Geoffroy Martin (Art.com) "Le marché adressable par Art.com s'élève à 50 milliards de dollars"

Le français Geoffroy Martin vient d'être nommé à la tête du leader américain de la vente en ligne d'art mural. Il expose les différents axes de sa stratégie de développement.

JDN. Qui est Art.com ?

Geoffroy Martin. La société a été créée en 1998 en Californie. En 2005, Allposters.com a racheté son plus gros concurrent, Art.com. Nous continuons aujourd'hui à opérer à travers ces deux marques, qui sont d'égale importance aux Etats-Unis. A l'international, la société utilise surtout le nom Allposters, à la fois pour des raisons historiques et parce que le nom de domaine est plus facile à obtenir.

La société dispose à ce jour de 750 000 images uniques : c'est la plus grande collection au monde. Elles sont disponibles sous plusieurs supports pour au total former 2,5 millions de références. Alliés à différents services comme le transfert sur bois, sur toile, sur plexiglas ou l'encadrement, les combinaisons sont quasiment illimitées. Nous disposons d'une grosse usine dans l'Ohio et d'une plus petite aux Pays-Bas pour le marché européen. Nos ventes ont dépassé 140 millions de dollars en 2009 et nous sommes largement profitables. Nous sommes classés 99ème e-marchand des Etats-Unis par "Internet Retailer".

Qui sont vos concurrents ?

Nous avons 6 à 8 concurrents en ligne, dont EasyArt au Royaume-Uni, Barewalls et Fulcrum Gallery aux Etats-Unis... Mais le chiffre d'affaires annuel du plus gros d'entre eux ne représente même pas nos ventes sur un mois. Par ailleurs, je ne considère pas que des services comme ceux proposés par Flickr ou Picasa soient des concurrents, car ils ne disposent pas d'un label de qualité. Je suis persuadé que les consommateurs ne veulent pas afficher dans leur salon les photos de vacances d'un inconnu. Ce qu'ils veulent, c'est qu'on leur propose les 4 ou 5 plus belles photos de couchers de soleil, les autres ne les intéressent pas. C'est le même principe que pour la musique ou les livres : les images ont besoin d'être filtrées par des professionnels.

"Nous réalisons déjà plus du tiers de nos ventes à l'étranger"

Le marché qui comprend les images non encadrées, les images encadrées et l'encadrement sur mesure représente aux Etats-Unis 20 milliards de dollars, de même qu'en Europe et que dans le reste du monde. Le marché adressable pour nous s'élève donc à 50 à 60 milliards de dollars.

Quels sont les différents axes de votre stratégie ?

Notre premier axe de croissance est l'international. Aujourd'hui, nous réalisons déjà plus du tiers de notre chiffre d'affaires à l'étranger, contre quasiment rien en 2004. Nous pensons dépasser bientôt les 50 % de ventes à l'international. Nous sommes présents en France, au Royaume-Uni, en Allemagne, en Italie, en Espagne et au Japon. Nous avons ouvert un site en Hollande en septembre 2009 et des sites dans les quatre pays scandinaves en janvier 2010. Dans trois semaines, nous ouvrons des sites en Pologne, au Portugal, au Mexique et au Brésil. Dans un mois, sept nouveaux pays suivront, parmi lesquels le Canada. Dans un deuxième temps, nous comptons nous porter sur les pays émergents comme la Chine, l'Inde, la Turquie... Nous ne savons pas encore lesquels, mais nous regardons.

Nous travaillons par ailleurs à l'optimisation des sites étrangers existants afin d'améliorer la conversion. Nous corrigeons les erreurs de traduction bien sûr, mais nous adaptons aussi les sites aux marchés locaux, par exemple en rajoutant des références d'artistes locaux. Nous avons en outre des progrès à accomplir en matière de recherche sur les sites.

Vous comptez également travailler sur votre notoriété...

Lors d'une première phase de croissance, nous avons voulu peu parler de nous, afin de nous développer sans avoir à nous bagarrer avec la concurrence et de croître organiquement sans être connus. Aujourd'hui nous entrons dans une nouvelle phase d'évolution de la société et la notoriété constitue une très forte opportunité. Comme notre fondateur Michael Heinstein l'expliquait lors de notre conférence de presse de janvier, durant laquelle il m'a passé les rennes d'Art.com, nous sommes "la meilleure société e-commerce dont vous n'ayez jamais entendu parler !" En grande partie parce que les consommateurs ne sont pas encore à l'aise vis-à-vis de l'achat d'art sur le Web : ils veulent encore apprécier le produit de visu avant de se décider.

