Les adblockers menacent-ils les écrans mobiles ?

De plus en plus populaires sur les écrans d'ordinateurs, les adblockers peuvent-ils également s'imposer sur les écrans de nos smartphones et fragiliser tout l'écosystème du marketing mobile ?

Retrouvez les analyses de (de gauche à droite) : Jérôme Léger (Administrateur et Vice-Président Trésorier à la Mobile Marketing Association France & Président de AdMoove), Hani Ramzi (Administrateur de la Mobile Marketing Association France & MD France Persado), Nicolas Rieul (Administrateur et Rapporteur de la Commission publicité mobile à la Mobile Marketing Association France & Mobile Strategist chez Amplifi (Groupe Dentsu Aegis Network), Thomas Jeanjean (Administrateur de la Mobile Marketing Association France & Managing Director Europe - Mid Market chez Criteo).

Longtemps réservée à quelques bidouilleurs, les outils pour bloquer les publicités des sites internet se sont considérablement démocratisés ces derniers mois semant le trouble, voire une certaine inquiétude, parmi les professionnels des médias en ligne. En effet, ces outils menacent non seulement la survie des médias, dont le principal modèle économique reste la publicité, mais compliquent également sérieusement la tâche des marketeurs, qui ne peuvent plus recourir au display pour cibler ou recibler leurs prospects au travers de formats publicitaires adservés.


 "Selon une étude réalisée l'été dernier par Adobe, plus de 200 millions de personnes utilisent désormais un AdBlocker dans le monde, ce qui représente environ 10% de la population des internautes français. Mais ce qu'il y a d'inquiétant, c'est que le phénomène s'accélère avec un taux de croissance annuel de l'ordre de 40%, et même plus de 80% au Royaume-Uni. Le manque à gagner se chiffre déjà à plus de 22 milliards de dollars en 2015 et il pourrait encore doubler cette année provoquant des pertes de revenus de 30 à 50% pour certains médias en ligne" explique Hani RAMZI.

Particulièrement populaires sur le "desktop", la pratique commence également à s'observer sur les smartphones. "Sur les smartphones, il est très facile de bloquer les publicités avec des navigateurs tels que Chrome, Firefox ou désormais Safari. C'est en revanche plus compliqué de bloquer les publicités au sein des applications qui représentent encore la très grande majorité des usages. Mais la menace est réelle" précise Nicolas RIEUL. 

"Le phénomène des AdBlockers ne peut plus être ignoré par les acteurs du digital et ce débat est parfaitement légitime. Si dans leur très grande majorité les utilisateurs sont heureux de pouvoir consommer gratuitement des contenus et des services en échange de publicités, certains entendent néanmoins bloquer les bannières les moins pertinentes ou les plus intrusives. La priorité est de rétablir la confiance entre internautes et éditeurs, sans doute en adoptant de meilleures pratiques" pointe Thomas JEANJEAN.

Si le débat est légitime, la situation devient toutefois de plus en plus critique et de plus en plus de professionnels poussent de grands organismes internationaux tels que l'IAB, chargé de coordonner les professionnels de la publicité digitale à travers le monde, à trouver des solutions.

"En Allemagne, un grand groupe de presse comme Axel Springer a décidé de contre attaquer en bloquant à son tour l'accès à ses contenus aux internautes équipés d'un AdBlocker. Mais au-delà de ce rapport de force, il faut aussi proposer une nouvelle forme de publicité, une sorte de digital marketing "écologique", plus transparent, moins intrusif avec des formats natifs et qui redonnerait une certaine forme de contrôle aux internautes" estime Hani RAMZI.

"Chacun doit prendre ses responsabilités. Les professionnels des médias doivent proposer des formats moins intrusifs et plus créatifs. De l’autre côté, les mobinautes doivent également prendre conscience qu’ils mettent en danger l’internet libre et gratuit en bloquant l’intégralité des publicités et pas seulement celles provenant d’acteurs parfois peu scrupuleux" ajoute Nicolas RIEUL.

"Du côté agences et annonceurs, il faudra aussi revisiter la dictature du clic et la primauté des campagnes volumiques à la performance (téléchargement/formulaire), travailler sur des KPI,  un capping et des ciblages adaptés à chaque situation, pour optimiser le niveau de  diffusion et les formats utilisés. Si les mobinautes souffrent de la publicité, c’est aussi parfois parce que la seule stratégie proposée aux annonceurs est une diffusion massive visant la génération d’un maximum de clics" précise Jérôme LEGER.

"La priorité des priorités c'est de rétablir la confiance en faisant preuve de pédagogie à l'égard des mobinautes, mais également en invitant les professionnels à faire preuve de modération et de pertinence dans leur utilisation des outils publicitaires. Si ces deux conditions sont réunies, la publicité mobile pourra se prémunir des AdBlockers, et poursuivre sa formidable croissance" conclut Thomas JEANJEAN.

Un débat sur les AdBlockers qui devrait donc se poursuivre parmi les professionnels des médias mais qui pourrait également s'inviter au prochain Mobile World Congress de Barcelone, en obligeant certains géants américains tels que Facebook ou Google, à revisiter des stratégies d'accès internet mobile pour tous… mais financé par la publicité.