Olivier Abecassis (eTF1) "Connecté à la TV, le mobile va nous permettre de prolonger l'expérience publicitaire"

TV connectée, consommation multi-écrans, publicité vidéo... Nombreux sont les apports du digital pour le géant de l'audiovisuel. Le directeur général d'e-TF1 revient sur les opportunités qu'il y décèle.

Quel regard portez-vous sur cette année 2011 pour e-TF1 ?

Olivier Abecassis. 2011 a été une année charnière pour nous avec le regroupement de l'offre numérique autour d'une bannière fédératrice, MYTF1, disponible sur tous les écrans. Sous l'effet conjugué du développement d'une offre substantielle de contenus et de l'émergence de nouveaux usages, avec la croissance du mobile ou la démocratisation de l'IPTV, le digital a réussi à s'installer comme un élément de rentabilité à part entière. Le chiffre d'affaires 2011, en hausse de 8,7%, à 85 millions d'euros et les recettes publicitaires, en progression de plus de 24% le montrent bien.

La hausse du CPM vidéo est comprise entre 30 et 40%

On a pu observer une forte croissance de la publicité instream avec des investissements publicitaires nets qui ont doublé sur ce segment, avec pour conséquence une hausse du CPM comprise entre 30 et 40% par rapport à 2010. A fin décembre, près d'1,4 milliard de vidéos avaient été vues sur l'ensemble des sites de TF1, Wat s'installant, en France, comme la deuxième plateforme vidéo en termes d'engagement et la troisième en termes de vidéos vues.

On a cru au début qu'Internet allait cannibaliser l'offre télévisuelle. On se rend compte, aujourd'hui, que ce n'est pas le cas. Pourquoi ?

Le digital nous donne l'opportunité d'apporter de la valeur ajoutée aux contenus télévisuels en construisant tout un univers autour d'eux, via des contenus ou des espaces de discussions. Si le consommateur s'est un temps contenté de l'offre de catch-up, ce n'est plus le cas. Il a besoin de plus que cette fenêtre de rattrapage de 7 jours.

Le digital permet d'offrir des contenus exclusifs pour promouvoir un programme

De cette nouvelle demande découle donc la possibilité de valoriser les programmes en travaillant les contenus annexes, en apportant des bonus ou en présentant les coulisses d'une émission... Ce n'est au fond que la reproduction d'un schéma qui a émergé avec l'arrivée des DVDs : le besoin d'offrir des contenus exclusifs pour promouvoir un programme. Un schéma que les autres chaînes n'ont pas encore forcément appréhendé, se contentant de la promesse "replay" classique et oubliant que l'online doit avoir une véritable plus-value.

Vous parliez d'offrir des espaces de discussions, quelle est la stratégie d'e-TF1 sur les réseaux sociaux ?

Nous avons la chance d'avoir des programmes qui font réagir les gens. Ces réactions prenaient autrefois place dans la vie quotidienne : au bureau, à la maison ou dans les cafés et nous échappaient donc. Aujourdhui, les espaces de MYTF1 permettent de rapprocher les conversations autour des programmes qui en sont le sujet, grâce aux réseaux sociaux qui, même s'ils représentent encore moins de 10% de notre trafic, y prennent une part grandissante.

Le "Tweet replay" ou l'action "Watch" doivent inscrire les réseaux sociaux au coeur de nos programmes

A ce titre, nous avons une approche relativement précautionneuse sur Facebook, pour lequel nous sommes plus dans une optique de fidélisation que d'acquisition. A titre d'exemple, nous ne préférons pas investir dans des campagnes de recrutement "Facebook Ads" tant que nous n'avons pas trouvé le moyen de monétiser notre communauté ou de valoriser l'apport d'un fan. Nous préférons que tout cela se fasse naturellement, grâce à la qualité des contenus que nous proposons. La mise en place du "Tweet Replay", qui permet de synchroniser le visionnage d'une émission en catch-up et les réactions des internautes sur Twitter ou l'arrivée prochaine de l'action "Watch", qui permet de partager le visionnage d'une vidéo sur Facebook, relèvent de cette volonté de réconcilier nos programmes et notre offre digitale, avec au centre l'utilisateur.