"J'aimerais monter des partenariats avec tous les musées du monde"

Nos atouts sont pourtant considérables. Si nous n'avons pas ce que l'internaute cherche, nous pouvons le trouver pour lui. Nous avons des outils de visualisation excellents. Nous proposons l'encadrement sur mesure et permettons de le visualiser à travers une application iPhone de réalité augmentée. Nous sommes moins chers de 35 à 40 % que nos concurrents américains offline sur les produits encadrés. Nous sommes de plus bien plus rapides qu'eux et remboursons le client s'il n'est pas satisfait. Bref, notre offre est unique et excellente. Il n'y a donc aucune raison qu'on n'achète pas chez nous les affiches et les reproductions.

Comment allez-vous améliorer votre notoriété ?

D'abord via les réseaux sociaux. Notre page Facebook compte 25 000 fans qui peuvent poster leur art, participer à des concours... Nous avons de plus lancé une application pour encadrer et acheter une image sans quitter Facebook. Ensuite nous avons commencé à faire de la publicité, en ligne et offline. Les partenariats constituent le troisième levier. J'aimerais en monter avec tous les musées du monde mais aussi avec les grandes chaînes d'hôtels ou d'ameublement, avec les shows télévisés, la presse... Notre base comporte 10 millions de clients : nous savons ce que les gens aiment, ce qui pourrait avoir beaucoup de valeur pour la presse. Enfin, nous allons travailler nos relations presse.

Prévoyez-vous d'étendre votre offre ?

Non. Nous voulons nous focaliser sur une verticale et le faire très bien. Nous allons donc continuer à accroître notre sélection d'images. D'ici un an, nous pensons dépasser le million. Il ne s'agit pas juste d'ajouter des références au catalogue, mais aussi de savoir gérer la logistique qu'impliquent 250 000 références supplémentaires, en particulier les imprimer en qualité musée et les expédier en 24 heures.

"80 % des gens qui achètent un poster finissent par l'encadrer, mais seuls 15 % de nos clients le font chez nous"

En revanche, nous voulons développer l'encadrement. Dans notre offre produit, tout part d'une image, qui au final vaudra de quelques euros à plusieurs milliers d'euros. Le produit final que nous voulons pousser de plus en plus est l'image encadrée ou bien transférée, sur du bois, de la toile ou du plexiglas. C'est notre troisième axe de croissance.

Que représente l'encadrement d'images dans votre activité ?

Aux Etats-Unis, 80 % des gens qui achètent un poster finissent par l'encadrer. Or en 2009 seulement 15 % de nos clients le faisaient avec nous. S'ils avaient été 30 %, nous aurions augmenté d'un tiers notre chiffre d'affaires 2009, c'est donc considérable. Nous voulons par conséquent que les 65 % manquants encadrent leurs images chez nous. Il va nous falloir faire un meilleur travail sur le site pour pousser l'encadrement, ce qui nous permettra aussi de mieux fidéliser nos clients. Plus précisément, comme beaucoup d'entre eux ne savent pas que nous en proposons, nous prévoyons de forcer le visiteur qui achète une image à passer par le studio d'encadrement.

D'autres projets pour 2010 ?

Le quatrième et dernier axe de développement d'Art.com réside dans l'expérience utilisateur. Il n'est pas toujours aisé de se déplacer parmi des centaines de milliers de références. Le client qui veut acheter une image d'art sait rarement ce qu'il cherche, nous devons donc savoir l'orienter et le faire acheter quand même. Nous avons des progrès à faire notamment en matière d'interface graphique du site et d'optimisation du moteur de recherche. Nous avons par exemple un projet de recommandation d'images à la façon de ce que Pandora propose pour la musique. L'internaute renseignerait plusieurs caractéristiques, nous lui proposerions 10 images, il sélectionnerait celles qui lui plaisent et peu à peu les recommandations s'affineraient. Enfin nous allons améliorer encore les outils de visualisation, aussi bien sur nos sites Internet que sur mobile.