Comment Free Mobile a rendu les internautes hystériques

Comment Free Mobile a rendu les internautes hystériques On les appelle les "Free Fanboys" : ces internautes multiplient les interventions sur les forums de discussion pour "défendre" Free Mobile et son fondateur Xavier Niel. Pour le meilleur et pour le pire.

"Il est aujourd'hui interdit de ne pas glorifier Free". Voici la réaction d'un journaliste de Rue89 qui a eu le malheur d'écrire un article faisant état de quelques ratés lors du lancement de Free Mobile. Le JDN lui-même s'est tenté avec curiosité à publier un article reprenant les principaux problèmes de l'opérateur. Résultat : plus d'une centaine de commentaires dont certains injurieux, diffamatoires et agressifs pour "défendre" Free Mobile. Leur origine ? Ceux que l'on appelle aujourd'hui les "Free Fanboys". Des "ultras" en somme. Ils vont de forum en forum, d'article en article pour rétablir la "vérité" sur Free à savoir que les opérateurs mobiles sont des escrocs, que Free Mobile est une libération et qu'en conséquence, les quelques ratés entourant le lancement sont des détails. Explication en trois actes du "free-fanatisme".

Acte 1 : Le grand chef "chauffe" la foule

Pendant sa conférence de presse, Xavier Niel n'a pas hésité à parler de "gruge", "arnaque", "pigeon" pour parler de ses concurrents. Une rhétorique agressive que le Nouvel Obs a résumé en une minute trente de diatribes dans la vidéo ci-dessous. Jamais Xavier Niel n'avait osé se montrer aussi belliqueux. Le résultat n'a pas tardé : les employés des autres opérateurs (qui n'y sont pour rien dans la politique tarifaire de leur employeur) ont été insultés, pour certains menacés de mort par téléphone. Stéphane Richard indiquait dans le JDD du dimanche 22 janvier : "personne ne sort gagnant de ce show indigne qui a noyé les Français dans une désinformation que je regrette. Cela a provoqué dans nos boutiques une vague de comportements agressifs et d'incivilité".


 

Acte 2 : Les théories du complot s'échafaudent

Après la grand-messe du chef, ce sont ses supplétifs qui lancent les premiers des théories du complot aussi farfelues qu'irréelles. Premier élément : si des médias se font l'écho de problèmes sur Free Mobile, c'est – forcément – qu'ils ont été payés par les autres opérateurs pour le faire. Ainsi, quand nos confrères de 01net publient le jour du lancement de Free Mobile un article sur "Ce qui pourrait ne pas marcher", Jérémie Berrebi publie sur son Twitter une capture d'écran montrant une publicité SFR autour de l'article soit disant défavorable à Free. Bien sûr, on ne précise pas que cette pub SFR est loin d'être étonnante : le secteur des télécoms représente près de 10% des dépenses publicitaires sur Internet et il est surreprésenté sur les sites à dominante "high-tech" comme 01net. Et 01net ne risque pas d'afficher de pubs pour Free car ce dernier ne communique que très peu sur Internet alors qu'il se vante "d'être issu d'Internet".

L'opérateur préfère la TV, la radio ou l'affichage. Mais pas l'Internet. On le comprend car il y bénéficie d'une publicité gratuite quasi infinie. Pourquoi payer les blogs qui parlent déjà de lui ? On ne précise pas non plus que la diffusion de pub sur Internet est devenue si moderne que les journalistes ne connaissent pas les campagnes qui vont être diffusées.

Puisque la première théorie du complot a parfaitement fonctionné, on se déchaîne. 01net encore publie un article sur la compatibilité de tel ou tel smartphone avec Free Mobile. Et voila qu'on s'en prend au PDG du groupe NextRadioTV, Alain Weill, qui est accusé de sympathies Sarkozystes et – donc – défavorable à Free Mobile. On oublie évidemment de préciser que le même Alain Weill est administrateur... d'Iliad. Mais 01net n'est pas le seul : Challenges, le Nouvel Obs, Rue89,... sont inondés de messages injurieux.

Enfin, et puisque tout est bon, l'ensemble des médias qui relèvent les problèmes de Free Mobile (à l'heure où nous écrivons ces lignes 5% des personnes ayant demandé la portabilité n'auraient plus de téléphone) sont accusés de faire le jeu des opérateurs. Même l'association de consommateurs UFC-Que Choisir, pourtant peu soupçonnable, est traitée de tous les noms sur les forums. Le déchaînement de haine ne s'arrête plus.

Acte 3 : La foule attaque

Une fois la belle mécanique lancée, c'est le torrent de boue. Les forums, les commentaires sont assaillis d'allusions. Les médias sont – forcément – tous pourris et vendus aux opérateurs. Les concurrents de Free sont – évidemment – des escrocs qui ont violé, tué, enlevé. Tant que Xavier Niel n'arrêtera pas le torrent d'insultes qu'il a lui-même lancé, les "Free fanboys" continueront de le suivre. Qui y gagne ? Sans doute personne. Car n'est pas Steve Jobs qui veut : il est possible de présenter un produit "révolutionnaire" sans insulter ses concurrents.