Journal du Net > Economie  Untitled Document > Les meilleurs extraits de "L'Economie pour les Nuls"
"Si des millions d'hommes sont au chômage, c'est tout simplement qu'on n'a plus besoin d'eux pour produire"

"En 1995, l'Américain Jeremy Rifkin (né en 1943) publie un livre sobrement intitulé La Fin du travail. Dans la préface à l'édition française, Michel Rocard (né en 1930), qui n'est pourtant pas homme à se laisser impressionner facilement, écrit : "Lecteur, on n'entre pas dans ce livre impunément. Il est effrayant, torrentiel, déconcertant et parfois agaçant." Bigre ! De quelle nouvelle affolante Rifkin serait-il l'ambassadeur ? La suivante : le développement économique a comme but d'améliorer les capacités productives de l'homme. Or, au cours du dernier siècle, ces progrès ont été fulgurants et on est quasiment arrivé au but : désormais, on peut produire, grâce au progrès de l'automation, des quantités colossales de produits avec des quantités extrêmement faibles de travail. Nous sommes entrés dans l'ère de l'extinction du travail.

Le phénomène a été longtemps masqué par le mécanisme du déversement : on croyait que tout emploi éliminé par le progrès technique en créait, à terme, d'autres, plus qualifiés, mieux rémunérés. Le mécanisme du déversement s'est épuisé également, et désormais, si des millions d'hommes sont au chômage, c'est tout simplement qu'on n'a plus besoin d'eux pour produire.

"Que l'on intègre enfin dans la sphère économique (...) le "tiers secteur", c'est-à-dire toute la sphère du travail bénévole, des associations ou de la gratuité, qui annonce l'ère postmarchande"

Pourtant, au lieu d'accepter cet état de fait et de distribuer, comme le font déjà certains pays, des salaires de consommation (comme le RMI), on s'obstine à maintenir la fiction de la nécessité du travail, qui ne fait que plonger des millions d'hommes dans le désarroi et surtout qui permet d'avoir des salaires très bas compensant la baisse des prix des produits et garantissant la rentabilité des entreprises. Ainsi, une grande partie de la population est appauvrie par la baisse des salaires et le développement de la précarité, alors qu'une minorité s'enrichit à outrance.

Le constat de Rifkin, qui a sans doute inspiré Viviane Forrester (née en 1927) pour son essai L'Horreur économique (1996), aboutit à une exhortation : que l'on prenne acte de l'épuisement du travail directement productif, notamment par une baisse importante du temps légal de travail et l'institution de revenus de substitution, et que l'on intègre enfin dans la sphère économique ce que Rifkin appelle le "tiers secteur", c'est-à-dire toute la sphère du travail bénévole, des associations ou de la gratuité, qui annonce l'"ère postmarchande"."

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