Pour Next, le transport du futur est un bus… saucissonné et autonome

Pour Next, le transport du futur est un bus… saucissonné et autonome Cette entreprise californienne veut imposer ses navettes modulaires et sans chauffeur, qui s'assemblent et se détachent pour créer un véhicule plus ou moins grand en fonction de la demande.

Ce n'est ni une voiture, ni un bus. Et pourtant, cet étrange cube aux airs de cabine téléphérique pourrait devenir une solution alliant les meilleurs côtés de l'une et l'autre, pour en faire un transport en commun modulaire et autonome.  C'est en tout cas l'ambition de la start-up californienne Next Future Transportation, dont l'objectif est de "donner aux municipalités un système qui peut battre les Uber de ce monde", explique au JDN son co-fondateur et PDG Emmanuele Spera.

"Si vous regardez le design de notre navette, on n'est pas très loin du design d'un bus", fait-il remarquer. "En fait, c'est un bus que nous avons découpé en tranches." Les tranches, ce sont une succession de navettes autonomes de six places, qui peuvent se séparer pour aller récupérer des utilisateurs à différents endroits, avant de se reconnecter les unes aux autres, comme les wagons d'un train, pour ne former qu'un seul véhicule décloisonné.

Un mix VTC-transport en commun

L'intérêt de saucissonner un bus de la sorte : s'adapter à la fréquentation très changeante des transports publics selon les horaires en  déployant un "bus" plus ou moins long. Ce manque de modularité entraîne une inefficacité chronique des bus, affirme Emmanuele Spera. "Ils sont occupés à plus de 100% lors des heures de pointe, et moins de 20 le reste du temps, avec une moyenne entre 25 et 30%. Avec un taux de remplissage si bas, les collectivités perdent de l'argent. Elles peuvent récupérer une partie des coûts en vendant des tickets, mais le reste doit être payé par l'Etat ou l'autorité organisatrice des transports." L'autre avantage, selon lui, est de servir plus efficacement les usagers en les récupérant là où ils sont et en les amenant exactement à leur destination, plutôt qu'à une station. On couple ainsi un transport en commun prenant en charge un grand nombre de personnes à une solution de premier et dernier kilomètre personnalisée.

Next livrera deux navettes autonomes au ministère des Transports de Dubaï à la fin de l'année

L'idée de Next est née en 2012 en Italie puis a été développée à partir de 2015 à San José, en Californie, où est désormais basée l'entreprise. La société compte aujourd'hui une quinzaine d'employés. Un ancrage dans la Silicon Valley qui donne lui donne accès à tout l'écosystème de la conduite autonome et aux investisseurs qui s'y trouvent, même si toute sa R&D se fait en Europe. La start-up a levé 330 000 dollars en amorçage et equity crowdfunding. Elle espère boucler un premier tour de table à 6,5 millions dans moins de six mois.  Le système et les navettes de Next sont encore dans une phase de recherche et développement. En ce moment, la société teste des prototypes à échelle réelle. Elle livrera deux de ses appareils à la fin de l'année à Dubaï, où elle a remporté un contrat pour participer à un projet pilote sur piste avec Careem, leader du VTC au Moyen-Orient, et le ministère des Transports de l'émirat, qui vise 25% des trajets automobiles en véhicules autonomes d'ici 2030. Elle a reçu à ce titre un financement de Dubaï, dont le montant n'est pas révélé, pour concevoir et livrer les véhicules.

Si la société utilise les mêmes composants de conduite autonome tiers que le reste du secteur, elle a dû développer son propre système de conduite sans chauffeur afin de répondre aux spécificités de ses véhicules.  Par exemple pour permettre aux différentes navettes de fusionner en pleine course, car elles doivent être capables de différencier ces "véhicules amis" du reste du trafic. Autre difficulté que ne rencontre par une voiture autonome traditionnelle : les virages. "Une seule navette, avec ses 4 roues peut se déplacer comme une voiture. Mais dès qu'on couple plusieurs navettes, chaque roue doit tourner à un angle différent," détaille Emmanuele Spera.

Marque blanche pour les villes

Côté modèle économique, Next a choisi la marque blanche avec licence d'utilisation. L'entreprise souhaite se rapprocher des opérateurs de transports publics comme Transdev ou Keolis pour réaliser des partenariats public-privé avec les villes. Celles-ci paieront pour utiliser sa technologie de dispatch et achèteront ou loueront les véhicules à des prestataires qui les fabriqueront en payant, eux aussi, une licence à Next pour l'utilisation de ses designs. L'entreprise, qui a imaginé toutes sortes de services payants (livraison de colis, de café…) dont pourront profiter les passagers en demandant à ce qu'on leur envoie une navette dédiée, compte prendre une commission sur ces transactions, un peu comme le font Apple et Google sur leurs magasins d'applications mobiles. Un mélange de publicités pour des entreprises proposant ces services et de subventions publiques devrait permettre de rendre les voyages gratuits, assure Emmanuele Spera.  

Mais pour en arriver là, Next devra lever un certain de nombre de barrières. Premièrement, sa vision d'un transport en commun modulaire avec des navettes qui s'accrochent et se détachent en pleine course nécessite que le reste de la route soit occupé seulement par des véhicules autonomes, ce qui est évidemment impensable à court terme. En attendant, la société imagine des "voies de fusionnement" qui permettraient aux navettes de s'assembler et se dissocier de manière sécurisée avant de retourner dans le trafic, ou bien l'utilisation des voies réservées aux transports en commun. Et comme Next ne souhaite pas attendre la légalisation des véhicules autonomes au-delà de simples tests, elle compte proposer une version rudimentaire de son service aux villes, c'est à dire un bus modulaire avec chauffeur. Si l'absence de conducteur est l'objectif final permettant de réduire énormément le coût du trajet, Emmanuel Spiera estime que les villes réaliseront déjà des économies en faisant conduire ses navettes par des humains. "Les municipalités pourront utiliser nos navettes pour s'adapter à la demande. Elles n'auront plus besoin de déployer des bus qui rouleront à vide aux heures creuses," imagine-t-il. Quelques tranches suffiront.