Ad-Blockers : les éditeurs contre-attaquent sur le plan légal et technologique

Ad-Blockers : les éditeurs contre-attaquent sur le plan légal et technologique En Allemagne, une action en justice a été déposée contre ABP. En France, entre les éditeurs qui bloquent l'accès à leurs contenus et ceux qui vont forcer la diffusion de la publicité, la riposte technologique est lancée.

Avec un taux d'utilisation de près de 17% au cours du mois de mai 2013 selon une étude de Clarity Ray et un impact estimé à près de 150 millions d'euros sur le marché de la publicité digitale, le phénomène "ad-blockers" ne peut plus être ignoré par les éditeurs. Si certains ont accepté de tester l'offre commerciale proposée par le numéro 1 de sa catégorie, AdBlock Plus, et figurent ainsi sur la liste blanche de l'extension moyennant une commission, d'autres ont opté pour des réactions plus fermes à l'égard des ad-blockers... et de leurs utilisateurs. 

TF1 et L'Equipe bloquent l'accès au contenu

Option la plus radicale : empêcher l'accès aux contenus à ceux qui ne visionnent pas de publicité. Car si les ad-blockers sont capables de détecter la publicité, les éditeurs sont tout autant capables de détecter la présence de ces ad-blockers C'était le cas par exemple de TF1 qui refusait l'accès aux matchs de la Coupe du Monde sur son site cet été aux visiteurs utilisant un ad-blocker tant qu'ils ne le désactivaient pas. "Les matches sont aussi diffusés en ligne, financés par la publicité. Mais il y a des acteurs qui développent des solutions qui font disparaître la publicité et donc la capacité de financer. Cela devient un problème majeur car quand on diffuse un événement qui coûte beaucoup d'argent sans pouvoir le monétiser, on le met en danger", s'émeuvait quelques jours plus tôt le directeur général d'e-TF1, Olivier Abecassis, auprès de l'AFP. Même parti-pris du côté de l'Equipe et de France Football en ce qui concerne leur inventaire vidéo. 

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L'Equipe bloque la lecture des vidéos aux utilisateurs d'un ad-blocker.  © Capture d'écran AdBlock Plus

D'autres comme Skyrock jouent la carte de la pédagogie

Cette intransigeance n'est toutefois pas sans risque et peut rapidement faire fuir les internautes vers la concurrence. Raison pour laquelle rares sont les éditeurs à suivre l'exemple de TF1 et L'Equipe. D'autres préfèrent ainsi "éduquer" leurs visiteurs et leur expliquer que "sans publicité, il n'y a pas de contenu" (un postulat encore loin d'être assimilé online). C'est notamment le cas de Skyrock qui affiche une bannière empruntant au ton frondeur de la radio pour essayer de faire comprendre à son audience les enjeux qui sous-tendent l'existence des ad-blockers.  

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Skyrock joue la carte de la pédagogie. © Capture d'écran AdBlock Plus

Secret Media promet aux éditeurs de "forcer" la diffusion de la publicité

Reste qu'aujourd'hui beaucoup d'éditeurs semblent privilégier l'attentisme. Et même un Canal +, pourtant pas le moins protecteur à l'égard de ses contenus, laisse un libre-accès à ses contenus clairs sur Internet, à tous. Cet immobilisme pourrait toutefois rapidement changer avec l'arrivée d'un "petit" français, Secret Media. Alors que les ad-servers type Smart Adserver ou Open Ad Stream, pourtant les premiers concernés, sont jusque-là restés inactifs, c'est cette start-up lancée par une figure connue du Web français, Frédéric Montagnon, qui se lance la première dans la fronde contre les ad-blockers. Sa technologie s'attache ainsi à crypter la totalité de la chaîne de distribution de la publicité pour que l'ad-blocker n'arrive pas à l'identifier comme telle. "Les extensions de blocage ont listé près de 80 000 tags publicitaires qu'ils bloquent de manière irrévocable. Nous avons donc pris le parti de proposer un tag 'mouvant', impossible à identifier et qui ne se met en route que si l'utilisateur à un ad-blocker", explique Frédéric Montagnon. Un tour de passe-passe technique qui permet à l'ad-server de Secret Media de diffuser la publicité de l'annonceur quoi qu'il arrive. " Preuve qu'on a confiance en notre modèle, on se paie à la performance et on demande 30% des revenus générés", précise Frédéric Montagnon. Un bémol toutefois, la solution est inefficace lorsque la publicité est payée au clic ou à la vente, car l'ad-blocker bloque l'information d'attribution et que l'outil de Secret Media ne permet pour l'instant pas d'y remédier.

C'est la raison pour laquelle Frédéric Montagnon cible, en priorité, "les éditeurs qui vendent leur CPM display cher via leur régie" et qu'il lorgne du côté de la vidéo. " On en vient même à se dire que ce phénomène des ad-blcokers peut, par ricochet, restructurer le marché autour du display branding", s'amuse-t-il. Le brevet à peine déposé mi-juillet, Frédéric Montagnon n'en est qu'au stade des premiers tests avec ses premiers clients et confie avoir parlé "aux trois-quarts du marché français" et reçu "un accueil très positif". "Je pense que de toute façon, les éditeurs qui se décident à payer AdBlock Plus font un mauvais calcul car si ce dernier est encore dominant, il concède du terrain à de nouveaux arrivants". Une hyper-fragmentation des solutions que Secret Media, agnostique de ce point de vue, permet de combattre.
 

Une action juridique contre AdBlock Plus en Allemagne

Sans surprises, le plus agressif (commercialement) des ad-blockers, AdBlock Plus, fait quant à lui l'objet de réactions ciblées. Ainsi un groupement d'éditeurs allemands, incluant notamment Axel Springer, RTL et d'autres, a-t-il engagé cet été une action en justice à l'encontre de la société, lui reprochant son modèle économique qu'elle estime illégal. En France, le groupement des éditeurs en ligne, a également été contacté par les fondateurs d'AdBlock Plus et a préféré ne pas donner suite à leur proposition de rencontres. Le Geste surveille par ailleurs de près les actions menées en Allemagne et ne s'interdit pas d'initier une action identique. 

Que ce soit sur le plan juridique ou technologique, la bataille contre les ad-blockers est donc clairement lancée. 

Dans notre édition spéciale "AdBlock Plus" :