Pierre Kosciusko-Morizet (Cofondateur de PriceMinister) Pierre Kosciusko-Morizet (PriceMinister) : "Pour les meilleurs, la crise va être très profitable"

Après une succession de rachats destinés à préparer une entrée en Bourse finalement annulée, PriceMinister est contraint d'ajuster sa stratégie à la crise. Explications de son PDG.

Vous avez racheté Mixad/321Auto en mars 2007, A vendre à louer en mai 2007, Planetanoo en août 2007 et Voyagermoinscher.com en novembre 2007(Lire Les acquisitions de PriceMinister en 2007, du 29/11/2007). Où en est leur intégration ?

 

Pierre Kosciusko-Morizet. Les marques continuent à exister en tant que telles mais sont aussi intégrées au site de PriceMinister de façon à gagner en visibilité. Par exemple, A vendre à louer est passé de 600 000 visiteurs uniques au moment de son rachat à 2,1 millions en septembre 2008. Le trafic sur PriceMinister constitue donc pour elles un fort levier de croissance. Par ailleurs, notre capacité à acheter en plus grande quantité nous permet d'obtenir des prix plus bas et notre reach plus important nous permet de vendre la publicité plus chère. Un atout supplémentaire pour faire progresser plus vite que leurs concurrents les sociétés que nous avons rachetées.

D'autre part, en dehors des commerciaux, tout le monde est rassemblé dans les mêmes locaux. Cela facilite le partage d'expérience. D'autant que pour aider ces sociétés à s'intégrer, nous avons absolument voulu conserver leurs dirigeants respectifs : ils étaient bons et nous voulions qu'ils restent. Nous profitons maintenant de leur connaissance de leur métier.

Il y a un an, votre objectif affiché était de faire de PriceMinister le premier groupe d'intermédiation en ligne en Europe. Est-il atteint ?

Oui, en audience nous sommes même le premier site de e-commerce indépendant d'Europe, c'est-à-dire non coté. Devant nous il n'y a qu'eBay et Amazon. Nous totalisons 8 millions de visiteurs uniques par mois. Mais nous réalisons la plus grande partie de notre chiffre d'affaires en France et grâce à PriceMinister.com. Notre ambition, c'est d'une part que les autres filiales du groupe deviennent leaders sur leur secteur - automobile, immobilier et voyage -, et d'autre part que PriceMinister devienne un acteur majeur dans tous les pays d'Europe, à commencer par la Grande-Bretagne.

Où en est votre expansion européenne ?

En Espagne, où nous nous sommes lancés en novembre 2006, nous enregistrons 700 000 visiteurs uniques par mois. Nous faisons partie des sites les plus importants là-bas, mais c'est encore un petit pays du e-commerce. En Grande-Bretagne, notre site est en phase de test. Le lancement n'est plus qu'une question de semaines. On l'observera de près pour préparer celui de l'Allemagne, mais on n'attendra pas de faire partie des acteurs majeurs du marché britannique.

"Nous ne rouvrirons pas avant 2010 le dossier de notre entrée en Bourse"

Le rachat de ces sociétés avait aussi pour but de préparer votre entrée en Bourse. Quelle stratégie allez-vous désormais adopter ?

Nous étions effectivement prêts avant l'été, puis les marchés ont commencé à dégringoler. Ce n'était plus le moment d'y aller. En plus, nous aurions subi la pression trimestrielle sans avoir la valorisation nécessaire pour lancer des projets. En général, quand ils ferment, les marchés ferment pour deux ans. Comme ils étaient fermés en 2008, les plus optimistes disent que la Bourse pourrait reprendre fin 2009. Pour notre part, nous ne rouvrirons pas le dossier avant 2010.

On peut vouloir entrer en Bourse pour trois raisons : lever des fonds pour financer des acquisitions, permettre aux capital-risqueurs de se retirer du capital et permettre aux salariés de vendre leurs actions. Les capital-risqueurs ne sont là que depuis le début 2005, ils ne sont pas pressés de partir. Quant aux salariés, ce n'est pas en ce moment qu'ils voudraient vendre leurs actions.

Envisagez-vous un nouveau tour de table?

Ce serait un mauvais moment. Nous sommes très sollicités par les fonds car nous n'avons pas encore fait d'IPO et qu'ils ont peu de dossiers actuellement. Mais ils cherchent à faire une bonne affaire. Or nous ne voulons pas être une bonne affaire. S'il se présentait une acquisition que nous voulions absolument réaliser, nous réfléchirions. Mais même dans ce cas, nous essaierions sans doute de procéder autrement.

De toute manière, les entreprises aujourd'hui en position de faiblesse ne sont sans doute pas les plus intéressantes à racheter. Pour le moment, nous avons plutôt envie de nous concentrer sur notre cœur de métier et de le développer. D'autant qu'avec ses prix bas, PriceMinister est une réponse à la crise du pouvoir d'achat. D'ailleurs, vendre n'est pas non plus à l'ordre du jour. Pour toutes ces questions, nous attendons fin 2009. Comme nous sommes plus confiants que les fonds et que les acquéreurs potentiels, nous pouvons parfaitement patienter.

"C'est pendant les crises qu'on peut prendre des parts de marché"

Comment prévoyez-vous qu'évolue votre croissance ?

Nous visons une croissance de 30 % pour le groupe en 2009. En 2008, nous serons plutôt autour de 40 %. C'est une croissance rentable, évidemment, puisque toutes nos activités sont rentables : les coûts de notre business sont fixes. Cela pourra être utile pour dégager du cash flow, le jour où nous voudrons procéder à une acquisition. Et c'est toujours une situation préférable, à une période où l'on ne sait pas trop ce que font les banques...

Quels sont vos projets pour 2009 ?

Nous allons surinvestir en communication, car c'est pendant les crises qu'on peut prendre des parts de marché. Quand tout le monde va bien, chacun est occupé à aller bien et ne se soucie pas de prendre des parts de marché aux autres. Mais si notre croissance est de 30 % pendant qu'un concurrent de taille égale est à -10 %, en deux ans on devient deux fois plus gros que lui. Or il y a des entreprises, dans le e-commerce, qui sont à -10 %. De notre côté, nous sommes plutôt à 40 %. Pour les sites qui marchent bien, la crise va être très profitable.

Et vous pensez en profiter mieux que les autres...

PriceMinister a été créé en août 2000 et le site a ouvert en janvier 2001, donc juste avant l'éclatement de la bulle Internet. Nous partions de rien, nous avons beaucoup gagné. La période actuelle est très semblable. La publicité va chuter, les investissements également, nos concurrents vont licencier des talents que nous allons pouvoir recruter... Avec peu de moyens, nous avions surmonté avec succès la crise de 2001. Avec nos moyens et notre trésorerie d'aujourd'hui, il n'y a pas de raison que nous n'y parvenions pas.