Pandémie grippale : la délimitation des pouvoirs de l'employeur

Face au risque de pandémie, l'employeur a des devoirs envers ses salariés. Il a également un certain nombre d'outils à sa disposition pour faire face aux perturbations créées.

Jusqu'à la moitié de la population française pourrait être touchée par le virus de la grippe A/H1N1. Le caractère particulièrement contagieux de ce virus risque d'engendrer un fort taux d'absentéisme dans les entreprises. Dans ces conditions, comment assurer la continuité de l'activité ? Est-il possible de modifier l'organisation du travail et si oui, dans quelles conditions ?

Chaque employeur est tenu de prendre des dispositions en vertu de son obligation de sécurité (art. L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail). Deux circulaires de la Direction générale du travail donnent des orientations sur les possibilités de modulation de l'organisation du travail : celle du 18 décembre 2007 rectifiée et celle du 3 juillet 2009. Toutefois, les aménagements envisagés doivent l'être dans le respect du Code du travail. Des mesures doivent être prises en amont afin de savoir gérer les cas suspects ainsi que la désorganisation de l'entreprise. 

En amont, les dispositions à prendre

Tout d'abord, tout employeur doit acquérir des équipements de protection : masques de type FFP2, savon liquide, moyen d'essuyage à usage unique, poubelles avec couvercle... Les masques FFP2 protègent les personnes exposées à un risque. Ils doivent être achetés en quantité suffisante, sachant que leur durée de protection varie entre 3 et 8 heures et qu'un tel masque ne peut être utilisé qu'une fois. Des conditions particulières de stockage existent.
Par ailleurs, il existe des masques anti-projections (chirurgicaux), devant être portés par toute personne contagieuse. Ces masques ne protègent pas des risques de contamination par autrui. Ils sont délivrés gratuitement aux malades, si bien qu'il n'est pas nécessaire pour les entreprises de s'en procurer.

Ensuite, toute entreprise, quelle que soit sa taille, doit élaborer un plan de continuité de l'activité (PCA) en associant ses salariés et en consultant le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et le Comité d'entreprise (CE). L'établissement de ce document est vivement recommandé. A défaut, les salariés pourraient invoquer leur droit de retrait, droit exercé lorsqu'un salarié a un motif raisonnable de penser qu'une situation particulière de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé. Une trame de PCA figure à l'annexe 1 de la fiche G1 du plan national de prévention et de lutte "pandémie grippale". Ce document doit prévoir des mesures graduées en fonction de l'évolution des phases de la pandémie et de différents taux d'absentéisme.
Puis, sur la base du PCA, l'employeur doit actualiser le document unique d'évaluation des risques, le programme annuel de prévention des risques et d'amélioration des conditions de travail et le règlement intérieur.
Enfin, l'employeur doit informer son personnel sur les mesures existantes et le former au port des équipements de protection et aux consignes d'hygiène spécifiques.

Quelles mesures prendre en présence d'un cas suspect ?

Tout porteur du virus de la grippe A/H1N1 est contagieux 24h avant le début des symptômes et jusqu'à 48h après. Le virus peut donc se propager dans une entreprise sans qu'un salarié ne présente de symptôme. Comment éviter cela ? En enjoignant au salarié qui a été malade de rester à son domicile dans les 48 heures suivant la fin des symptômes s'il n'a pas d'arrêt de travail suffisamment long. Il sera dans ce cas rémunéré.
S'il vient travailler, il devra, sur le fondement de l'article L. 4122-1 du Code du travail, porter un masque chirurgical en cas de contact avec d'autres salariés. Le non respect de ces dispositions est constitutif d'une faute pouvant aller jusqu'à un licenciement pour faute grave (Cass. Soc., 28 février 2002, Deschler c/ SA Textar France).
En outre, l'employeur peut proposer aux salariés en contact avec le salarié contagieux de porter un masque FFP2. Des mesures analogues peuvent être prises temporairement à l'encontre d'un salarié qui a été en contact étroit avec un malade. Toute la difficulté est de connaître les cas suspects. Il peut donc être opportun de prévoir dans le PCA que tout salarié qui sait avoir été en contact étroit avec un malade doit le signaler à son employeur. En dehors de ces cas, un salarié n'est pas tenu de porter un masque de protection, sauf contact étroit et régulier avec le public ou gestion des déchets ou ordures ménagères.

Comment  faire face à l'absentéisme ?

Pour faire face à la désorganisation de l'entreprise liée à la grippe A/H1N1, un employeur peut :
- recourir au prêt de main d'oeuvre. L'accord du salarié est nécessaire et l'opération ne doit pas être à but lucratif ;
- modifier les conditions de travail des salariés, sauf pour les salariés protégés : recours aux heures supplémentaires (après information du CE), attribution de nouvelles tâches correspondant à la qualification du salarié, changement de lieu de travail au sein du même secteur géographique. Attention, la modification du contrat de travail (qualification, rémunération, temps de travail...) nécessite l'accord du salarié et le respect de la procédure légale, notamment d'un délai de réflexion.
- Aménager, à certaines conditions, le temps de travail s'il y a urgence ou surcroît temporaire d'activité. Ex : dépasser la durée maximale quotidienne de 10h.
- Recourir au télétravail : l'accord du salarié est indispensable et il convient de consulter le CE et le CHSCT.

Pour l'ensemble de ces mesures, lorsque l'accord du salarié est requis, son refus ne peut être considéré comme fautif et ne peut donner lieu à sanction. En revanche, lorsque l'employeur peut imposer à un salarié de nouvelles conditions de travail, le refus du salarié peut être sanctionné par une mesure pouvant aller jusqu'au licenciement.


Article co-écrit avec Alix Floret-Lemaire, avocat chez Vaughan Avocats