Trois termes indissociables : stratégie, développement durable et innovation

Pour être efficace et ne plus être vécue comme une contrainte, la démarche de responsabilité sociétale et environnementale de l'entreprise doit être intégrée très en amont, au niveau de la stratégie. Elle doit ensuite être déclinée en plans d'action managériale.

Le cabinet de conseil en management RSE Paradigm21 que j'ai fondé vient de publier une étude qualitative auprès d'une quarantaine d'entreprises françaises ayant décidé d'intégrer la dimension Responsabilité Sociétale et Environnementale (RSE) dans leurs stratégies de développement. Cinq principaux enseignements ressortent de cette étude :
- l'apparition d'une nouvelle génération de directeurs du développement durable,
- les déclencheurs : de la volonté stratégique à l'accentuation de la pression externe,
- l'impératif : 'l'opérationnalisation' de la démarche de déploiement de politiques dévéloppement durable (DD) / RSE,
- l'intégration de la dimension développement durable dans le management au quotidien,
- la prochaine étape : la réponse 'offre & métier' aux enjeux du développement durable.


A la traduction littérale de 'Corporate Social Responsibility' en 'Responsabilité Sociale d'Entreprise', je préfère 'Responsabilité Sociétale et Environnementale'. La RSE n'est plus à considérer comme le dernier thème à la mode : l'entreprise doit se mettre en adéquation avec le nouveau paradigme du XXIe siècle, le développement durable.

 

L'arrivée d'une nouvelle génération de directeurs du développement durable est marquée par une évolution de la "logique de conformité" à une "logique d'innovation". Dans les entreprises les plus matures, les directions du développement durable réussissent à insuffler une dynamique de traduction des intensions stratégiques en actes opérationnels, tout au long de la ligne managériale. Cela se traduit par une réflexion sur le métier, en amont et en aval. Là où la démarche DD/RSE est moins vécue comme une contrainte, ce sont dans les entreprises qui parviennent à l'intégrer dans le management au quotidien et à structurer des offres nouvelles différenciatrices.
La démarche DD/RSE n'est alors plus considérée comme "à côté du métier" mais "intégrée au métier". Les plus matures parviennent à conjuguer "stratégie, développement durable et innovation'.


Parmi les pionniers, des démarches exemplaires comme Areva Way, Performance et Responsabilité Michelin, Rhodia Way, Sustainable Excellence de STMicroelectronics... sont à des stades de déploiement très avancés.
Avec la nouvelle génération de directeurs du développement durable, des démarches aussi structurées sont validées et supportées par les comités exécutifs : Actitudes de Bouygues Construction, Plan d'Actions DD d'Eiffage, Blue Attitude chez Géodis, Lyonnaise des Eaux, SNCF...


Ces directions du développement durable aident leurs comités directions et l'ensemble de la ligne managériale à décliner les engagements DD/RSE sur des feuilles de route opérationnelles. Grâce à un référentiel commun, les directions des métiers, des filiales ou des sites industriels peuvent établir leurs propres plans d'actions DD/RSE et s'engager vis-à-vis de leur hiérarchie, mais aussi de leurs collaborateurs.


Comme toujours, la conviction et l'impulsion au plus haut niveau sont la condition sine qua non. D'autres conditions doivent être réunies :

- la dimension DD/RSE comme l'un des fondements de la stratégie de différenciation,

- la possibilité grâce à des ruptures technologiques de mettre les enjeux du développement durable au coeur des offres,

- la mesure de la contribution des actions DD/RSE à la performance globale de l'entreprise.  
La stratégie DD/RSE n'est plus alors une démarche menée en parallèle des plans stratégiques et opérationnels : elle fait partie intégrante du processus de planification stratégique de l'entreprise.


Ainsi, d'une contrainte réglementaire imposée par la loi NRE qui, au départ, a conduit à communiquer sur les intentions stratégiques, la démarche DD/RSE doit être structurée pour accélérer son déploiement dans les unités opérationnelles. Progressivement les systèmes d'évaluation collectifs et individuels prennent en compte les indicateurs de performances extra-financières. Dans une phase ultime, la dimension DD/RSE est intégrée à la stratégie globale de l'entreprise.

A l'aune du développement durable, le métier doit être (re)pensé différemment. Il faut réinventer les processus, le marketing, le reporting et le management au quotidien en prenant en compte le développement durable. Force est de constater que, de plus en plus, ce sont les clients qui challengent leurs fournisseurs, ce qui n'était pas le cas, il y a encore 2-3 ans. Avec la RSE, c'est une nouvelle façon de manager l'entreprise dans les années à venir.

Au-delà des mutations technologiques, le développement durable a des conséquences considérables au niveau des métiers et des offres. L'entreprise a l'obligation de se préparer à cette mutation pour passer à une nouvelle économie. Face à la raréfaction des ressources naturelles, l'entreprise est en train de changer d'ère, de business model. Seules, les véritables ruptures technologiques permettent à ce changement de paradigme de s'opérer. La prochaine étape qui est déjà d'actualité dans certains secteurs est la réponse 'offre et métier' aux enjeux du développement durable. Loin d'être vécues comme des contraintes, les démarches DD/RSE doivent être perçues comme des outils de cohésion interne et de production de sens.