Laurent Tapie (ISPT) "Si je reprends Full Tilt Poker, c'est pour y être majoritaire"

Connaisseur du milieu des jeux en ligne, le fils de l'homme d'affaires Bernard Tapie cherche à racheter Full Tilt Poker, actuellement en difficulté. Il en dit plus sur ses projets.

JDN. Vous étudiez actuellement l'opportunité de reprendre le site de poker Full Tilt Poker (FTP), fermé à la suite d'une affaire d'escroquerie. Pourquoi ce site vous intéresse-t-il ?

Laurent Tapie. D'abord parce que c'est la seule entreprise du secteur dans cette situation-là. Il n'y a aucun opérateur qui soit à la fois aussi gros et aussi proche du dépôt de bilan. L'hypothèse qui sous-tend notre démarche est que si Full Tilt redémarre, il pourra redevenir un des leaders mondiaux du poker en ligne. Mais il n'y a pour l'instant aucune certitude quant au fait que nous arrivions à reprendre Full Tilt.

Quels sont les atouts de ce site ?

FTP a des particularités fortes. En premier lieu, sa base de données de clients, qui est la deuxième plus grosse au monde avec 14 millions de clients, dont un peu plus de 4 millions actifs au cours des trois mois précédant sa fermeture. Or c'est parce que vous avez une masse de joueurs actifs que vous avez en permanence une activité forte, avec des tables pleines aussi bien en petites mises qu'en grosses. Ensuite, le logiciel de FTP est considéré sur le marché comme le meilleur logiciel du monde. FTP a toujours énormément investi dans le développement de son software. Ce n'est pas négligeable car c'est ce qui poussera les habitués de FTP à revenir dès son ouverture. Enfin, la marque reste forte.

Quels facteurs pourraient empêcher cette opération ?

Pour l'instant, mon plus grand souci est que la justice américaine ne poursuive pas le site, car les poursuites en cours ne visent que les dirigeants. Nous voulons être sûrs que la justice américaine ne décidera pas dans six mois d'ouvrir une procédure à l'encontre de la société. C'est notamment pour cette raison que nous ne discutons avec personne d'autre qu'avec la justice américaine et la direction de Full Tilt Poker.

La licence d'opérateur de jeu de FTP a été révoquée. Cela ne vous effraie-t-il pas ?

Ce n'est pas un gros problème à mes yeux. Si on part de l'hypothèse que nous reprenons la société, que nous la recapitalisons et qu'un accord est bouclé avec la justice américaine, il ne nous restera plus qu'à réunir les conditions nécessaires à l'obtention d'une nouvelle licence. Il n'y a aucune raison pour que nous ne l'obtenions pas à nouveau dès que l'actionnariat et le management auront été totalement changés.

Quel serait votre rôle dans cette reprise ?

A titre personnel, je veux prendre une participation majoritaire dans cette société si je la reprends. Après, de quelle manière je me finance, c'est un autre sujet. Je pourrais le faire auprès de Groupe Bernard Tapie (la société de Bernard Tapie, son père, ndlr), auprès de fonds d'investissements, etc. Ce ne sont pas des pistes que je pousse aujourd'hui parce qu'il est encore trop tôt. Mais plusieurs personnes ont déjà manifesté leur intérêt sur ce projet.

Combien de partenaires participeraient à vos côtés ?

Ce point n'est pas encore déterminé. Cela va dépendre du montant final à sortir. Le problème qui se pose actuellement est d'avoir les contours du deal final. Une fois que nous les aurons, nous pourrons décider de le financer soit seuls, soit avec d'autres. Dès lors que nous aurons la conviction qu'il faut y aller, je pense que nous n'aurons aucune difficulté à trouver des gens qui voudront y aller avec nous.

Une valorisation de 300 millions de dollars circule concernant Full Tilt Poker...

Je ne commente pas ce chiffre.

Quel rôle vient jouer Full Tilt Poker dans votre projet d'organisation de tournois de poker via la société International Stadiums Poker Tour (ISPT), filiale du Groupe Bernard Tapie ?

Aucun pour l'instant. Le projet ISPT a été conçu en 2010, bien avant les débuts de la polémique autour de Full Tilt poker. Aujourd'hui, je poursuis mes négociations avec Full Tilt indépendamment d'ISPT. Mais si nous aboutissons dans nos discussions avec Full Tilt, je ferai en sorte qu'ISPT prenne une participation. Mon père  a déjà annoncé qu'ISPT prendrait une fourchette de 5 à 10 % du capital de FTP. Nous pensons qu'à terme, des synergies pourront être développées entre Full Tilt Poker et ISPT. Full Tilt pourra notamment devenir un pourvoyeur de joueurs considérable pour ISPT.

En quoi consistera ISPT ?

J'ai créé ISPT avec Prosper Masquelier, qui a été co-directeur général de Partouche Interactive avec moi en 2008-2009 pour monter le plus grand événement poker de tous les temps, dans un stade différent tous les ans. Nous commencerons avec le stade de Wembley à Londres en septembre 2012. Dans une première phase, tous les joueurs seront installés dans les tribunes ou ils participeront par Internet via un logiciel dédié jusqu'à ce qu'il ne reste plus que 10% d'entre eux. Dans une deuxième phase, les 10 % de joueurs restants descendront sur la pelouse du stade où des tables de poker les attendront pour jouer en jeu réel.

Disposez-vous déjà de licences ?

Nous allons demander une licence pour la partie online dans les prochaines semaines. Nous avons le temps, car obtenir une licence au Royaume-Uni ne prend pas plus de six mois. Pour l'instant ce n'est pas notre priorité, d'autant qu'il n'y a aucun suspens quant au fait que nous en obtiendrons une. Pour la licence physique, nous sommes en train de passer un partenariat avec un opérateur disposant de licences physiques en Angleterre. Nous discutons avec plusieurs acteurs du secteur, mais nous sommes déjà en négociations très avancées avec l'un d'entre eux.

Pourriez-vous demander une licence en France auprès de l'Arjel ?

Sûrement pas. Il n'y a que quand on veut opérer en France que l'on en a besoin. Quand la France ne veut pas ouvrir un marché et qu'elle le fait en y étant contrainte, ça donne forcément une ouverture bidon, avec des conditions tellement difficiles que tous les opérateurs qui ont obtenu des licences en France y perdent de l'argent.

Vous n'organiserez donc rien au Stade de France ?

L'avenir nous le dira.

Laurent Tapie, 36 ans est le co-fondateur et président d'International Stadiums Poker Tour. Diplômé de l'ESCP-EAP et titulaire d'une maitrise d'économie, il débute sa carrière chez McKinsey & Cie, avant de créer Free-goal.com, un site d'information et de jeux sur le football, En 2005, il créé à Malte le site de paris sportifs Livebetting.com, qu'il revend en février 2008 au Groupe Partouche. Il devient directeur général de Partouche Interactive, la filiale en charge des développements numériques du casinotier. En avril 2009, il quitte le Groupe Partouche pour créer avec son père la société BLT Développement, qui édite notamment Bernardtapie.com.