BeeAd "BeeAd est un péage publicitaire pour le contenu en ligne"

Les deux fondateurs du service musical Beezik ont lancé en début d'année leur propre régie publicitaire, BeeAd. Ils font le point sur leur activité et leurs projets.

JDN. Comment est née la régie publicitaire BeeAd ?

Thomas Pasquet. Lorsque nous avons lancé Beezik début 2008, notre pari était de proposer gratuitement de la musique aux internautes en échange d'une publicité. Nous voulions positionner l'annonceur comme le mécène d'un contenu qui a de la valeur et qui a coûté à son éditeur. Nous avons aujourd'hui 2,5 millions d'inscrits et fournissons environ 20 millions de téléchargements par an. Nous pensions qu'en réussissant à financer la musique, nous pourrions également proposer notre format de publicité choisie à d'autres types d'éditeurs, pour monétiser d'autres types de contenus. Nous avons donc créé la régie BeeAd, chargée de commercialiser le format de publicité utilisé sur Beezik. Nous avons levé 2,5 millions d'euros en octobre 2010 pour cela et avons lancé le service en début d'année. Aujourd'hui, nos deux activités sont rentables.

Comment fonctionne ce service ?

Jean Canzoneri. Avant d'accéder à un contenu, l'internaute se voit proposer quatre publicités. Il choisit celle qui l'intéresse le plus et doit visionner le film en entier. Pour s'assurer qu'il a bien vu le spot, nous lui demandons de cliquer sur un compte à rebours affiché à la fin de la publicité. Cette procédure nous permet de nous assurer que l'internaute a bien joué le jeu.

"notre réseau compte 150 sites pour une centaine d'éditeurs"

Quels éditeurs utilisent BeeAd ?

Jean Canzoneri. Nous touchons environ 26 millions de visiteurs uniques par mois via notre réseau de 150 sites. Nous travaillons actuellement avec plus d'une centaine d'éditeurs dont de nombreux éditeurs médias comme Le Figaro, Le Point, le groupe Lagardère et Prisma. Nous avons signé la plupart des gros éditeurs de presse française, mais notre activité ne se limite pas seulement aux groupes médias. BeeAd permet aussi de monétiser des services à forte valeur ajoutée avec de la publicité vidéo, sans pour autant disposer d'un inventaire vidéo.

Les internautes sont-ils prêts à accepter la publicité en échange d'un article de presse comme ils peuvent le faire pour un morceau de musique ? Les durées de vie de ces deux types de contenus et les valeurs qui leur sont associées ne sont pas les mêmes...

Jean Canzoneri. Tous les contenus ne supportent effectivement pas notre format. Une dépêche d'actualité qui sera reprise sur plusieurs sites et dont la durée de vie est brève ne s'y prête pas. Nous nous positionnons sur la monétisation de contenus à valeur ajoutée. Nous travaillons par exemple avec Le Nouvel Observateur, qui dispose d'un partenariat exclusif avec le newsmagazine américain Newsweek pour proposer des traductions françaises de ses articles. Ils payent chaque semaine un traducteur pour proposer ces contenus. Nous pensons que pour y accéder, l'internaute est prêt à accepter la publicité. 

Thomas Pasquet. Notre offre repose sur le principe du forfait et fonctionne comme une barrière de péage pour accéder à du contenu. Notre format est "cappé" à un par visiteur unique et par mois, c'est-à-dire qu'en acceptant de visualiser une publicité BeeAd une fois par mois, l'internaute peut accéder à l'ensemble des contenus des éditeurs monétisés via BeeAd durant cette période. C'est l'une des différences avec Beezik, qui impose une publicité à voir par titre musical.

Vous imposez à l'internaute de visualiser intégralement une publicité. Cela a-t-il des conséquences sur le taux de rejet de votre format ?

Jean Canzoneri. C'est très variable. Lorsque nous accueillons un nouvel éditeur, nous réalisons des tests sur des échantillons d'utilisateurs et nous sélectionnons les contenus qui offrent les meilleurs taux de conversion, c'est-à-dire le plus de valeur aux yeux des internautes. Quand nous constatons plus de 20 % d'abandons, nous arrêtons de diffuser nos publicités sur ces contenus car nous estimons qu'ils ne sont pas assez qualitatifs pour supporter notre format. Si la valeur est justifiée, l'internaute accepte de regarder une publicité.

Quels annonceurs utilisent votre solution publicitaire ?

