E-santé : le digital pourra-t-il sauver le patient français ?

L’e-santé est un marché prometteur en France mais qui peine pourtant à s’imposer auprès des professionnels. Sauf dans le domaine de l’accès aux soins.

La santé digitale n’a jamais été aussi en forme que ces dernières années – sur Internet, du moins. Les internautes usent et abusent des forums médicaux et les objets connectés se sont frayé un chemin jusqu’au quotidien des usagers, ne serait-ce que sous la forme d’un Fitbit (et autres familles de bracelets bien-être). Pourtant, l’e-santé, qui prédomine chez les patients, peine encore à s’installer dans un cadre professionnel. Quels en sont les freins ? Le digital pourra-t-il un jour ou l’autre venir au secours d’une offre de soins de plus en plus éclatée et injuste ?

L’e-santé nous tend les bras... mais encore faut-il les saisir !

Puiser dans les nouvelles technologiques pour redonner des couleurs au domaine de la santé ? La promesse est belle. Prise en charge personnalisée des malades, accès simplifié aux informations médicales, accompagnement via des applications après une intervention en ambulatoire, suivi des personnes atteintes de pathologies chroniques, facilitation de l’accès aux soins… Entre les systèmes d’informations, les fonctionnalités de la télémédecine et l’essor de la m-santé (réservée aux smartphones), les possibilités sont innombrables. Et le marché s’avère fort attractif : il était estimé à 46 milliards de dollars en 2016.

Pourtant, la mayonnaise peine à monter. Si les objets et applications connectés ne cessent de gagner en popularité auprès des utilisateurs (jusqu’à représenter 60 % du marché de l’ensemble des objets connectés en 2013), les autres branches de l’e-santé n’arrivent pas à se déployer. Il faut toutefois mettre de côté le domaine de la réalité virtuelle, qui ne concerne que les professionnels eux-mêmes, et non pas les relations avec les patients (on pense par exemple aux formations des internes en médecine grâce à des actes chirurgicaux simulés).

À qui la faute ? Qui doit être désigné responsable de l’état du patient France en matière d’e-santé ? Les pouvoirs publics ? Les patients ? Ou les professionnels ?

Les médecins et l’e-santé : une histoire d’amour impossible ?

Il faut constater une chose : s’il est bien un cliché persistant, c’est celui du médecin conservateur, opposé à toute avancée technologique majeure, hurlant à la lune lorsque les pouvoirs publics envisagent d’inoculer une goutte de digital dans le corps médical. Cette idée reçue est née d’un simple constat : oui, certains progrès digitaux emportent dans leur sillage des inquiétudes sourdes, exprimées au moins autant par la profession que par les particuliers.

Les objets connectés, notamment, lorsqu’ils sont utilisés dans le domaine de la santé, génèrent des peurs tout à fait légitimes. Non seulement en matière de pertes des données (que se passera-t-il si votre dossier médical dématérialisé est hacké ?), mais aussi parce que nul ne sait, aujourd’hui, quelles pourraient être les conséquences exactes d’une utilisation à mauvais escient des informations médicales d’un patient. Même en imaginant le pire, on reste sans doute très loin de la réalité.

Pour qu’une histoire d’amour entre les médecins et l’e-santé soit possible, elle doit d’abord s’affranchir de ces problématiques. En réalité, les praticiens n’ont pas peur de faire évoluer leur métier au gré des transformations permises par le digital ; ils entendent simplement veiller à ce que ces changements se mettent au service exclusif d’une pratique toujours plus qualitative et d’un accès aux soins toujours plus ouvert. Dès lors que l’e-santé se propose de répondre aux besoins concrets des patients, tout devient possible.

Améliorer l’accès aux soins : le véritable enjeu de la politique de santé française

De fait, le véritable (et peut-être seul) enjeu de politique de santé française réside dans la nécessité de favoriser un meilleur accès aux soins. Quelles que soient les formes qu’ils prennent, les outils digitaux qui servent d’étendards au monde de l’e-santé doivent avant tout se donner pour mission de simplifier la manière dont les patients communiquent avec leurs praticiens – y compris si cela doit se faire à distance, au chaud derrière un ordinateur ou la tête dans un smartphone.

Ainsi, la problématique de l’offre de soins et de sa raréfaction dans certaines régions de France peut être remise en perspective grâce aux progrès technologiques. On pense, bien sûr, à un serpent de mer régulièrement remis au goût du jour par les pouvoirs publics : la télémédecine. À elle seule, elle endosse le rôle de vecteur principal de l’accès aux soins dans tous les territoires fragilisés par la désertification médicale (lisez le descriptif proposé par le gouvernement à ce sujet)… À ceci près qu’elle peine à se déployer, malgré la publication d’un décret ad hoc en octobre 2010. Les freins en sont essentiellement économiques et institutionnels – mais faut-il s’en étonner ? Dans un tout autre genre, des start-ups proposent des solutions aussi simples qu’innovantes, à l’instar des annuaires médicaux. Certes, ces plateformes n’agissent pas directement sur l’offre – les praticiens ne sont pas incités à s’installer où ils ne désirent pas aller. Mais elles proposent, en guise d’alternative, de mieux aiguiller les relations entre professionnels de santé et patients en simplifiant la localisation des premiers par les seconds, à travers des outils intuitifs et faciles d’accès. Il s’agit moins de réorganiser les atouts que de les mettre en évidence pour mieux les rentabiliser.

D’ailleurs, ces solutions vont dans le sens de l’amélioration de l’accès aux soins. Elles contribuent aussi à matérialiser la proposition formulée par l’Ordre des médecins en 2016 dans la Gazette des Communes : favoriser une gouvernance partagée entre les professionnels et les usagers pour que les territoires s’auto-organisent. L’e-santé peut grandement y contribuer.

Autant dire que les initiatives privées ont un train d’avance sur les pouvoirs publics : elles proposent d’ores et déjà des traitements, quand les gouvernements en sont encore à établir un diagnostic.