Le krill, la petite crevette qui suscite de gros appétits

Le krill, la petite crevette qui suscite de gros appétits Ce minuscule crustacé, de plus en plus utilisé dans les compléments alimentaires, fait la fortune de quelques entreprises.

Composé de minuscules crevettes et crustacés, le krill (Euphosia superba) constituerait la première source de protéines au monde : entre 150 et 500 millions de tonnes, l'équivalent du poids de la population humaine !

Les ventes de compléments alimentaires à base de krill ont augmenté de 43%

Le krill est en effet la nourriture de base des baleines, oiseaux marins ou otaries. Cette manne, exploitée par les Russes pour leur aquaculture dans les années 1970 et 1980, a été délaissée depuis la chute du bloc communiste. Aujourd'hui, pourtant, la petite crevette suscite à nouveau toutes les convoitises.

En 2011, 181 000 tonnes de krill ont été pêchées, selon la Commission pour la conservation de la faune et de la flore marines de l'Antarctique (CCAMLR), soit 44% de plus qu'en 2002.

Les Norvégiens sont les principaux acteurs de ce marché, avec 103 000 tonnes pêchées, suivis par les Coréens et les Japonais. Mais c'est la Chine qui est en plus forte progression : ses captures ont été multipliées par huit en un an.

Les raisons de cette augmentation tiennent d'abord à la progression continue de l'aquaculture : la production de poisson d'élevage a augmenté de 35% entre 2006 et 2011, d'après un rapport de la FAO. Or, avec la diminution des stocks de poisson habituellement utilisés comme nourriture (anchois, petit maquereau, sardine...), le krill apparait comme le nouvel eldorado. Les Chinois, eux, comptent utiliser la crevette directement pour l'alimentation humaine, sous forme de pâté ou de snack par exemple.

krill pêche
Le chiffre d'affaires d'Aker Biomarine, leader du marché qui possède ses propres bateaux de pêche, a grimpé de 154%. © AkerBiomarine

Mais c'est un autre débouché à haute valeur ajoutée qui depuis quelques années est au centre de tous les intérêts : celui des compléments alimentaires. Car le krill est particulièrement riche en "bons" acides gras omega-3 et en astaxanthine, un caroténoïde au fort pouvoir antioxydant (47 fois supérieur à celui des huiles de poisson d'après une étude réalisée par le laboratoire canadien Brunswick).

Du coup, les ventes de compléments alimentaires à base de krill ont augmenté de 43% entre juillet 2011 et juillet 2012, selon l'institut d'études SPINSscan. Les suppléments à base de krill deviendront même bientôt le second marché des compléments alimentaires d'Omega-3, prévoit Aker Biomarine, qui domine largement le marché de ce type de produit.

Cette compagnie possède ses propres bateaux de pêche et accapare à elle seule deux tiers des captures mondiales de krill. Son chiffre d'affaires est en plein boom : il a augmenté de 154% en 2011, à 13,4 millions d'euros.

Le krill intéresse également l'industrie pharmaceutique et cosmétique. Au final, plus de 1 100 brevets concernant le krill ont déjà été déposés à l'Office européen des brevets (EPO).

Les stocks de krill dans les mers australes auraient diminué de 80% depuis les années 1970

Cet appétit inquiète les défenseurs de l'environnement. Car les stocks de ce petit crustacé dans les mers australes auraient diminué de 80% depuis les années 1970, selon une étude menée par Angus Atkinson, du British Antarctic Survey.

Même si la pêche n'est pas la principale responsable (le krill serait plutôt victime du réchauffement climatique, qui, en libérant certaines zones de la glace, amène de nouveaux prédateurs), certains scientifiques tirent la sonnette d'alarme. "La CCAMLR doit de toute urgence adopter des mesures pour protéger l'espèce", réclame Gerald Leape, de l'association Pew Environment, sur le site de l'ONG.

La CCAMLR, qui régule la pêche dans l'Antarctique, a fixé un quota de pêche maximum de 620 000 tonnes par an pour protéger l'espèce. Mais de nouvelles zones "exploratoires" sont à l'étude avec des captures autorisées allant jusqu'à 3 millions de tonnes. De plus, elle serait incapable de faire respecter les prises règlementaires, avertissent certains chercheurs, qui citent l'exemple de la pêche illégale de la légine (une espèce de poisson) en Antarctique.

Les entreprises elles-mêmes sont inquiètes. Aker Biomarine s'est alliée avec l'association WWF pour promouvoir une "pêche responsable" et envisage de développer son propre élevage de krill.