Et si le .XXX était une bonne idée ?

Très critiqué, surtout par les pornographes eux-mêmes, le .XXX semble pourtant les intéresser de plus en plus. L'Internet serait-il finalement en train de se doter d'un vrai marqueur pour le contenu à caractère pornographique ?

C'est l'extension du moment et, au risque de passer pour un obsédé, celle qui anime plusieurs de mes récentes chroniques dans Le Journal du Net. Mais ne voyez là que le reflet de la situation actuelle sur le secteur du nommage sur Internet. L'extension de l'industrie du charme divise, énerve, provoque, dérange… mais ne laisse jamais indifférent.

Voulue, ou rejetée par ses pairs ?
L'industrie en question veut-elle d'un .XXX ? On a tellement parlé des opposants à l'extension qu'il serait facile de répondre par la négative. Par exemple, lorsque l'ICANN (le régulateur du nommage sur Internet) a avalisé le .XXX à l'issue de sa réunion de San Francisco en mars 2011, la presse s'est fait l'écho de manifestations d'opposants. Organisées à l'initiative de représentants de l'industrie pornographique locale, certains en ont parlé comme d'un mouvement de protestation de masse. Vraiment ? J'y étais. J'ai vu les "manifestations". Il y avait à tout casser une vingtaine de personne qui tournaient en rond devant l'hôtel de la réunion avec des pancartes "non au .XXX". Rien de plus.
Alors, rejeté par ses clients potentiels, le .XXX ? Oui, si on prend l'exemple de Manwin, un exploitant de sites pornographiques très connus, dont YouPorn. À la mi-novembre, Manwin a déposé un dossier devant le bureau d'arbitrage indépendant de l'ICANN pour demander la suspension du .XXX. Une démarche forte, puisque il s'agit du deuxième cas dans l'histoire de ce bureau. Son premier dossier concernait déjà le .XXX. Il s'agissait de l'appel de son gestionnaire, ICM Registry, contre la décision de l'ICANN qui souhaitait l'interdire. ICM avait obtenu gain de cause. S'en était suivi le feu vert de l'ICANN donné à San Francisco.

Des acteurs majeurs en soutien
Si Manwin attaque, d'autres soutiennent. La société Paul Raymond, acteur britannique majeur du secteur de la pornographie, a annoncé le 1er décembre 2011 son intention de migrer tous ses sites vers le .XXX !
L'annonce est cruciale pour l'extension. Elle peut lancer un effet boule de neige et amener d'autres à prendre le même chemin. Or si les pornographes y viennent, le .XXX aura alors une chance de vraiment servir à quelque chose. Comme marquer le contenu pornographique pour éviter que les internautes ne tombent dessus par accident. En effet, un nom de domaine en .COM peut paraître abstrait (par exemple, un nom comme lexibelle.com n'éveille pas forcément les soupçons, pourtant…) et ne permet pas d'identifier clairement ce que le site contient.
Là est la véritable vocation du .XXX. Il est certes difficile de le voir lorsque ce sont d'abord les revenus générés qui attirent l'attention. Comme les 13 millions de dollars récoltés par ICM lors de la période de pré-ouverture de l'extension. Depuis, les gros chiffres continuent de tomber. Mais les clients ne sont plus des entreprises souhaitant empêcher l'usurpation de leurs marques en .XXX. L'usage semble maintenant être plus "légitime" puisque les pornographes anglais ne sont visiblement pas les seuls à croire au .XXX. Clips4Sale, un opérateur de sites de vidéos pornos, vient d'acheter plusieurs noms de domaine à ICM pour la somme de 700 000 USD !

Des chiffres records… pour une réelle utilisation de l'extension ?
La vente Clips4Sale porte sur 30 noms. Un de ces noms a été acheté pour 300 000 USD ! Deux autres pour 80 000 USD chacun !! Les noms en question n'ont pas été dévoilés, mais visiblement, la valeur d'un nom "premium" en .XXX n'a pas échappé à certains professionnels du charme. Rappelons qu'en novembre, le nom gay.xxx s'était vendu 500 000 USD à Corbin Fisher, un studio spécialisé dans les productions de films pour la communauté gay.
Ces ventes à très gros chiffres se font dans le cadre d'un programme spécial mis en place par ICM et permettant de vendre des noms à forte valeur ajoutée, surnommés "premium". Il est destiné aux acheteurs souhaitant se positionner sur l'extension avant son ouverture générale le 6 décembre 2011, et ayant les poches assez profondes pour se le permettre.
Le lancement du .XXX continue donc de battre tous les records. Et les ventes comme celle de gay.xxx laissent apparaître un intérêt réel de la part du public cible de cette extension : les professionnels du charme. Avant même l'opération Clips4Sale, ICM Registry aurait ainsi réalisé neuf ventes à, ou au-dessus de, 100 000 USD. Du jamais vu pour le lancement d'une nouvelle extension Internet.
Et si, finalement, le .XXX était une bonne idée ?
Si les professionnels du charme comptaient vraiment s'en servir, au lieu de le subir ? Si l'Internet y gagnait des balises plus pertinentes pour indiquer avec précision où se trouve le contenu pornographique sur les autoroutes de l'information, et ainsi donner aux Internautes le choix d'y aller, ou de l'éviter, en toute connaissance de cause ?