Morald Chibout (EDF) "Nous sommes dans une logique de relation client, pas de profilage des membres"

Plate-forme communautaire, agence en ligne, e-commerce, mobile... Le directeur marketing d'EDF fait le point sur la stratégie digitale du groupe.

JDN. Vous avez lancé fin 2009 une plate-forme communautaire baptisée Ma maison Bleu Ciel. En quoi consiste ce site ? 

Morald Chibout. Il s'agit d'un univers virtuel autour du développement durable et de l'habitat. Le principe est simple : chaque membre est invité à créer sa maison virtuelle, qu'il peut meubler à sa guise. En fonction des équipements électriques qu'il y installe, il peut constater l'impact de sa consommation, sur leurs émissions de Co2 et sur leur confort. Cette plate-forme a été développée en interne par les départements recherche et développement et marketing d'EDF. Depuis le lancement de ce service fin 2008 sous forme d'expérimentation, près de 16 000 maisons virtuelles ont été créées par les internautes. 

Quels sont les objectifs de cette plate-forme ? 

Le premier objectif consiste à sensibiliser aux problématiques de l'énergie, de manière pédagogique et ludique. Il ne s'agit pas de demander aux membres de reproduire leur maison à l'identique, mais de les sensibiliser aux questions pratiques de la maîtrise de l'énergie. Le deuxième but est de constituer un immense laboratoire en donnant la parole à nos clients. Ce laboratoire doit nous permettre d'identifier et trouver des solutions pour répondre aux problématiques auxquelles sont confrontées nos clients, mais aussi leurs demandes ou leurs idées pour mieux maîtriser leur énergie. Cette plate-forme nous permet enfin évidemment de nourrir la marque EDF à travers ses valeurs d'écologie et de confort.  

"Nous pourrions avoir doublé le nombre de membres à la fin de l'année"

Avez-vous fixé des objectifs en termes de recrutement de nouveaux membres pour ce service ? 

Non, grossir pour grossir n'est pas un objectif en soi, surtout si nous sommes submergés de demandes auxquelles nous ne pouvons pas répondre. Mais vu la vitesse de recrutement, nous pourrions avoir doublé le nombre de membres à la fin de l'année. Nous verrons au fur et à mesure comment faire grandir ce service. 

Pourquoi n'avoir pas choisi d'intégrer la consommation réelle de vos clients dans cette plate-forme ? 

La question ne se pose pas comme cela aujourd'hui. Pour l'instant, nos clients ne se demandent pas comment réduire leur facture, mais quels gestes simples ils peuvent adopter au quotidien pour maîtriser leur énergie. Le rapprochement avec leur propre facture n'émerge pas encore. Par ailleurs, nous sommes dans une logique de relation client, pas de profilage des membres. Cela ne veut pas dire que nous ne le ferons pas un jour. Nous avançons par phases. 

Comment s'intègre cette initiative communautaire dans la stratégie Web d'EDF ?  

Elle constitue la troisième phase d'une stratégie que nous avons mise en œuvre il y a quatre ans. La première consistait à donner de l'information à nos clients au travers de notre site Web, Edf.fr. Nous avons structuré notre site de manière simple, en fournissant à la fois des informations autour de nos contrats, de nos tarifs, mais également sur la vie quotidienne de nos clients, via un espace dédié aux conseils sur la maîtrise de l'énergie et la rénovation de l'habitat. Grâce à cette première phase nous avons réussi à faire croître l'audience de notre portail. 

"Edf.fr accueille 2,5 millions de visiteurs uniques par mois"

C'est-à-dire ? 

Il y a quatre ans nous avions 300 000 visiteurs uniques mensuels sur Edf.fr qui restaient en moyenne moins d'une minute sur notre site. Aujourd'hui, nous en avons plus de 2,5 millions et nous avons multiplié par quatre la durée moyenne de connexion au site. Chaque visiteur regarde environ quatre pages. Cela signifie que le degré d'attraction de notre portail est important. Garder un client plus de quatre minutes sur la thématique de l'énergie n'était pourtant pas un défi gagné d'avance. Nous avons réussi ce pari car nous avons su faire entrer la maîtrise de l'énergie dans les préoccupations quotidiennes de notre clientèle. 

En quoi consiste la deuxième phase de votre stratégie Web ? 

