Emmanuel
Louzier (Michael Page)
"La guerre des talents va éclater
d'un jour à l'autre"
Le directeur de Michael
Page pour la région Ouest estime que 2004 devrait présenter
davantage de signaux positifs pour l'emploi cadre. Une première
étape avant une reprise qui s'annonce éclair.
(mars 2004)
"L'année 2004 devrait marquer le début de la
transition", estime Emmanuel Louzier. Le directeur de Michael
Page Grand Ouest s'attend à une reprise du marché
de l'emploi cadre d'ici la fin de l'année. Installé
à Nantes, Emmanuel Louzier ressent également les premiers
effets du "papy-boom", qui pourrait relancer la guerre
des talents.
Comment expliquez-vous l'écart
entre la baisse du nombre d'offres et la baisse du nombre de recrutements
en 2003 ?
Emmanuel Louzier. Le nombre d'offres a baissé de 25 %
l'année dernière selon Manpower, alors que l'Apec
fait état d'un recul de 17 % sur les postes proposés. Il existe
toujours un décalage entre les besoins des entreprises et ce qu'elles
communiquent, surtout en période de crise. Les budgets étant réduits,
les entreprises ne passent pas d'annonce mais font appel au réseau.
Elles ont aussi plus souvent recours aux stages.
Qui
souffre le plus de la crise de l'emploi ?
Les entreprises qui recrutent aujourd'hui ont besoin de cadres tout
de suite opérationnels. Elles cherchent à accroître leur rentabilité
immédiatement et ne peuvent investir sur le long terme. Les jeunes
diplômés souffrent donc plus que les autres de la crise.
Les chômeurs sont-ils plus désavantagés
dans leur recherche que les cadres en poste ?
Ceux qui recherchent activement peuvent être bien placés. Leur disponibilité
immédiate est un atout. De plus, en période de chômage, les cadres
en poste ont peur de changer d'entreprise, ils sont donc peu nombreux
à postuler.
Quels sont les secteurs et les fonctions
les plus touchés ?
Les télécoms sont très touchées par la crise. La croissance des
semi-conducteurs ne s'est pas encore traduite par des embauches.
Dans l'agroalimentaire, les situations sont contrastées : les métiers
à forte valeur ajoutée se portent mieux. Les équipementiers automobiles
souffrent de la baisse de consommation des ménages, qui se répercute
sur les prévisions de commandes et donc sur les sous-traitants.
En termes de fonction, c'est la production qui est la plus pénalisée
du fait des délocalisations en Asie et en Europe de l'Est. Les fonctions
commerciales tirent en revanche leur épingle du jeu. La logistique
affiche aussi un certain dynamisme, les entreprises cherchant à
réduire leurs stocks.
A Nantes, nous sentons déjà
les prémices du papy boum"
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Quelles sont vos prévisions pour 2004
?
L'année 2004 devrait marquer le début de la transition. Elle s'inscrira
dans la continuité de 2003, mais elle présentera plus de signaux
positifs. Les investissements devraient reprendre, avec de nouveaux
projets importants et, par conséquent, des créations de postes.
Quels signaux positifs vous laissent-ils
entrevoir une reprise du marché de l'emploi cadre ?
La conjoncture économique va s'améliorer, ce qui aura des conséquences
sur l'emploi au second semestre. Les Etats-Unis profitent de la
reprise depuis un trimestre. Tout comme en 2001, la France en bénéficiera
de manière décalée, six à neuf mois plus tard. Par ailleurs, les
cadres en poste sont pour l'instant frileux. Mais après trois à
quatre ans au même poste, ils vont probablement avoir envie de changer.
La fluidité devrait donc revenir. Le papy-boom constitue un autre
élément favorable. A Nantes, nous en sentons déjà les prémices.
Justement, le papy-boom aura-t-il un
réel impact sur le marché de l'emploi ?
Les départs à la retraite ne seront certes pas tous remplacés, mais
l'impact sera tout de même fort. D'après une étude de notre cabinet,
moins de 10 % des entreprises du Grand Ouest ne remplaceront
pas les départs à la retraite. Pour les autres, seule une entreprise
sur deux les remplaceront totalement. Le papy-boom aura des conséquences,
mais elles seront moins importantes que ce que l'on veut nous faire
croire. Le problème pour les entreprises vient surtout du fait qu'elles
ne peuvent s'y préparer : elles n'ont pas les budgets pour investir
dans des recrutements massifs. Elles seront bientôt obligées d'embaucher
des cadres et elles risquent alors de le faire toutes en même temps.
Cette guerre des talents peut débuter très rapidement, d'un jour
à l'autre.
Pensez-vous que la tendance soit à
la baisse du taux d'encadrement ?
Non, excepté pour les fonctions de production. Globalement, je n'ai
pas le sentiment que l'on s'oriente vers une baisse du taux d'encadrement.
Certaines améliorations d'organisation peuvent effectivement pénaliser
les salariés, mais pas seulement les cadres. Le ratio devrait rester
à peu près inchangé.
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