Orange critique sur la loi Création et Internet

Orange réaffirme son soutien aux accords signés en 2007 entre FAI et ayant-droits pour lutter contre le piratage sur Internet. Le FAI estime toutefois que la loi Création et Internet n'est pas suffisamment équilibrée en faveur d'une offre légale et critique la mesure de filtrage.

"Orange renie les accords Olivennes", titrait mercredi 29 octobre un article de "La Tribune". Selon le quotidien, qui cite des passages extraits d'une note envoyée par l'opérateur historique français à la Commission européenne, Orange "critique désormais les accords qu'il a pourtant signés". Alors, à l'heure où s'ouvre l'examen au Sénat du projet de loi Création et Internet, issu des accords Olivennes, Orange aurait-il effectivement viré de position et décidé, comme son concurrent Free, de partir en guerre contre ce projet de loi ?

"Les accords Olivennes sont un équilibre entre la lutte contre le piratage et le développement d'une offre légale" Pierre-Antoine Badoz (France Télécom)

"Non, pas du tout, Orange ne renie pas les accords Olivennes !", s'indigne Pierre-Antoine Badoz, directeur des affaires publiques de France Télécom, qui précise que le quotidien cite une réponse à une consultation publique de la Commission européenne sur les contenus créatifs en ligne datant de février 2008 et que les citations sont "des courts extraits sortis de leur contexte". Au contraire, "Orange réaffirme son soutien aux accords de l'Elysée conclus dans le cadre de la mission Olivennes." Car, précise le représentant de France Télécom, ces accords sont "un équilibre entre la lutte contre le téléchargement illégal et le développement d'une offre légale attractive".

En outre, précise l'opérateur télécoms, l'un des points essentiels des accords Olivennes est l'instauration d'une autorité administrative indépendante qui pourra seule décider d'avertir les internautes ou de suspendre leur connexion. "Ce ne sera pas aux FAI de faire la police sous demande directe des ayant-droits, comme cela se passe parfois aujourd'hui", précise Pierre-Antoine Badoz.

Faut-il donc en conclure qu'Orange soutient le projet de loi Création et Internet, notamment certains points qui font débat, comme la riposte graduée, la suspension de la connexion Internet ou encore le filtrage des réseaux ? La position de l'opérateur historique français est plus nuancée, voire critique vis-à-vis de certains points.

Dans sa réponse à la consultation publique de Bruxelles, Orange déclare que la suspension de la connexion Internet pourrait s'avérer "disproportionnée", selon "La Tribune". En effet, précise le directeur des affaires publiques de France Télécom "la suspension de la connexion peut être difficile à mettre en œuvre techniquement. Des questions restent en suspens : quels services sont suspendus, sont maintenus ? Laisse-t-on le téléphone, la télévision ? Qu'en est-il de la qualité de service pour les clients ?"

"Le projet de loi Création et Internet est déséquilibré"

Par ailleurs, estime Orange, les accords Olivennes sont un tout. Pour que la mécanique fonctionne, il faut d'un côté une démarche pédagogique d'avertissement des pirates, mais aussi et surtout une offre légale attractive tant du point de vue du modèle économique que de la disponibilité des œuvres. Or, déplore Pierre-Antoine Badoz, "force est de constater aujourd'hui que l'offre légale est encore balbutiante en France. Les offres évoluent favorablement sur la musique, mais pas assez sur la partie audiovisuelle et cinéma. Et malheureusement, le projet de loi est déséquilibré car il n'y a pas de mesures en faveur du développement de l'offre légale."

Une critique que les sénateurs, qui examinent actuellement le projet de loi Création et Internet, semblent partager. Lors de la discussion générale, préliminaire à l'étude des articles et de leurs amendements, le 29 octobre au soir, le Sénat a été unanime pour exiger des industries culturelles un effort démultiplié sur le développement de l'offre légale, en instaurant notamment la suppression de tous les DRM ou la création d'un standard interopérable. Il a également demandé que le gouvernement impose une révision de la chronologie des médias pour raccourcir la fenêtre d'exploitation en VOD des oeuvres cinématographiques, une priorité selon Orange.

"Le filtrage est une forme de censure et fonctionne mal techniquement"

Pas sûr néanmoins que la voix des sénateurs soit entendue. Christine Albanel a en effet renouvelé son opposition à toute mesure coercitive, pour ne pas que le législateur interfère avec les lois du marché. La ministre de la Culture et de la Communication préfère privilégier les accords interprofessionnels pour régler ces questions.

Enfin, Orange confirme s'opposer au filtrage des réseaux, "une forme de censure qui pose des problèmes sociétaux, explique Pierre-Antoine Badoz, mais également techniques : c'est quelque chose qui fonctionne très mal et qui peut facilement être contourné". Le Directeur des affaires publiques de France Télécom souligne d'ailleurs que le filtrage est une notion qui a été réintroduite dans le projet de loi alors qu'elle ne figurait pas dans les accords Olivennes. Selon lui, cette mesure est en outre contraire au principe de subsidiarité entre éditeurs, hébergeurs et fournisseurs d'accès Internet, principe affirmé dans la LCEN (loi pour la confiance dans l'économie numérique, votée en 2004).