Téléchargement illégal : quels sont les risques encourus?

Pour lutter contre le téléchargement illégal de fichiers sur Internet, les juges disposent désormais de tout un attirail juridique. Pour l'instant, les peines restent légères, mais cela pourrait changer.

Tribune rédigée par Arnaud Dimeglio et Martin-Daniel Gleize

Selon une étude récente de l'IDATE, il y aurait en France plus de 9 millions d'internautes qui téléchargent illégalement sur Internet (films, musiques, jeux vidéo et programmes). Seuls 15 % des fichiers seraient téléchargés légalement.

Face à ce fléau, les titulaires de droits d'auteurs et de droits voisins ont déposé des plaintes, des condamnations ont été prononcées par les tribunaux, et le législateur a adopté la loi du 1er août 2006 relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information (DADVSI).

Cette loi contient des dispositions relatives à la prévention, et à la répression du téléchargement illégal.


Prévention
La loi DADVSI a crée un nouveau chapitre intégré dans le Code de la Propriété Intellectuelle (CPI) intitulé "Prévention du téléchargement illicite". Ce chapitre contient deux articles.

Le nouvel article L.336-1 du CPI prévoit que lorsqu'un logiciel est principalement utilisé pour télécharger illicitement des oeuvres, le président du tribunal, statuant en référé, peut ordonner toute mesure nécessaire à la protection des droits d'auteurs et droits voisins. Ce qui signifie qu'il pourrait contraindre le fournisseur d'un logiciel, notamment peer to peer, ou même la personne qui télécharge, à cesser la mise à disposition, ou l'utilisation dudit logiciel. Mais cette mesure ne doit pas avoir pour effet de dénaturer les caractéristiques essentielles ou la destination initiale du logiciel. Cet article renvoie par ailleurs à un autre article du CPI qui prévoit la possibilité d'effectuer, sur requête, une saisie contrefaçon du logiciel (article L.332-4).

Quant au second, l'article L. 336-2, il dispose que les fournisseurs d'accès à Internet adressent, à leurs frais, aux utilisateurs de cet accès, des messages de sensibilisation aux dangers du téléchargement et de la mise à disposition illicite pour la création artistique. Un décret en Conseil d'Etat doit déterminer les modalités de diffusion de ces messages.

Répression
La loi DADVSI réprime certains actes liés au téléchargement illégal.

Le nouvel article L. 335-2-1 du CPI prévoit tout d'abord une peine de trois ans d'emprisonnement et de 300.000 euros d'amende pour les éditeurs de logiciels destinés manifestement au téléchargement illicite. Les fournisseurs de logiciel peer to peer sont particulièrement visés par cet article. Cette peine est également encourue par les personnes qui incitent, y compris à travers une annonce publicitaire, à l'usage de tels logiciels.

Par ailleurs, la loi DADVSI fixe des peines pour ceux qui porteraient atteinte ou contourneraient les mesures techniques de protection ou d'information des oeuvres (DRM). Un décret en date du 23 décembre 2006 est venu définir de nouvelles contraventions applicables à ce type d'infraction.

En revanche, concernant les personnes qui téléchargent de manière illégale, notamment par l'utilisation d'un logiciel peer to peer, une oeuvre protégée, la loi DADVSI ne contient pas d'infraction ou de peine spécifique. A l'origine, le projet de loi prévoyait un système de peine graduée, avec une sanction proportionnelle à la gravité de l'infraction. La peine encourue pour un simple téléchargement illégal était de 38 euros tandis que le fournisseur d'un logiciel peer to peer encourait la peine maximale.

Mais ce système, contraire à l'égalité devant la loi pénale, a été censuré par le Conseil constitutionnel. Les personnes téléchargeant de manière illégale une oeuvre protégée encourent par conséquent les mêmes peines que n'importe quel autre contrefacteur : trois ans d'emprisonnement, et 300.000 euros d'amende.

Bien entendu, il ne s'agit que d'une peine maximale, et l'on sait que les tribunaux prononcent des condamnations beaucoup moins élevées, et généralement assorties de sursis. Du moins lorsqu'ils entrent en condamnation, car certaines juridictions ont pu considérer que le téléchargement "illicite" pouvait bénéficier de l'exception de copie privée. Une tendance qui devrait néanmoins s'estomper à la suite de l'arrêt rendu par la Cour de cassation du 30 mai 2006, lequel casse la décision, en ce sens, de la Cour d'appel de Montpellier.

Cette interprétation en faveur de la condamnation pour contrefaçon du téléchargement illégal d'oeuvre est renforcée par la circulaire du 3 janvier 2007 du Ministre de la justice suivant laquelle, "en matière de téléchargement d'oeuvres proposées illégalement sur Internet, l'exception de copie privée n'a pas vocation à être retenue."

La circulaire précise néanmoins que les peines devront être graduées, et qu'en particulier, s'agissant du téléchargement, seule une peine pécuniaire (amende) devrait être requise par le Ministère public, lequel devra en outre tenir compte de plusieurs critères pour définir son montant : état de récidive de la personne poursuivie, nombre de fichiers téléchargés, date du téléchargement (avant ou après commercialisation de l'oeuvre), et mise à disposition automatique dans le cadre d'un logiciel peer to peer.

En ce qui concerne les sanctions civiles (dommages et intérêts), les tribunaux prononcent des peines mesurées. Dans le domaine musical par exemple, le montant de la condamnation est de 1 à 2 euros par titre téléchargé. Les dommages et intérêts sont naturellement plus élevés en cas de téléchargement de logiciels, jeux ou de films. Sans compter les frais de justice.

En conclusion, les risques encourus par le téléchargement illégal sont pour l'instant limités. Mais les tribunaux n'ont eu à statuer que sur des faits antérieurs à l'arrêt de la Cour de cassation précité, et la loi du DADVSI telle qu'interprétée par la circulaire du 3 janvier dernier. Le doute pouvait encore, d'une certaine manière, bénéficier à l'accusé.

Maintenant que le régime applicable au téléchargement illégal est précisé, nul n'est censé l'ignorer, et en cas d'infraction, les sanctions prononcées risquent de s'aggraver.