Cybersquattage, les avantages de la procédure auprès de L'OMPI

Le cybersquattage poursuit son expansion et les risques pour les marques augmentent en conséquence. Une des solutions pour y pallier est la procédure alternative du Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI.

Tribune écrite par Sylvia Spalter, Avocat Associé  et Sarah Temple-Boyer, avocate

Le phénomène de "cybersquattage" prend chaque année davantage d'ampleur, en partie encouragé par la facilité avec laquelle il est possible d'enregistrer des noms de domaine. Devant ce fléau, des solutions de défense existent : les recours judiciaires bien sûr, mais aussi, plus méconnue, la procédure alternative du Centre d'arbitrage et de médiation de l'OMPI, qui présente bien des avantages.


Plusieurs techniques de fraude

Certaines sociétés, le plus souvent immatriculées à l'international ou off-shore, se sont fait une spécialité dans le dépôt de noms de domaine reproduisant ou imitant des marques - notoires ou non -  en fraude des droits de leurs légitimes propriétaires. Ce dépôt frauduleux, toujours effectué à des fins lucratives, prend en général deux formes :

- soit les cybersquatteurs ont pour objectif principal de proposer à la revente, au détenteur de la marque, le nom de domaine acquis en fraude de ses droits ;

- soit, les cybersquatteurs ont une activité de référencement publicitaire et mettent à disposition, à partir du nom de domaine déposé de façon illicite, une page Web active sur laquelle (via l'affichage de liens commerciaux) les annonceurs concurrents du tiers privé de ses droits peuvent promouvoir leurs propres produits.

En tout état de cause, la confusion, volontairement entretenue entre le nom de domaine ainsi déposé et une marque notoire, est source de pratiques parasitaires : l'internaute, en quête du site officiel d'une enseigne qu'il affectionne, est trompé, détourné de son but et réorienté vers des sites concurrents.

Francis Gurry, vice-directeur de l'OMPI chargé de superviser les activités de règlement des litiges de l'OMPI, attribue l'ampleur du phénomène au fait que "(...) l'évolution récente du système d'enregistrement des noms de domaine a encouragé des pratiques menaçant les intérêts des propriétaires de marques en jetant la confusion dans l'esprit des consommateurs. Les pratiques qui permettent de 'tâter' un nom de domaine risquent de transformer le système des noms de domaine en un marché essentiellement spéculatif." Il conclut "les noms de domaine devenant une cible en mouvement pour les titulaires de droits, la mise au point de mesures concrètes devrait être sérieusement envisagée" (communiqué de presse, 12/3/2007, sur www.wipo.int : "le cybersquattage poursuit son expansion - les risques pour les marques s'intensifient devant les nouvelles pratiques d'enregistrement")

Comment le titulaire d'une marque, victime de ces agissements, peut-il, en effet, aujourd'hui obtenir le transfert du nom de domaine, déposé en fraude de ses droits, rapidement et à moindre coût ?

Avantages et limite de la procédure devant l'OMPI

La procédure alternative de règlement extrajudiciaire des litiges en matière de propriété intellectuelle devant le Centre d'Arbitrage et de Médiation de l'OMPI ("le Centre") permet au requérant, sous réserve d'établir le bien-fondé de sa plainte et la réalité de ses droits, d'obtenir aisément le transfert, à son profit, du nom de domaine litigieux. Les avantages sont nombreux :

- Rapidité de la décision : entre le dépôt de la plainte et la décision de transfert rendue par le Centre, le délai est de l'ordre de deux à trois mois, alors  qu'une procédure judiciaire en contrefaçon et/ou en concurrence déloyale, engagée devant les juridictions compétentes, est nécessairement longue (elle peut durer plusieurs années) et, par conséquent, onéreuse ; sans compter qu'elle est souvent compliquée du fait de l'implantation étrangère fréquente de la société défenderesse ;

- Coûts limités : il avoisine1.500 dollars si le plaignant souhaite recourir à l'instruction de son dossier par un expert (4.500 dollars s'il fait intervenir un panel de trois experts) ;

- Bref délai de transfert : la décision rendue par le Centre est directement opposable à l'unité d'enregistrement auprès de laquelle le nom de domaine litigieux a été enregistré car  les décisions du Centre sont rendues sur le fondement du règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (principes UDRP), auquel ont adhéré la plupart des unités d'enregistrement. Une fois la décision de transfert rendue, l'unité d'enregistrement concernée doit procéder au transfert du nom de domaine sous 10 jours.

Toutefois, malgré ces avantages, il faut savoir que le Centre n'a pas compétence pour allouer des dommages intérêts au titulaire de la marque, victime de ces agissements. Sa décision ne peut, en effet, porter que sur le transfert du nom de domaine litigieux au profit du plaignant.

Ainsi, si le préjudice est important et peut être établi de façon certaine - ce qui est souvent malaisé dans le système de droit français qui ne connaît pas les dommages intérêts punitifs et n'accepte que la réparation des pertes directes - la victime pourra saisir les juridictions judiciaires pour obtenir réparation, même après avoir obtenu une décision de transfert favorable de l'OMPI.

Trois conditions à remplir

L'obtention d'une décision de transfert favorable suppose toutefois d'établir en amont que :

- Le nom de domaine litigieux est identique ou semblable, au point de prêter à confusion, à une marque de produits ou de services sur laquelle le plaignant a des droits ;

- Le tiers défendeur n'a aucun droit sur le nom de domaine enregistré, ni aucun intérêt légitime, notamment que le nom de domaine litigieux est sans rapport avec la dénomination sociale ou l'activité du tiers défendeur ;

- Le nom de domaine litigieux a été enregistré et utilisé de mauvaise foi, n'ayant d'autre objectif que d'attirer et de détourner les clients du plaignant vers des produits ou des sites Internet concurrents (via notamment l'affichage de "liens commerciaux" sur la page Web active à partir du nom de domaine).