Marketing viral : vers une interdiction de "l'envoi à un ami" en Belgique ?

Un tribunal belge a condamné un site de rencontres pour une opération de collectes d'adresses et d'envois d'e-mails. Un internaute n'a pas le droit de donner les adresses de ses amis. En France, la LCEN l'interdit également...

L'e-mail marketing est-il menacé en Belgique ? Une décision du 30 juin 2008 condamne en tout cas des pratiques de "parrainage" pourtant largement répandues, et pas seulement dans ce pays. A l'origine de cette affaire, la plainte déposée par l'éditeur du site de rencontres Toitetmoi.be contre son concurrent Nicepeople.be. Il lui reproche d'avoir gonflé sa base d'utilisateurs grâce à des techniques de collecte d'adresses qui relèvent du spamming. Le tribunal de commerce de Huy lui a donné en grande partie raison, condamnant l'éditeur de Nicepeople.be à cesser ces techniques sous peine d'astreinte de 10 000 euros par nouvelle infraction.

Deux pratiques particulières sont jugées illégales. La première, pour le moins intrusive, consiste à proposer au nouveau membre, lors de son inscription au site, de lui communiquer son adresse e-mail, avec son mot de passe afin de permettre au site d'accéder directement à son carnet d'adresses. La seconde relève d'une opération de parrainage. Le membre est invité à entrer directement les adresses e-mail de ses amis. Il obtient en échange une meilleure cote de popularité et davantage de possibilités de rencontres.

Un message de Nicepeople.be vers les adresses ainsi récoltées est alors envoyé. Il précise qu'il est envoyé "à la demande de" et propose à l'internaute de s'inscrire à son tour. Ces envois ne constituent pas du spamming, explique le tribunal, mais bien du "marketing viral". Ce qui ne l'empêche pas de les juger illégaux. "La collecte des adresses [...] par des techniques litigieuses, et l'envoi d'un message publicitaire non sollicité à des amis ou connaissances violent les droits et libertés fondamentaux des destinataires concernés : ces destinataires peuvent s'être retrouvés, à leur insu, dans le carnet d'adresses d'un membre de Nice People".

Le tribunal condamne ainsi l'envoi d'e-mails non sollicités, mais aussi l'absence d'information sur l'utilisation de ces adresses. Les opérations marketing de parrainage - des e-mails non sollicités par leurs destinataires - semblent donc interdites en Belgique. Ce serait également le cas en Espagne. En France, la LCEN (loi sur la confiance dans l'économie numérique) de juin 2004 a instauré le principe du consentement obligatoire ("l'opt-in") pour recevoir un message commercial. En théorie donc, l'envoi à un ami serait interdit. " Beaucoup de choses sont - border line - dans la loi", reconnaît Fabienne Granovsky, chargée de la déontologie au SNCD (Syndicat national de la communication directe). "Selon la loi, c'est à celui qui collecte l'adresse d'écrire l'e-mail", assure-t-elle. Dans la pratique, les opérations de parrainage ou "d'envoi à un amis" sont pourtant largement répandues.

L'interdiction de l'e-mailing sans accord du destinataire est strictement défendue par le tribunal belge. La société finalement condamnée se défendait en expliquant qu'il fallait envoyer un premier e-mail (dit de "qualification" par les professionnels du secteur) pour proposer l'opt-in. Un argument rejeté par le tribunal. Pourtant, un ministre belge avait déclaré fin 2004 que la loi belge en question, votée en 2003, n'interdisait pas l'utilisation d'adresses pour demander le consentement de recevoir des e-mail marketing. En Belgique comme en France, les professionnels de l'e-marketing doivent faire face au même flou juridique.