Comment voyez-vous l'évolution du marché publicitaire online ?

L'essor de la consommation multi-écrans laisse présager de nombreuses opportunités, à l'image de ce que nous avons mis en place avec notre offre de publicité interactive, Oz!, qui donne au téléspectateur la possibilité d'accéder, durant la diffusion d'un spot sur TF1, à des informations complémentaires sur les produits ou services de l'annonceur.

Le mobile doit permettre de prolonger l'expérience publicitaire sur un 2e écran

Dans la première campagne de ce type, lancée il y a quelques jours pour Kia, le téléspectateur peut interagir avec l'un des spots publicitaires en "checkant" l'écran de télé avec son smartphone ou sa tablette via l'application MyTF1. Il accède alors sur ce second écran à un jeu concours et peut tenter de gagner la nouvelle Kia Cee'd.  Il s'agit ici de proposer aux annonceurs une solution dite "companion screen" qui leur permet de prolonger le contact publicitaire TV sur un deuxième écran TV. Une offre a priori alléchante qui ne peut toutefois fonctionner qu'à deux conditions : que la récompense pour inciter la personne à "checker" soit attractive et que la communication  mise en place, en amont, pour expliquer le geste de "checker" soit réussie. Sans cela, il sera difficile de toucher un cercle plus large que celui des seuls technophiles. C'est pourquoi, pour expliquer le fonctionnement de ces publicités interactives,  nous avons prévu une campagne média ainsi que la diffusion d'un message préalable invitant les téléspectateurs à se munir de leur smartphone ou de leur tablette pour participer au jeu concours.


Pensez-vous qu'e-TF1, qui ne pèse pour l'instant que 85 millions d'euros de chiffre d'affaires, puisse représenter un jour une activité significative de la galaxie TF1 ?

Il est certain que le chiffre d'affaires d'e-TF1 est une goutte d'eau par rapport à celui du groupe [qui s'établit à près de 2,6 milliards nets, NDLR]. Toutefois je préfère m'intéresser à la rentabilité de notre pôle et, avec un résultat net de près de 10 millions d'euros, là où celui du groupe s'établit à 186 millions, j'estime que notre contribution est plus que visible. L'objectif est de rester compétitif dans un environnement où si l'on stagne, on est mort.

Les annonceurs, ROIstes, ont toujours un train de retard sur les usages.

Il se trouve que les annonceurs, parce qu'ils ont une approche ROIste, qu'ils ont besoin de chiffres et de données de tracking avant de décider de la portée de leurs investissements, ont toujours un temps de retard sur les tendances d'usage. Ce n'est que cette année que la réalité de la consommation multi-écrans ou du format vidéo va se traduire dans les investissements publicitaires.

Justement, quels sont vos objectifs pour 2012 ?

Les évènements majeurs de l'année 2012, tels que Secret Story et l'Euro de football, doivent nous permettre d'accélérer un peu plus le déploiement de l'offre multi-support de myTF1. Notre objectif reste toujours de développer des passerelles entre chaque écran, pour les consommateurs comme pour les annonceurs. Nous allons bien évidemment poursuivre la réflexion autour de la TV connectée et réfléchir à la manière avec laquelle nous allons nous positionner sur les écosystèmes qui seront, je pense, dominants, à savoir Android, Apple et les fournisseurs d'accès à Internet. A ce titre, j'estime que la Xbox peut trouver sa place aux côté de la télévision, de même que Windows 8, qui est intelligemment pensé, peut pousser le monde applicatif sur PC.

Quoi qu'il en soit, nous garderons cette démarche qui a été la nôtre jusque-là, une démarche pragmatique qui ne s'embarrasse pas de certitudes et qui consiste à travailler avec quiconque peut nous permettre de créer de la valeur ajoutée. Qu'ils s'agisse des FAI, des réseaux sociaux, de Microsoft ou même de Google.

Olivier Abecassis est le directeur général d'eTF1 et de la plateforme de partage de vidéos Wat.tv. Chef de projet chez TPS de 1996 à 1998, il a intégré le groupe TF1 l'année suivante., date à partir de laquelle il a participé aux divers développements du groupe. Il est notamment le fondateur de la plateforme de partage de vidéos Wat.tv.