Comment fidéliser la génération Y, SVP ?

Comment motiver et fidéliser une génération dont la perception de la réussite se situe à 88% dans les petits bonheurs quotidiens, à 83% dans le fait d'être personnellement épanoui et qui n'accorde que 4% d'importance au prestige professionnel ?

Il est des mauvaises questions qui engendrent de mauvaises réponses. Celle-ci en fait partie. En effet, l'objectif d'une entreprise n'est pas de "conserver" ses collaborateurs mais de mettre en place des processus qui favorisent l'implication et l'engagement de manière durable, ce qui est très différent.
Comme nous l'a fait remarquer un chef d'entreprise "Je ne vous demande pas comment garder les "boulets", ça je sais faire, mais plutôt comment éviter la fuite des talents !". Si cette formulation peut choquer, elle a le mérite d'être claire et honnête.

Si, dans l'ensemble, 75% des français indiquent être satisfaits de leur travail, 41% des personnes interrogées n'adhèrent pas à la stratégie de leur entreprise – souvent par manque d'information - et 39% se sentent généralement détachés (surtout chez les moins de 35 ans)[1].

Selon une enquête réalisée sur 86.000 salariés dans 16 pays, seulement 14% des interrogés s'impliquent à fond dans leur travail. En revanche, 24% déclarent qu'ils ne s'impliquent pas du tout[2].

Les mauvaises raisons de fidéliser :

1/3 des salariés songent à quitter leur entreprise, soit une augmentation de 57% de 2007 à 20115. Les entreprises sont remplies de collaborateurs fidèles. Soit parce qu'ils n'osent pas tenter leur chance ailleurs (65% par peur du chômag[3]), soit parce qu'ils attendent une récompense (qui n'arrivera peut être jamais, compte tenu de la crise), soit parce la "soupe est bonne" : "on sait ce que l'on perd, on ne sait pas ce que l'on retrouvera !".
Si ces salariés sont fidèles, ils ne sont pas pour autant impliqués.
Alors se pose une autre question : "Comment donner envie à des collaborateurs performants de s'engager sur le long terme ?".

La nouvelle équation de l'engagement durable : Ed = SxVxP

Contrairement à la fidélisation, l'engagement durable concilie le besoin de l'entreprise (performance) et de chaque salarié (épanouissement).
Pour que cette implication dure dans le temps, cela nécessite 3 conditions :

1) Donner du Sens :

Pour mobiliser une personne, il est indispensable de lui donner une direction, un but à atteindre. Il ne s'agit pas ici, comme nous l'entendons régulièrement de parler d'objectifs quantitatifs (augmenter de 15% notre chiffre d'affaire, conquérir de nouvelles parts de marché..) mais plutôt de s'exprimer en termes de "raison d'être", de "rêve", "d'ambition".
C'est de cette manière que s'est exprimé J-F Kennedy lorsqu'il prononça le 25 mai 1961 son fameux discours : "Notre nation doit s'engager à faire atterrir l'homme sur la Lune et à le ramener sur Terre sain et sauf avant la fin de la décennie".
Les jeunes ingénieurs sont attirés par Google car ils contribuent à "Organiser le monde de l'information et le rendre universellement accessible et pertinent".
Comme l'a précisé Nietzche, "Donner un pourquoi aux personnes leur permet de s'accommoder du comment". Par ailleurs, dans un monde devenu court termiste, le sens permet de se projeter sur plusieurs années.
Tout le monde n'est pas à la tête d'une entreprise telle que Facebook, Nike ou Apple, c'est certain. Mais cela ne doit pas empêcher un dirigeant de donner du sens à l'activité de son entreprise. S'il n'en trouve pas, il lui sera très difficile de maintenir l'engagement dans la durée, surtout si son ambition est principalement financière, car ce n'est plus la motivation principale de cette génération.
Vous avez une boulangerie ? Votre ambition pourrait être de "faire découvrir de nouvelles saveurs à vos clients". Vous fabriquez du matériel pour l'industrie automobile ? Pourquoi ne pas être un fabriquant ingénieux qui propose des produits "éconovants" (écologiques et innovants) ?
Si l'on parle de "génération why", c'est très certainement parce qu'ils n'ont pas accès à cette information (sinon il ne poseraient certainement pas autant de questions).
Raisonner en termes de sens doit se faire à tous les niveaux.
En effet, il est plus aisé de manager un agent d'entretien en lui précisant que son rôle dans l'entreprise est de "veiller à l'état de salubrité permanent des locaux" plutôt que de lui signifier qu'il doit "nettoyer les tables et le sol" (ce qui pourrait l'amener à refuser de nettoyer une tâche sur le mur car cela n'est pas précisé dans sa description de poste). Dans ce dernier cas, il pourra même vous opposer que "ce n'est pas dans sa fiche de poste".

