Raphaël Schoentgen (Engie) "Engie investit à Singapour pour développer la smart city"

Le directeur de la recherche et de la technologie du géant français de l'énergie veut profiter de l'aura de la cité-Etat asiatique sur le marché de la ville intelligente pour développer de nouveaux projets.

Raphaël Schoentgen, directeur de la recherche et de la technologie d'Engie. © Engie

JDN. Engie vient d'ouvrir un centre de recherche et développement à Singapour. Pourquoi s'installer là-bas ?

Raphaël Schoentgen. Nous avons ouvert notre premier Lab hors d'Europe au Chili en 2014, avant d'aller à Abou Dabi en 2015 et maintenant à Singapour. Cela fait un an et demi qu'on y travaille avec la volonté d'être au plus près des écosystèmes locaux et de s'appuyer sur nos 2 000 collaborateurs qui travaillent déjà sur place. Nous sommes déjà bien présents, notamment dans la production électrique via notre participation dans Senoko, l'opérateur local, et avec nos services de facility management comme à l'aéroport international Changi. Nous voulons aller encore plus loin et nous positionner sur le marché de la smart city, dans lequel Singapour est très actif. Ce n'est d'ailleurs pas pour rien qu'ils organisent tous les deux ans le World Cities Summit.

Quels sont les investissements prévus ?

10 salariés travaillent dans ce Lab sur un périmètre d'activité actuel de l'ordre de 10 millions d'euros sur 3 ans, dont Engie finance un tiers. Le reste du financement provient des pouvoirs locaux et d'autres partenaires. Et il ne s'agit là que d'un début.

Des projets sont-ils déjà en cours ? Dans quels domaines ?

Nous travaillons avec la Nanyang Technological University, l'une des meilleures universités de Singapour, sur plusieurs sujets. Le premier d'entre eux est le digital appliqué à l'énergie et à la ville. NTU veut devenir un exemple de campus vert dans le monde et a pour objectif de réduire de 10% sa facture d'électricité. Nous avons développé avec elle l'application mobile PowerZee, un jeu où les étudiants gagnent des points à chaque action qui réduit leur consommation énergétique, pour un investissement total d'un million d'euros. Cette app offre aussi la possibilité de mettre en place un crowdsourcing d'informations digitales liées au confort : chacun peut indiquer s'il a trop chaud ou trop froid, notamment. Ces informations sont ensuite agglomérées et envoyées au centre de gestion, qui peut ainsi prendre les bonnes décisions en fonction des besoins des occupants. Nous réalisons aussi des points mensuels pour réajuster la gestion énergétique des locaux grâce au big data. Cette initiative est en cours d'implémentation à l'international, notamment en France, à la Cité universitaire de Paris, en Allemagne, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis.

"Nous allons travailler avec Sigfox sur des projets d'envergure dans des nouveaux quartiers intelligents"

Quoi d'autre ?

Nous allons aussi travailler avec Sigfox, qui a récemment annoncé que Singapour serait le 26e pays à l'accueillir, sur des projets d'envergure dans des nouveaux quartiers intelligents. Des capteurs de température ou de bruit de nouvelle génération y seront installés avec la volonté d'y développer de nouveaux services grâce aux données qui seront récoltées.

Une dizaine de millions d'euros seront aussi investis dans les smart grids, notamment sur l'île de Semaku, pour la transformer en une île 100% renouvelable. Nous travaillons par exemple sur une plateforme connectée capable de gérer les différents types d'énergie comme l'hydrogène, qui sera utilisé à la fois pour la mobilité et pour les machines industrielles ou encore l'éclairage public.

"Une dizaine de millions d'euros seront investis dans les smart grids, notamment sur l'île de Semaku"

Des projets de building information modeling et de modélisation des quartiers sont aussi en route, pour mieux comprendre l'isolation thermique et pouvoir montrer aux clients la situation actuelle et leur proposer des évolutions dont nous pourrons simuler les effets.

Vous organisez actuellement un challenge open innovation IoT pour les villes de demain. Qu'en attendez-vous en termes d'innovations numériques ?

Notre groupe a engagé depuis 2 ans une vraie transformation digitale. Il y a quelques années, le monde de l'énergie était très centralisé, avec de grandes infrastructures et de grands fournisseurs aux standards stricts et l'avantage concurrentiel se faisait sur la capacité d'intégration. Engie était connu pur mener des projets d'envergure et financièrement très lourds. Mais ce monde a évolué vers des systèmes plus petits et avec beaucoup moins de barrières à l'entrée. Désormais 1 million d'euros suffit pour développer un réseau électrique local.

Le digital amène beaucoup de solutions dans l'énergie et il faut s'ouvrir aux nouveaux acteurs, investir dans des start-up et co-développer avec des entreprises petites ou moyennes des pilotes et des démonstrateurs pour rester dans la course. Nous attendons donc de ce challenge et plus globalement de notre présence à Singapour de dénicher de nouveaux cas d'usage innovants.