La loi consommation a-t-elle vraiment changé la vie du consommateur ?

La loi consommation, souvent appelée loi Hamon, vise essentiellement à modifier les rapports de force entre consommateurs et vendeurs. Elle propose nombre d’avancées significatives en termes de protection des droits du consommateur et de possibilités de recours.

La loi Hamon est sans doute un bon début et un bon signal envoyé à des entreprises souvent en position dominante. Mais certaines pratiques persistent, certaines entreprises jugeant que les lois sont faites pour être contournées. Du côté des consommateurs, difficile encore de parler d’un bouleversement des pratiques. 

Selon le site du gouvernement, la Loi Consommation, adoptée en février 2014, a pour objectif de "rééquilibrer les pouvoirs entre consommateurs et entreprises mais aussi de rendre du pouvoir d’achat aux Français et à leur donner les moyens d’être bien informés avant de consommer". Peut-être moins ambitieuse sur le papier du Journal Officiel que dans les déclarations de ses promoteurs, la loi n’en propose pas moins des avancées notables dans la protection des consommateurs. Pour en finir avec les mauvaises pratiques ? Pas si sûr, pour l’instant.

Des fraudes et tentatives de fraude persistantes…

Cela ne signifie pas en effet que, du côté des entreprises, tout le monde se soit mis au pas de la transparence, loin de là. Les acheteurs de coffrets-cadeaux, les fameuses "box", le savent bien : le consommateur est parfois désarmé face à des démarches de remboursement complexes, des règlements tatillons ou des promesses non tenues, lorsque, comme chez le leader Smartbox, le nombre de prestations proposées est très largement supérieur au nombre effectivement disponible en réservation. Pour preuve, tandis votre coffret Smartbox "Sensation et Aventures" vous promet 1820 activités en facing, votre première sensation sera de découvrir que vous n’avez le choix qu’entre 1450 aventures. Et rien n’a véritablement changé depuis la loi. Mais si tous les acteurs du coffrets-cadeaux ne se ressemblent pas, les pratiques commerciales frauduleuses ne se limitent pas aux secteurs de niche, comme les coffrets-cadeaux.

Dans le secteur bancaire, les différentes réglementations ont même eu parfois des effets pervers. En 2015 par exemple, une étude du comparateur d'offres Panorabanques.com notait que le plafonnement des « commissions d’interventions » avait provoqué une hausse moyenne de ces tarifs : toutes les banques se sont alignés sur le plafond légal, y compris celles qui pratiquaient la gratuité jusque-là, comme les Crédits mutuels Maine-Anjou, du Sud-Est et Centre-Est Europe, ou encore la banque en ligne Monabanq. Il en va de même pour la loi Conso : les brebis galeuses ne sont pas rentrées dans le rang, elles sont simplement plus méfiantes, et trouvent encore des moyens de contourner la loi, et d’optimiser légalement leurs profits au détriment du consommateur. Pour le pouvoir d’achat, le consommateur repassera. Mais en termes de conflits, la tendance est à la paix des braves.

…Dans un contexte d’apaisement des relations consommateurs-entreprises

Il serait injuste de considérer que les relations entre consommateurs et entreprises ne sont que conflits et procès, et des progrès sont tout de même sensibles depuis plusieurs années. « Nous avons reçu 92 000 réclamations en 2010, contre 110 000 en 2009. Les relations entre les entreprises et les consommateurs ont donc plutôt tendance à s'améliorer, du moins dans la perception des clients », notait ainsi en 2011 Stanislas Martin, alors chef de service de la protection des consommateurs et de la régulation des marchés à la DGCCRF.

Mais la relation de confiance reste fragile. Deux ans plus tard, Stanislas Martin indiquait par exemple au Figaro qu’« Environ 3 900 sociétés de l'alimentaire présentant un niveau de risque significatif font l'objet d'une visite régulière. Sur la seule filière viande, 650 entreprises sont surveillées systématiquement ». Sur fond de tromperies commerciales, le secteur alimentaire aller passer par le séisme de l’affaire Spanghero, affaire qui avait justement mis en valeur des contrôles insuffisants de la part de la DGCCRF. De ce côté, la loi Conso entend bien rectifier le tir. La confiance n’excluant pas le contrôle, autant en revenir à la légitime peur du gendarme.

Renforcement des contrôles

Décortiquée par Samuel Vasquez, pour le site Jechange.org, la loi Conso ambitionne de « moderniser les moyens d'action, de contrôle et d'enquête mis à la disposition de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et la Répression des Fraudes (DGCCRF). Les habilitations des agents de la Répression des fraudes en matière de contrôle et d'enquête sont renforcées. […] Enfin, de nouvelles sanctions administratives voient le jour en renforcement de l'arsenal répressif dont dispose déjà la Répression des fraudes. » Dans leur communiqué conjoint, publié lors de la parution des décrets d’application de la Loi Conso, Emmanuel Macron, alors Ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique et Carole Delga, Secrétaire d'Etat chargée du Commerce, de l'Artisanat, de la Consommation et de l'Economie sociale et solidaire, n’hésitaient pas à parler de « nouveaux moyens pour garantir l’ordre public économique, afin d’assurer la protection et la sécurité des consommateurs et de garantir la loyauté dans les relations commerciales ». Un langage quasi-martial que l’on imagine plus volontiers dans le bouche d’un Ministre de l’Intérieur ou de la Défense, mais l’idée est bien là : la DGCCRF sera désormais le bras séculier de la Loi Conso.

Pour le reste, il n’est pas sûr que le consommateur constate une véritable différence sur ce qui lui importe bien en priorité : son pouvoir d’achat. Certes, nous avons gagné des marges de manœuvres en résiliation de contrats et en délais de rétractation ou de garantie. Le rapport de force nous est un peu moins défavorable et les entreprises se sentent certainement plus surveillées. Peut-être est-il simplement trop tôt pour mesurer l’impact réel de la Loi Conso. Mais en attendant que cette ambition de la Loi pour le pouvoir d’achat se concrétise, le consommateur ordinaire aura du mal à considérer qu’il a véritablement gagné au change.