Le contrôle de la fraude au clic, un enjeu majeur pour les régies

Dans la plupart des cas de fraudes, il est essentiellement question de préjudice financier. Or, il existe également pour les annonceurs des risques de préjudices moraux. Il devient urgent de mettre en oeuvre des solutions pour contrôler et sécuriser davantage les campagnes.

La maturité et le dynamisme du marché de la publicité sur Internet en France (1,18 milliard d'euros en 2006 - 3ème pays d'Europe derrière le Royaume-Uni et l'Allemagne) se traduit par des dispositifs de communication de plus en plus complexes et élaborés.  Les grandes enseignes s'y sont largement mises en usant de tous les facteurs de succès : Rich média, viral, gestion-animation de communauté (blogs), ...

Tout ceci dans le but de répondre à des objectifs marketing précis : la création d'une identité/image de marque, l'augmentation du trafic de la boutique ou du point de vente, la constitution d'une base de prospects qualifiés directement exploitable via le marketing relationnel...
 
Par ailleurs, le développement des outils de mesure d'audience et de tracking a largement impacté les stratégies annonceurs avec des approches qui se veulent davantage "ROIste" et qui se généralisent aujourd'hui dans toutes les campagnes de conquête ou de fidélisation.

De ce point de vue, l'engouement des annonceurs pour les liens sponsorisés est tout à fait significatif avec un secteur qui représente 45 % du marché de la publicité en ligne en Europe. La France connaît d'ailleurs la plus forte croissance européenne avec une progression de 46 % par rapport à 2005. Mais les liens commerciaux ne sont pas un cas particulier et on voit bien, d'une manière générale, qu'il existe de forts enjeux dans le domaine du marketing à la performance, à l'image des rachats de Cibleclick par Adlink, First Coffee par Zanox (cédé à Axel Springer et PubliGroupe), Numeriland par Hi-Media ou encore de la  tentative d'AOL sur Tradedoubler.
 
La particularité et le succès de ces modèles (régies au clic/plate-forme d'affiliation) au-delà du principe de rémunération à la performance s'appuient sur le déploiement d'un large réseau de partenaires affiliés principaux apporteurs d'affaires.

Un succès entaché par un problème de fraude au clic
Ce constat est à nuancer légèrement dès lors qu'il s'agit des régies de liens sponsorisés dont le modèle ne repose pas seulement sur leur réseau de partenaires puisqu'ils bénéficient de leur propre espace de diffusion. Cependant, ces réseaux de petits éditeurs pèsent extrêmement lourd : le programme Adsense de Google représente à lui seul 37 % de son chiffre d’affaires sur le 1er trimestre 2007 - 1,35 milliards de dollars sur 3,66 milliards.
 
A l'inverse, Yahoo et MSN ne se sont pas précipités pour proposer un programme équivalent, préférant miser sur un réseau restreint de gros éditeurs, s'évitant ainsi, en tout cas dans un premier temps, les problématiques de fraudes et de triches sur leur propre réseau. 

Une fraude dont il est largement question dans l'actualité de ces derniers mois à propos des liens sponsorisés et du réseau Adsense. Ce phénomène n'est toutefois pas isolé puisqu'il existe également  dans d'autres secteurs du marketing à la performance.
 
Une affaire avait notamment été particulièrement médiatisée en juin 2005 et avait conduit 6 annonceurs (AOL France, Finaref, Voyages-sncf, Telecom Italia France, Neuf Telecom, La Française des Jeux) devant les tribunaux. 

Le rappel des faits
Pour rappel des faits : les sociétés Galatee films et Pathe Renn Production, éditrices du film "Les Choristes", font constater la présence de bannières de plusieurs gros annonceurs sur un site de Peer to Peer qui propose en  téléchargement libre le film "Les Choristes". Dès lors, les 6 annonceurs sont poursuivis en justice pour complicité de contrefaçon du film et de la marque "les Choristes" et accusés publiquement de participer au financement de l'industrie du piratage et du téléchargement illégal.

