Les start-up françaises s'éveillent au marché du sommeil connecté

Les start-up françaises s'éveillent au marché du sommeil connecté Une personne sur trois en France dort mal. Autant de clients potentiels pour les appareils intelligents qui visent à adoucir les nuits de leurs utilisateurs.

Un tiers des Français déclarent souffrir de problèmes de sommeil au moins trois fois par semaine, selon l'Institut français de veille sanitaire. Pour lutter contre cette épidémie qui sévit dans les mêmes proportions dans d'autres pays occidentaux comme les USA, plus besoin de passer par des solutions chimiques. Plusieurs objets connectés lancés récemment, et ne rentrant pas dans la catégorie des appareils médicaux, promettent de mesurer le rythme du sommeil pour mieux le réguler, voire d'agir directement sur sa qualité et sa durée.

Signe que ce nouveau secteur est prometteur, Apple a croqué en mai dernier la start-up finlandaise Beddit, spécialiste des trackers de sommeil. "Apple ne s'intéresse qu'à des produits mass market. Ce rachat est le signal qui montre que le grand public se soucie de la qualité de ses nuits", se félicite Guillaume Rolland, PDG de Sensorwake. Cette jeune pousse française a développé Oria, un objet connecté diffusant des parfums pour que les nuits de ses utilisateurs soient plus douces.

"Depuis 2013, toutes les smartwatch Withings ont une fonction de suivi du sommeil, consultée au moins une fois par semaine par plus de la moitié de nos clients"

Loin d'être monolithique, le marché du sommeil connecté est fractionné en trois catégories de produits qui ne visent pas la même cible. Les premiers sont des montres ou des bracelets intelligents classiques, dotés d'un accéléromètre. Ils calculent le moment d'endormissement et de réveil ainsi que les phases de sommeil léger et profond de leur utilisateur en fonction de ses mouvements. "Depuis 2013, toutes nos smartwatch ont une fonction de suivi du sommeil, consultée au moins une fois par semaine par plus de la moitié de nos clients. 20 à 30% de nos utilisateurs sont même plus réguliers. Nous ne fournissons jamais de chiffres précis sur notre activité, mais cela touche des millions de personnes", indique Alexis Normand, directeur du développement santé chez Withings, spécialiste tricolore de l'IoT racheté par Nokia en 2016. Ces clients sont intéressés par la pluralité des applications offertes par leur objet connecté.

Withings, devenu la branche santé du groupe finlandais, écoule aussi ses produits auprès d'un nombre croissant d'entreprises. Elles commencent à comprendre que donner à leurs salariés les moyens de mieux dormir est synonyme d'amélioration de leur productivité. "Si l'on inclut les hôpitaux dans le calcul, les professionnels représentent plus de la moitié des ventes de certains bracelets bas de gamme. Ce marché ne dépasse pas les 10% de notre chiffre d'affaires sur les montres connectées, mais la croissance de cette activité BtoBtoC est forte", explique Alexis Normand.

La seconde catégorie de produits qui composent ce nouveau secteur sont les trackers spécialisés dans l'analyse du sommeil. Coûtant en général moins de 100 euros, ils effectuent souvent leurs mesures grâce à un accéléromètre, comme les montres et les bracelets généralistes. Certains sont dotés d'une gamme plus étoffée de capteurs. Avec le rachat de Beddit, Apple devrait jouer dans cette cour.

Sen.se espère vendre plusieurs centaines de milliers de ses Sleep Peanut. © Sen.se

La société française Sen.se pousse le concept du tracker "low-cost" spécialisé jusqu'au bout, en commercialisant depuis mai 2017 pour moins de 30 euros le Sleep Peanut. Ce petit boitier aplati se pose à hauteur de l'épaule, entre le drap et le matelas. Il mesure la température et les mouvements du dormeur pour comprendre quels sont ses cycles de sommeil et le réveiller au moment le plus opportun, en envoyant un signal à son téléphone via une application dédiée. "Une fois qu'on a posé le Sleep Peanut sur son lit, on peut l'oublier. Son utilisation est très facile. Nous ciblons n'importe quel propriétaire de smartphone pas forcément très doué avec la technologie. Nous espérons en écouler plusieurs centaines de milliers", résume le PDG de Sen.se Rafi Haladjian. "Cet appareil de mesure ne prétend en aucun cas être un produit médical capable de traiter les troubles du sommeil", insiste-t-il.

Les entreprises qui fabriquent la troisième catégorie d'objets connectés nocturnes promettent elles à leurs clients d'agir directement sur leurs nuits. Sensorwake lancera Oria en décembre 2017 en France et aux Etats-Unis. Ce diffuseur de parfum de 16 centimètres de haut se pose sur la table de nuit. Il contient deux capsules odorantes qui faciliteraient l'endormissement et amélioreraient la qualité du sommeil du dormeur, selon la start-up.

La jeune pousse tricolore Rythm, qui a levé 10 millions d'euros en mars 2016, proposera quant à elle cet été en précommande le bandeau connecté Dreem. Cet appareil envoie des sons directement dans la boite crânienne de son utilisateur (pour ne pas gêner son voisin de chambrée) lorsqu'il est en phase de sommeil profond. Grâce à cette technique de stimulation cérébrale, les ondes lentes diffusées par le cerveau à ce moment de la nuit, qui sont essentielles pour la régénération des muscles, sont émises plus souvent et pendant plus longtemps. "Nous avons analysé plus de 30 000 nuits avec Dreem, qui a été testé pendant plus de 6 mois par 500 personnes. La qualité et la durée du sommeil augmentent en moyenne de 30%", détaille le PDG Hugo Mercier, qui a travaillé sur Dreem avec une quinzaine de laboratoires.

200 versions de Dreem ont été dessinées pour que le casque soit le plus confortable possible. © Rythm

Mais pour bénéficier de ces bienfaits, le client doit accepter de dormir avec un bandeau qui lui enserre la tête. "Nous avons dessiné plus de 200 versions de notre appareil pour que le produit fini soit confortable. Les bêta-testeurs s'y sont habitués en deux ou trois nuits maximum. Souffrir de troubles du sommeil est une réelle épreuve. Nos études de marché montrent que nos prospects sont prêts à assumer cette légère contrainte", argumente le dirigeant de la start-up.

Pour toutes les entreprises qui adressent ce nouveau secteur l'enjeu clef est la personnalisation, car il existe autant de façons de dormir que de clients potentiels. Pour qu'un appareil devienne un best-seller, il doit s'adapter parfaitement à chaque utilisateur. Cette problématique a été prise en compte depuis le départ par Sen.se. Chacun de ses Sleep Peanut envoie ses données à un système algorithmique autoapprenant, basé sur le machine learning. Il assimile les habitudes du dormeur pour devenir plus performant. La start-up Sensorwake ne proposera quant à elle qu'une gamme de deux ou trois capsules odorantes pour son Oria au moment du lancement. "Mais nous travaillons déjà sur des odeurs adaptées à des catégories plus fines de clientèle comme les seniors ou les enfants", souligne le dirigeant.