La deuxième phase a consisté il y a deux ans à mettre en place une agence en ligne, qui propose à chaque client un espace personnel. Cette e-agence relève d'une logique transactionnelle : elle permet à nos clients, quel que soit le jour ou l'heure, d'effectuer directement leurs démarches en ligne. Dans une logique de dématérialisation de la relation client, nous avons également lancé il y a un peu plus d'un an, un service de facture électronique.  

Combien comptez-vous de clients pour cette agence en ligne ? 

En moins de deux ans, plus de quatre millions de clients ont créé leur espace personnel. Il faut comparer ce chiffre à nos 28 millions de clients particuliers ainsi qu'aux 17 millions de foyers connectés à Internet en France, puisque nous avons la quasi-totalité de la clientèle particuliers en France. Cela veut tout de même dire qu'environ un quart des foyers internautes en France dispose de son espace personnel dans notre e-agence. Par ailleurs, plus d'un million de nos clients ont aujourd'hui opté pour la facture électronique. Nous sommes d'autant plus satisfaits de ce chiffre qu'il est important pour un acteur comme EDF, qui sensibilise ses clients aux problématiques environnementales. 

"Nous traitons tous les ans 25 millions de contacts par Internet"

Qu'a apporté Internet à votre relation client ? 

Internet nous a permis de répondre à une demande croissante d'information que nous ne pouvions pas forcément satisfaire auparavant, notamment autour de la maîtrise de l'énergie. Concrètement le nombre de contacts avec nos clients a mécaniquement augmenté. Nous traitons tous les ans 30 millions de contacts par téléphone et 25 millions par Internet. En 2009, plus d'un million de questions ont par exemple été posées à notre conseillère virtuelle, Laura. Notre e-agence nous a permis de réserver nos services téléphoniques à des entretiens à vraie valeur ajoutée, c'est-à-dire portant sur des conseils tarifaires ou autour de l'accompagnement de la maîtrise d'énergie. 

EDF dispose aussi d'un site e-commerce...  

Oui, nous avons ouvert une boutique en ligne il y a deux ans et demi, pour répondre à une demande de notre clientèle. Nous proposons 200 références de produits permettant de réaliser des économies d'énergie, allant des lampes basse consommation aux coupe-veille audio-vidéo ou aux économiseurs d'eau pour la douche. Le chiffre d'affaires de cette boutique reste cependant marginal par rapport à celui du groupe sur le marché grand public (17 milliards d'euros, ndlr). Elle est cependant rentable. Sa vocation première n'est d'ailleurs pas de générer un chiffre d'affaires important mais d'être présente sur ce secteur pour accompagner nos clients dans leur prise de conscience énergétique. 

Quid du mobile ? 

"Environ un sixième de nos investissements média va sur Internet"

Nous sommes l'une des seules grandes entreprises française à proposer depuis plusieurs années le paiement des factures par SMS. Nous sommes également présents depuis plusieurs années sur le mobile, avec un site Wap, qui compte encore plus de 60 000 connexions par an. Depuis, les terminaux mobiles ont cependant évolué. Nous allons donc faire évoluer nos services pour les adapter aux smartphones. Fin 2009, j'ai donné le feu vert pour débloquer un budget pour cela. Pour l'instant nous ne proposons pas d'application mobile, mais il s'agit d'un axe de réflexion que nous ne négligeons pas. Nous voulons être présents par ce biais si cela est nécessaire, si nous sentons un besoin de la part de nos clients, comme nous l'avons fait il y a quelques années pour le Web. 

Que représente Internet dans la stratégie de communication du groupe ? 

Environ un sixième de nos investissements média va sur Internet. Ce sont des investissements importants sur Internet, même si la télévision reste logiquement le premier support sur lequel nous misons. Nous faisons à la fois de la performance, du display au CPM et du search. Le search est aujourd'hui un investissement prioritaire, vu l'influence de Google sur le trafic en France. Nous sommes par exemple présents sur les mots-clés rénovation ou maîtrise de l'énergie.  

Vos investissements sur le Web ont-ils vocation à augmenter ?

Nous en sommes satisfaits pour le moment, même si la tendance générale chez les annonceurs est à la déportation des budgets publicitaires vers Internet. Nous nous adapterons cependant aux modes de consommation de notre clientèle.