Elise Feuillepain (m2ocity) "Le réseau IoT de m2ocity couvre plus de 3 000 villes et 30% de la population"

L'opérateur, créé en 2011 par Veolia, développe son activité avec des entreprises tierces et travaille sur des projets pilotes avec Sigfox et Objenious, comme l'explique sa PDG Elise Feuillepain.

JDN. Vous déployez votre réseau IoT en France, comme le font Sigfox et Objenious. Etes-vous en concurrence frontale avec ces acteurs ?

Elise Feuillepain, PDG de m2ocity © Franck Joyeux

Elise Feuillepain. Non. M2ocity ne cherche pas à tout prix à tisser un réseau à l'échelle nationale. Nous installons des antennes dans les zones où nos clients ont besoin de faire transiter les données de leurs objets connectés. Ces plaques de connectivité locales finiront peut-être un jour par se rencontrer et par créer une couverture sur la France entière, mais ce n'est pas l'objectif que nous poursuivons.

Aujourd'hui, dans combien de communes vos réseaux IoT sont-ils déployés ?

Cette question veut tout et rien dire… Vous pouvez installer deux passerelles à Lyon et affirmer que vous couvrez la ville, sans finalement répondre à tous les besoins de vos potentiels clients sur ce territoire. La philosophie de m2ocity est différente : l'entreprise met en place une infrastructure qui correspond aux desiderata de sa clientèle. Ce ne sont pas les objets connectés qui s'adaptent au réseau comme chez les opérateurs classiques mais l'inverse.

Il se trouve que notre principal client est Veolia. Nous collectons et traitons les données émises par ses compteurs d'eau communicants. Ces appareils sont souvent installés dans les caves, au troisième sous-sol. L'infrastructure que nous déployons doit être suffisamment puissante pour récupérer les informations que les capteurs envoient en "indoor". C'est ce qu'il y a de plus difficile à poser dans le monde de l'Internet des objets. Nous couvrons avec ce type de réseaux plus de 3 000 communes et 30% de la population française.

Vous avez été fondé en 2011 par Veolia. Pourquoi le groupe a-t-il commencé à s'intéresser à l'IoT si tôt ?

"M2ocity traite les données émises par 2 millions d'objets connectés en France"

La société a été créée par la branche eau de Veolia et par Orange, qui détenaient au départ respectivement 80 et 20% de notre capital. Veolia est depuis juin 2016 notre unique actionnaire. Le groupe, qui est aussi notre principal client, a commencé à poser des compteurs d'eau intelligents en France en 2004. Pour collecter les données émises par ces appareils, la société installait au départ des réseaux IoT elle-même, bien que cela ne soit pas son cœur de métier. En 2011, elle a décidé d'industrialiser le process et m2ocity a vu le jour.

Avoir pour principal client un industriel de cette taille vous a-t-il permis de grandir plus vite ?

Absolument. Nous traitons aujourd'hui les données de plus de 2 millions d'objets connectés en France. Plus de 74 millions de trames radio (de paquets de data, NDLR) transitent chaque jour sur nos réseaux.

M2ocity est-elle une entreprise autonome ou êtes-vous coincés dans le giron de Veolia ?

C'est vrai que le groupe est central dans notre construction mais nous sommes indépendants. Nous ne fonctionnons pas du tout comme l'une de ses "business unit". Nous travaillons dans nos propres locaux, je suis mandataire social de la société et je fournis à Veolia des rapports sur notre activité dans le cadre d'un conseil d'administration, comme n'importe quelle entreprise qui a des actionnaires.

"Les contrats avec des sociétés autres que Veolia représentaient 20% de notre chiffre d'affaires en 2015"

Nous proposons nos services à des tiers quasiment depuis le lancement de m2ocity. Depuis trois ans, nous traitons les données émises par des capteurs posés sur plus de 1 000 points de collectes de déchets, qui permettent aux entreprises de ramassage de ne passer que lorsque les bennes à ordures sont pleines. De nombreux professionnels, comme par exemple Monoprix, veulent améliorer l'efficacité énergétique de leur parc immobilier. 65 000 bâtiments sont reliés à nos réseaux en France. Les contrats avec ces sociétés tierces représentaient 20% de notre chiffre d'affaires en 2015 et le  pourcentage est en croissance.

Travaillez-vous de la même manière avec Veolia et vos autres clients ?

Non. Nos contrats avec Veolia portent sur un nombre important d'objets connectés et courent sur de longues périodes, entre huit et douze ans en général. Ceux que nous signons avec les autres professionnels ne concernent souvent que quelques milliers d'appareils et ne durent que trois ou quatre ans.

Vous avez intégré en décembre 2015 l'alliance LoRa. Allez-vous désormais déployer des réseaux IoT basés sur cette technologie ?

Oui, mais pas seulement. Nous sommes agnostiques en termes de techno. Nous déployons le réseau qui répondra le mieux aux besoins de nos clients sur un territoire donné. Nous adaptons notre infrastructure à la topographie du territoire, à la quantité de données que nous devons faire transiter…

Nous avons déployé des infrastructures basées sur la technologie Home Rider, assez proche de LoRa. Elle avait le mérite d'exister au moment de notre lancement en 2011. Lorsque les objets connectés dont nous devons transférer les données communiquent via une technologie propriétaire, nous déployons des réseaux fermés, même si cela reste rare. Nous devons donc êtes très renseignés sur les dernières avancées de chaque modèle. C'est pour cela que nous avons intégré l'alliance LoRa.

Vous arrive-t-il de faire transiter les données de vos clients via des réseaux qui ne vous appartiennent pas ?

Oui, si une infrastructure est déjà en place, qu'elle correspond aux besoins de notre client et que c'est rentable pour nous, nous pouvons opter pour une solution de ce type.

Les opérateurs IoT pourraient-ils devenir pour vous des partenaires au lieu d'être des concurrents ?

Nous entretenons avec eux des rapports de "coopetition". Ils restent des compétiteurs mais nous pourrions êtes amenés à tisser des partenariats. Nous n'avons pas encore effectué de déploiement massif mais nous travaillons en ce moment avec Objenious et Sigfox sur des projets pilotes confidentiels.