Séverine Grégoire (Monshowroom) "Casino reprend 49% du capital de Monshowroom"

Le groupe Casino devrait rapidement devenir majoritaire au capital du site marchand de mode. La cofondatrice de Monshowroom explique les raisons de ce rapprochement.

JDN. Casino annonce aujourd'hui être entré au capital de Monshowroom, que vous avez cofondé en 2006 avec Chloé Ramade. Pourquoi Casino ?

Séverine Grégoire. L'e-commerce de prêt-à-porter devient mature, notamment avec l'arrivée des marques sur le Web et de distributeurs en ligne aussi puissants que Zalando ou Asos. Il était donc intéressant de nous adosser à un industriel tel que Casino, qui a démontré son savoir-faire en s'appuyant sur des entrepreneurs pour développer Cdiscount et en faire le plus gros site marchand de l'Hexagone.

D'abord, nous allons bénéficier de leur expérience en e-commerce. Qu'il s'agisse de marketing ou de système d'information, nous avons beaucoup à apprendre. Plus largement, nous allons pouvoir nous appuyer sur leur puissance. Pour l'instant, nous continuons à nous autofinancer, mais Casino pourra nous suivre dans notre montée en puissance et nous aider à saisir les opportunités de développement qui se présenteront. Jusqu'ici, nous avons posé les bases. Nous voyons Casino comme le facilitateur et l'accélérateur de notre développement. Nous sommes très satisfaites de notre croissance et de notre chiffre d'affaires, mais nous pouvons aller encore plus vite. Nous voulions nous donner les moyens de notre ambition : devenir incontournable sur le marché français. Ceci tout en restant indépendantes.

Votre chiffre d'affaires en 2011 ?

Notre chiffre d'affaires était de 2 millions d'euros sur l'exercice 2008, de 5 millions en 2009 et de 12,5 millions en 2010, première année de rentabilité pour Monshowroom. Sur l'exercice 2011, clôturé fin février, nous dépasserons 20 millions d'euros de ventes, soit une croissance d'environ 70%, et nous serons toujours rentables. C'est d'ailleurs bien cette rentabilité et les perspectives de rentabilité importantes qui ont séduit Casino.

Après avoir regardé bon nombre de dossiers avant le nôtre, Casino prend donc position sur la vente en ligne de prêt-à-porter, une niche certes, en comparaison d'un site grand public comme Cdiscount, mais un créneau porteur en termes de croissance et de rentabilité.

Que pouvez-vous nous dire de l'opération ?

Casino est minoritaire au capital de Monshowroom avec possibilité à terme de devenir majoritaire. Olivier Marcheteau, directeur e-commerce non-alimentaire de Casino et président de Cdiscount, entre dans notre conseil d'administration. Casino a racheté les parts des fonds Alven Capital et Crédit Agricole Private Equity (soit 49% au total, ndlr), auprès desquels nous avions levé 4,3 millions d'euros en 2009. Et nous avons établi un calendrier pour leur montée progressive dans notre capital, en leur revendant une partie de nos parts. Moyennant des portes de sortie et des mécanismes protégeant les deux parties, Casino devrait être majoritaire d'ici quelques mois.

Quels sont vos projets actuels ?

En 2012, notre gros challenge sera le prêt-à-porter homme. Nous l'avons lancé en 2011 mais il reste très minoritaire dans nos ventes. Nous avons rentré de grandes marques sur la saison d'été 2012, nous allons en rentrer d'autres pour l'hiver et dupliquer ce que nous avons fait sur la partie femme, en particulier en matière de partenariats médias.

En outre, nous allons continuer à travailler et à compléter l'offre femme, notamment en donnant encore plus d'importance à notre marque, ByMonshowroom. Mais sans pour autant arrêter le multimarque : 200 marques partenaires constituent autant de portes d'entrée sur le site, qui joue donc aussi le rôle d'agrégateur de trafic. En revanche nous ralentissons sur l'enfant, qui constitue un business assez différent.

Et puis nous avons mis en ligne il y a dix jours la nouvelle version de notre site. Ergonomie revue, un travail sur les tendances, bientôt une partie rédactionnelle pour accompagner les nombreuses internautes qui viennent se renseigner avant d'acheter, un process de commande retravaillé, un nouveau guide des tailles...

L'entrée de Casino à votre capital remet-elle sur le tapis la question de votre expansion internationale, à laquelle vous renonciez jusqu'ici pour concentrer tous vos efforts sur la France ? (lire l'interview de Séverine Grégoire : "Notre politique de croissance rentable nous oblige à un pilotage plus efficace", du 16/12/2011)

Il est vrai que 13% à 15% de nos ventes provenant de l'étranger et ceci uniquement avec notre site actuel, nous lancer dans d'autres pays est très tentant. L'Europe reste donc l'un de nos axes de réflexion. Nous réfléchissons aux ressources à mobiliser pour nous lancer de façon sérieuse, sans non plus mettre en péril notre activité en France. Nous prendrons une décision dans l'année, avec Casino. Nous sommes d'ailleurs totalement en phase sur ce sujet : le groupe n'est pas opposé à un développement international, à condition qu'il soit fait intelligemment.

Séverine Grégoire, 31 ans, a fait de sa passion de la mode son métier. Titulaire d'une maîtrise de gestion, elle débute sa carrière à l'Institut Mode Méditerranée et à la Fédération française du prêt-à-porter. En 2006, à 25 ans, elle et Chloé Ramade, une amie du même âge alors en DEA de marketing, décident de se lancer dans l'e-commerce de mode. Après avoir envisagé d'ouvrir un site de déstockage, elles renoncent à ce créneau déjà saturé. Obligées de se rendre à Paris pour trouver les marques qu'elles aiment, elles y voient un besoin encore non satisfait en ligne. Elles créent Monshowroom en mars 2006, achetant leurs premiers stocks avec leurs économies. La rupture de stock ne tarde pas à survenir et elles entament un tour des banques pour financer leur développement. En mai 2007, elles convainquent des business angels de Provence d'investir 200 000 euros dans l'aventure. La même année, leur chiffre d'affaires s'élève à 1 million d'euros. Séverine Grégoire est PDG de Monshowroom.