Didier Pouillot (Idate) "Les opérateurs mobiles n'attendront pas l'arrivée de Free sur le marché pour innover"

A une semaine du DigiWorld Summit, qui se déroule les 17 et 18 novembre à Montpellier en partenariat avec le JDN, le directeur de la practice "Economie des Télécoms" de l'Idate analyse l'arrivée prochaine de Free sur le marché de la téléphonie mobile.

JDN. Qu'est-ce que l'arrivée de Free dans la téléphonie mobile va changer au marché ?

Didier Pouillot. Comme tout nouvel arrivant, qui plus est sur un marché déjà mature, Free va devoir se positionner grâce à des offres innovantes. A mon sens, les nouveautés verront surtout le jour du côté des offres data. Certes, c'est ce que nous avions imaginé pour les marchés britannique et italien alors que dans les deux cas, le nouvel entrant avait surtout proposé des innovations voix destinées aux gros utilisateurs. Mais dans le cas présent, nous pensons que la meilleure carte à jouer se situe sur la data.

Devra-t-on attendre les premières offres de Free en 2012 pour voir ces changements ?

A mon sens, les trois opérateurs mobiles en place vont dès à présent se prémunir contre l'arrivée de Free, en développant des offres data plus intéressantes qu'aujourd'hui. Dès 2011, on devrait voir des nouveautés, là encore plutôt du côté de la data. En effet, c'est là que les opérateurs ont à la fois une réserve pour maintenir leur ARPU (revenu annuel moyen par client, ndlr) et des moyens importants d'innovation. Je pense en particulier aux forfaits d'abondance, à la façon de ce que l'on a vu se développer sur le marché britannique.

Les limites de l'exercice résideront dans l'accès - plus onéreux - aux ressources rares, c'est-à-dire aux fréquences. Les opérateurs devront trouver le bon équilibre entre la commercialisation poussée de forfaits d'abondance et une situation qui évite la congestion de leurs réseaux. Les opérateurs américains et britanniques sont déjà confrontés au problème.

Comment selon-vous vont-ils résoudre cette équation ?

Les opérateurs vont peut-être se différencier en proposant des offres applicatives, c'est-à-dire des packages globaux, à l'image par exemple de ce que fait M6 Mobile : des contenus sont souvent associés au service, dans le cas d'une licence de marque. Ils devraient également développer des offres d'abondance, qui pourraient facilement dépasser les 500Mo ou 1Go par mois que l'on rencontre aujourd'hui. Au Royaume-Uni par exemple, on trouve de façon standardisée des offres à 5Go par mois.

Free va devoir passer un accord de roaming avec un opérateur mobile déjà en place. Quelles sont les hypothèses ?

La 3G a une efficacité spectrale meilleure que la 2G, autrement dit, elle fait passer plus de trafic dans une même bande de spectre. Le LTE sera encore meilleur. Aujourd'hui, Free a la possibilité de négocier un accord d'itinérance en 2G. S'il veut pousser des offres data, sa bande passante va vite se retrouver limitée. Free demande donc de pouvoir négocier des accords d'itinérance en 3G, qui lui permettront de proposer des services data en qualité correcte sur tout le territoire.

La question qui se pose aux trois autres opérateurs est la suivante. En fonction du réseau dont ils disposent et de la façon dont ils structureront leurs offres d'abondance, préféreront-ils garder pour leurs abonnés 100% de leur réseau ou en mettre une partie à la disposition d'un opérateur tiers ? Bouygues Telecom, dont la capacité est limitée mais le spectre égal à ceux des deux autres opérateurs mobiles, aura peut-être une attitude plus ouverte qu'Orange et SFR, qui comptent davantage de clients. Ensuite, le prix de vente à un opérateur tiers dépendra à la fois d'obligations réglementaires et de négociations commerciales.