Relaxés en juin 2006, les annonceurs avaient affirmé que l'insertion de leurs bannières publicitaires s'était faite à leur insu sur le site de Peer to Peer en question.
 
Dans cette affaire poussée à l'extrême et qui voit cette fois les annonceurs sur le banc des accusés, à l'origine, il est encore question de fraude de petits éditeurs qui cherchent à optimiser leurs revenus en détournant les campagnes d'annonceurs sur des sites à plus forte audience.

Les mécanismes utilisés
L'un des procédés utilisés, et courant sur les sites P2P, consiste à acheter de l'espace via de l'audiotel : la transaction est immédiate et il n'existe aucune vérification significative. Un individu "X" peut donc acheter de l'espace pour le compte de "Y" sans qu'aucun contrôle de mandat ne soit réalisé. On voit donc avec quelle simplicité n'importe quel éditeur mal intentionné peut recourir à un site tiers pour y apposer une bannière et tromper l'annonceur.
 
Ce type de mécanique n'est pas sans rappeler ce qui se passe sur Google avec les MFA (Made For Adsense) : l'éditeur achète des Adwords à un CPC (coup par clic) réduit de façon à augmenter la visibilité et le trafic de la page parking qui propose les nombreux liens Adsense d'annonceurs dont les CPC sont plus élevés.

Les éditeurs qui pratiquent ce type d'activité (MFA) référencent les annonceurs sans jamais obtenir leur accord. Dans la plupart des cas, ces pages sont dépourvues de contenu et ressemblent à un listing de liens extrêmement peu qualitatifs renvoyant des clics non qualifiés.

Ajouté à l'incapacité des annonceurs de contrôler leur présence sur ce type de page, on ne voit pas bien, dans une logique de monétisation à outrance, ce qui pourrait empêcher, comme dans l'affaire "des Choristes", la présence de contenus illicites avec un potentiel élevé de risque et de préjudice pour les annonceurs.

Préjudices et solutions
Dans la plupart des cas de fraudes dénoncés, il est essentiellement question de  préjudice financier, or, on voit bien avec l'exemple des "Choristes" qu'il existe également pour les annonceurs des risques de préjudices moraux dont les répercussions sont beaucoup plus lourdes.
 
Face à ces problèmes de fraude et même si des solutions existent, le marché s'organise trop lentement. Nous sommes face à des différences importantes en fonctionn des acteurs qui décident ou non d'en faire une priorité.  Les plates-formes d'affiliation et les régies au clic n'ont pas toutes une démarche qualitative de restriction et de maîtrise du réseau même si aujourd'hui la course aux nombres d'affiliés n'est plus le nerf de la guerre.

In fine, les solutions techniques sont proposées au cas par cas, à la demande de l'annonceur, et sont rarement généralisées.

S'agissant des régies de liens sponsorisés, les acteurs commencent seulement à proposer des solutions à l'image d'un Google qui a décidé depuis peu de faire de la fraude une priorité dans son plan marche en annonçant récemment avoir déjà mis en oeuvre un plan d'action pour éradiquer les MFA de son réseau.
 
Avec le succès d'Adsense, il semble peu probable pour Google, compte tenu des leviers de chiffre d'affaires, que sa stratégie vis-à-vis de ces réseaux change diamétralement. Du côté de Yahoo et MSN, on se prépare également à un déploiement de "l'arsenal" des liens contextuels (généralisation des programmes Yahoo Publisher Network et MSN ContentAds). 
 
Dans ce marché qui représentera bientôt plus de la moitié du marché de la publicité en ligne où les annonceurs disent consacrer une part croissante de leurs investissements, il devient urgent de mettre en oeuvre des solutions humaines et techniques qui permettront de contrôler et sécuriser davantage les campagnes.

Quoi qu'il en soit, dans le contexte de confusion actuelle autour des liens sponsorisés, une nouvelle affaire de fraude fortement médiatisée risquerait d'entamer, cette fois, plus largement la confiance des annonceurs et de pénaliser les investissements.