant à HEC.