Denis Philipon (Voyage-prive.com) "Nous envisageons une acquisition aux Etats-Unis"

Le site de ventes privées de voyage a enregistré un chiffre d'affaires de 200 millions d'euros en 2010 et table sur 350 millions en 2011, misant en particulier sur le marché américain.

JDN. Depuis son lancement mi-2006, Voyage-Prive a connu une très belle croissance. Où en êtes-vous aujourd'hui ?

Denis Philipon. Nous avons réalisé un chiffre d'affaires de 200 millions d'euros en 2010, le double de 2009, pour un revenu net de 6 à 8 %. L'an dernier nous avons fait voyager 680 000 personnes. Voyage Privé compte aujourd'hui 6,5 millions de membres. La Fevad précise que nous sommes depuis plusieurs mois la troisième agence de voyage en ligne, en audience, derrière Voyages-Sncf et Promovacances, avec environ 3 millions de visiteurs uniques par mois. Nous visons un chiffre d'affaires de 350 millions d'euros en 2011, en faisant voyager entre 1,2 et 1,3 million de personnes.

Comment voyez-vous votre expansion internationale ?

Notre priorité est de nous renforcer en Europe, en ouvrant dans deux nouveaux pays. Ensuite, la question se posera de nous lancer dans un pays émergent, peut-être en Amérique du Sud. En 2010, 12 % de nos ventes étaient réalisées à l'international. En 2011, cette proportion devrait atteindre 20 à 25 %. Nous sommes présents en Espagne depuis octobre 2008, en Italie depuis avril 2009, au Royaume-Uni depuis juillet 2009 et aux Etats-Unis depuis l'été dernier.

Comment se passe votre démarrage américain ?

Nous avons réalisé des tests à partir de mars 2010, avons lancé le site en juin et embauché un country manager américain en juillet-août. Notre audience y est actuellement de 300 000 visiteurs uniques par mois en moyenne.

 

Nous travaillons sur deux axes en particulier. D'une part nous avons recruté quatre personnes pour développer le sourcing, se battre avec les fournisseurs pour mettre au point des offres diverses et originales, d'autre part, nous nous donnons du mal pour nous faire connaître. L'acquisition de trafic passe d'abord par le viral. Nous bénéficions d'un bon bouche-à-oreille et d'échos positifs sur les blogs et les réseaux sociaux. Les Américains aiment beaucoup les nouveaux concepts, cela nous est bénéfique. En outre, le parrainage sur notre site est incentivé. Et bien sûr, l'acquisition d'audience repose aussi sur des échanges de bases et sur le search.

Quels sont vos objectifs sur ce marché ?

Aux Etats-Unis, au dessous de 3 millions de membres, nous n'irons pas très loin. Mais nous avons l'avantage d'être libres et autonomes. Nous n'avons pas de deadline. Il nous faut être patients et investir massivement. Nous envisageons par ailleurs une acquisition sur place. En outre, nous ne fonctionnons pas en marque blanche, mais nous avons des discussions avancées avec certains acteurs sur du co-branding. Nous explorons donc plusieurs pistes.

Qui sont vos concurrents aux Etats-Unis ?

Les grands acteurs des ventes événementielles Ideeli, Gilt, HauteLook ou encore Rue La La ont tous un onglet voyages. Ce sont des sites importants : à eux quatre, ils devraient générer un chiffre d'affaires 2010 de 900 millions de dollars, toutes catégories de produits confondues. Les voyagistes comme Expedia, Travelocity, Priceline ou Orbitz organisent aussi des ventes privées. L'apparition des ventes événementielles est le phénomène qui a marqué l'e-tourisme américain en 2010, aux yeux des consommateurs.

Pourquoi avoir conservé votre nom français sur le marché américain ?

Une fois que l'internaute est devenu membre, cela n'a plus d'importance. De plus, les fournisseurs mondiaux nous connaissent déjà en Europe sous ce nom-là. Enfin le mot "voyage" est connu et compris par les Américains.

"Nous ne sommes pas à vendre et n'avons pas envie de racheter quiconque"

Comment êtes-vous financés ?

Sur fonds propres : en mode "bootstrap". Nous n'envisageons d'ailleurs pas de lever des fonds : nous n'avons pas besoin d'argent. Notre business, low cost, est profitable.

Quelles sont selon vous les grandes tendances de l'e-tourisme ?

La concentration dans l'aérien d'abord. Ensuite Go Voyages devient de plus en plus solide et va devenir européen. On devrait aussi assister à un phénomène de concentration dans le secteur hôtelier, aujourd'hui très morcelé. Toutefois, cette concentration ne constitue pas forcément la meilleure voie, ni pour l'industrie ni pour les consommateurs. Le tourisme est un marché de détail, avoir des monstres n'est pas très bon. Quand on est Thalasseo.com, on n'a pas besoin de proposer un tour de New York à vélo. Il serait dommage que cet acteur soit racheté par un gros - ce qui n'est pas du tout le cas. Il est bon que des acteurs comme Voyageurs du Monde, Kuoni ou encore Terres de Charme restent indépendants. Opodo est à vendre, Go Voyage a été revendu l'an dernier, Promovacances est à nouveau à vendre... Ce n'est pas très sain pour le secteur.

Comment voyez-vous votre rôle, dans cette consolidation ?

Nous ne sommes pas à vendre et n'avons pas envie de racheter quiconque. L'e-tourisme a encore de belles années de croissance devant lui en France, notamment sur le segment des ventes privées. Nos 200 millions d'euros de chiffre d'affaires 2010 sont complètement éclatés sur tous les types d'offres : il est possible de vendre sous forme de ventes événementielles tous les types de prestations de tourisme et de loisirs, si on le fait bien. Et dans le monde, Voyage-Prive compte de 10 à 20 pays cibles.

Denis Philipon, 44ans, diplômé de l'European Business School, débute sa carrière chez Mars Alimentaire en 1992 avant de rejoindre Pepsi Co en 1996, où il devient directeur du développement grande distribution. En 2000 il est nommé directeur général de Lastminute France dont il devient PDG en 2001. Il y mène entre autres les rachats de Degriftour et TravelPrice. En 2004, il quitte le groupe et part s'installer à Aix-en-Provence. Il co-fonde alors plusieurs entreprises (trading de minutes télécoms, vente de produits bio, ventes de séjours de thalasso, de voyages au Maroc...) avant de créer Voyage-prive.com en 2006. En août 2009, il s'installe à San Francisco pour préparer le lancement du site aux Etats-Unis. Denis Philipon table pour sa société sur un chiffre d'affaires de 350 millions d'euros cette année et envisage de l'introduire au Nasdaq d'ici trois ans.