Thomas Pasquet. Nous comptons 250 annonceurs actifs, avec un taux de reconduction de pratiquement 70 % des campagnes. Nous nous adressons aux annonceurs qui ont déjà des spots vidéo à diffuser. Il s'agit donc d'annonceurs grand public déjà présents en télévision et qui souhaitent décliner leurs campagnes sur le Web. McDonald's, Ford, Chanel, Electronic Arts ou SFR sont par exemple annonceurs chez nous.

Quels modèles de facturation proposez-vous ?

Jean Canzoneri. Notre principal format est facturé au coût par clic. Il peut également l'être au coût par visite, c'est-à-dire une fois que nous nous sommes assurés que l'internaute est bien resté sur le site de l'annonceur après avoir cliqué sur sa publicité. Nous proposons aussi une facturation au CPM avec un autre format, l'Inflow, qui affiche à l'ouverture d'une page un spot vidéo que l'internaute peut sauter. Nous facturons l'annonceur au CPM et ne comptabilisons les impressions qu'à partir du moment où un certain pourcentage de la vidéo est vu. Notre promesse est celle d'un réseau qualitatif sur lequel l'annonceur sait où ses publicités sont diffusées et qui lui offre l'assurance de ne payer que lorsque sa publicité a été réellement vue.

"Le taux de mémorisation de nos publicités à une semaine est supérieur à 80 %"

Ne craignez-vous pas de proposer des "publicités forcées" que les internautes ne verront que pour avoir accès à un contenu ? Cette pratique va à l'encontre de la tendance à la personnalisation des publicités, destinée à la rendre plus acceptable...

Jean Canzoneri. Nous restons évidemment sur de la publicité et il ne nous est pas possible de proposer systématiquement aux internautes des publicités pour des marques dont ils sont fans. Mais notre mécanique n'est pas plus forcée que n'importe quel autre système diffusant, avant un contenu vidéo, un pré-roll dont l'internaute ne pourra pas choisir l'annonceur. Elle est par ailleurs moins intrusive qu'une technologie de retargeting qui peut s'assimiler à de la traque.

Thomas Pasquet. Nous avons effectué avec GroupM une étude de mémorisation sur une campagne Cetelem qui n'a été diffusée que sur notre réseau. Le taux de mémorisation à une semaine était supérieur à 80 %, contre 20 à 22 % de mémorisation pour les publicités vidéo en général. Nous pensons que le fait d'être proactif, de choisir une publicité même par défaut, a une influence sur le taux de mémorisation. Pour une fois, vous n'êtes pas bouche ouverte devant une publicité qui défile.

Quels sont vos objectifs ?

Thomas Pasquet. Notre offre sur le Web est déjà bien développée, nous voulons maintenant nous renforcer sur le mobile. Nous avons porté notre service sur mobile et voulons désormais développer un réseau d'applications mobiles. Nous avons déjà des clients Web qui veulent intégrer notre solution sur le mobile, mais les choses prennent plus de temps que sur l'Internet fixe, notamment à cause des procédures de validation des applications.

Certains acteurs de la publicité en ligne ont lancé des offres de "publicité choisie", concurrentes des vôtres. Comment réagissez-vous à cela ?

Jean Canzoneri. Cela signifie au moins que nous allons dans le sens du vent ! Notre but est de garder un temps d'avance, notamment en maintenant nos relations avec nos éditeurs. Nous voulons également continuer d'innover. Nous lancerons à l'automne deux nouveaux formats, toujours basés sur une logique de création d'inventaire incrémental. Nous travaillons également à une offre de viralisation des vidéos avec une démarche de monétisation d'espaces personnels en ligne. Elle devrait voir le jour en fin d'année.

Agé de 27 ans, Jean Canzoneri est le président de BeeZik. Cofondateur de l'agence de marketing alternatif spécialisée dans le street marketing Find a Way, il a également créé "Staytuned", un magazine événementiel gratuit, puis cofondé le label musical "Itgoes". Jean Canzoneri est diplômé de l'Ecole Supérieure de Commerce de Grenoble et du mastère entrepreneur label HEC.

Thomas Pasquet est le directeur général de BeeZik. Diplômé de l'Institut International de l'Image et du Son 3IS, il a travaillé dans la production cinématographique (longs-métrages et documentaires) puis a créé sa propre société de production de courts-métrages. Après cette expérience, il a poursuivi ses études à l'ESC Grenoble puis enchaîné sur un mastère entrepreneur label HEC. Il est âgé de 28 ans.