Levées de fonds dans l’e-business : la 4ème vague

L’e-business est un secteur fortement prisé par les fonds d’investissement. En 2012, les capitaux-risqueurs français y ont encore consacré une partie conséquente de leurs ressources. Sur les 15 dernières années, plusieurs vagues de financement se sont succédées. Nous surfons actuellement sur la 4ème.

Les 3 premières vagues : de l’euphorie à la rationalisation

La première s’est développée sur 1999-2000 dans une ambiance d’euphorie irrationnelle.
Deux industries, immatures à l’époque (le capital-risque et l’e-business), se sont entremêlées dans un contexte macro-économique porteur. L’exemple le plus représentatif est celui de Boo.com, positionné sur le marché «mode et streatwear ». En 18 mois, les dirigeants ont dépensé +150m € dans des campagnes publicitaires « 4 par 3 » et des bureaux dispendieux (place Vendôme pour la filiale française pour un CA inexistant). Avant de déposer le bilan…
Contre-coup de cette période extravagante, les levées de fonds ont ainsi été atones entre 2001 et 2005. Les start-up de cette seconde vague, comme Priceminister et Vente-Privée n’ont pu accéder au private equity. Ces entreprises se sont développées en respectant l’adage « un sou est un sou », tout en n’ayant aucune pression de temps fixée par les financiers.
L’émergence et le financement de « pure-players verticaux » caractérisent la 3ème vague.(2006-2010). Ces sites (Delamaison, Sarenza, Wanimo, Ventesàlapropriété…) sont devenus des marques référentes, toujours ancrées dans nos quotidiens actuels. La philosophie commune de ces entreprises repose sur le fait que les « fondamentaux du e-commerce sont d’abord ceux du commerce » à savoir, le choix, le prix, le service.

La 4ème vague : au croisement de plusieurs tendances macro

Pour comprendre la vague actuelle, il faut analyser le marché qui  a évidemment changé depuis 15 ans. Aussi bien aux niveaux de l’offre que de la demande.

Du côté de la demande, l’e-business est désormais ancré dans nos habitudes de consommation (45Md € de CA en 2012. Multiplication par 5 en 8 ans). Les consommateurs comparent méticuleusement les prix tout en étant très exigeants sur les services. Les consommateurs se sont « professionnalisés ».
Du côté de l’offre, les barrières à l’entrée ne cessent de s’élever. Marques fortes, services impeccables (service clients, logistique, SAV…), outils marketing optimum, technologies soutenues par des armées de développeurs... Là, encore, on assiste à une professionnalisation des acteurs de cet univers.
Le meilleur exemple étant, bien sûr, Amazon.
Conséquence immédiate : les marges commerciales se resserrent et les coûts fixes s’alourdissent…
Peu d’entreprises gagnent vraiment de l’argent dans l’e-business.
Cette analyse nous amène à deux conclusions :
1.  Si le consommateur trouve le même produit moins cher ailleurs, il est perdu.
2. Si Amazon (ou un autre mastodonte du e-business) peut faire la même chose que vous facilement et rapidement ; cela s’annonce vraiment compliqué…

Les acteurs de la 4ème vague : 4 catégories

Les acteurs de la 4ème vague possèdent, vous l’aurez compris, deux caractéristiques communes :
  • impossibilité de comparer le prix de leurs produits en un clic,
  • impossibilité pour Amazon (ou équivalent) d’appliquer instantanément sa méthodologie et bénéficier pleinement de ses nombreuses courbes d’expérience.

Ces acteurs peuvent être classés en 4 catégories :

1) « Produits propres »

L’e-commerce verticalisé propose des produits uniques et donc incomparables. Sites d’ameublement, Miliboo et Sengtaï ont opté pour cette stratégie. Celle-ci permet également de capter des marges plus fortes de par l’intégration d’une partie de l’amont.
Ce sont les mêmes principes que l’on retrouve chez les acteurs positionnés sur le Do It Yourself (DIY) comme Gemmyo qui permet de concevoir son propre bijou (forcément unique).

2) Sharing Economy

Carnet de Mode et A Little Market offrent la possibilité à des artisans/stylistes (ayant par définition une production limitée), pros ou amateurs, de vendre leurs produits au plus grand nombre. Ces places de marché (classables également dans la catégorie précédente) s’assurent une exclusivité de fait sur ces produits.
Même philosophie avec le marché de l’occasion et les sites comme Vide Dressing et Instant Luxe.

3) Web-to-store

Plusieurs acteurs évitent la concurrence frontale des « pure-players e-business» en ajoutant un complément brick&mortar. Par exemple, Achat Design est constitué d’un site e-business et d’un réseau de showrooms détenus en propre. Cette stratégie permet ainsi de mixer les avantages du e-business avec ceux de la distribution classique (notamment voir et toucher le produit).
Pneu Wizz, dans un autre registre, propose une offre complète : achats de pneus et montage par un garagiste professionnel local.

4) Barrières à l’entrée (liées à des bases de données propriétaires ou à une réglementation particulière)

Shogunmoto ou Yakarouler ont constitué des catalogues complets de pièces détachées de motos/voitures. Condition nécessaire de par les caractéristiques d’un marché pointu : impossible en effet d’installer telle pièce de tel équipementier sur telle voiture sans validation de ces acteurs.
Feedbooks bénéficie de protections liées à la réglementation du marché du livre (prix de vente et marges identiques quelque soit le distributeur). A ce niveau, la société fait donc jeu égal avec Amazon ou Apple.