Question
: "Quelle est la raison d'être de votre entreprise, son ambition, sa différence, votre rêve ?" 

2) Partager des valeurs : 

Pour 58% des français, l'implication repose sur l'adhésion aux valeurs de l'entreprise3. Compte tenu de l'accélération des changements, le management par les valeurs et les principes de collaboration devient plus efficace que l'encadrement par les règles et les procédures. Les valeurs, de nombreuses entreprises les affichent.
Il existe deux catégories de valeurs :
-  les valeurs terminales, orientées clients : qualité de service, disponibilité, beauté…
-  les valeurs instrumentales, orientées salariés : solidarité, réactivité, innovation…
Une valeur est un critère qui permet de mesurer le niveau d'adhésion d'un collaborateur. Cette dimension de la personnalité (ce à quoi il adhère et n'adhère pas) est rarement explorée lors des entretiens de recrutement. Et pourtant, s'il est plus facile de modifier les croyances et les capacités d'une personne, il peut s'avérer impossible de changer une valeur : essayez de demander à une personne de trafiquer des chiffres s'il accorde de l'importance à l'honnêteté, ou de ne pas divulguer une information à son patron si la loyauté est au centre de son système de pensée.
Nombreuses sont les entreprises qui disposent à présent de charte au sein desquelles figurent des valeurs.
Rares sont celles qui les déclinent et les font vivre au quotidien. Prôner une valeur telle que l'esprit d'équipe alors que le système de rémunération est individuel où l'organisation est fortement cloisonnée n'a aucun sens, sauf celui de provoquer le désengagement.
La valeur revêt une autre acception.
Celle de l'intérêt et de l'utilité que représente le travail confié à un collaborateur. En quoi répond-il à son projet personnel ? En quoi s'inscrit-il dans sa stratégie de carrière ? Si vous n'avez pas de réponses à ces questions, il vous sera impossible d'évaluer le niveau d'implication dans la durée.
Doit-on accepter qu'une entreprise soit l'instrument d'un parcours professionnel décidé par un salarié ?
Et vous, n'utilisez-vous pas vos collaborateurs pour augmenter vos bénéfices ? 55% des français estiment que la loyauté doit être réciproque[4]. Si l'entreprise considère ses collaborateurs comme une "ressource" pourquoi n'en serait-il pas de même pour ces derniers ?
La relation entre employeurs et salariés sera d'autant plus forte et plus pérenne qu'elle sera basée sur un système de valeurs partagé, réaliste et opérationnel (quel qu'il soit).
Questions
:
* Quelles sont les 3 valeurs les plus importantes pour vous ?"
* Qu'est-ce que va vous apporter ce travail ?"

3) Éprouver du plaisir :

Pour 64% des salariés, être impliqué consiste à prendre du plaisir à son travail[5], 90% des jeunes qui sortent de master 2 attendent de leur 1er emploi qu'on leur confie un travail passionnant[6]. De manière très schématique, il existe 2 catégories de personnes dans le monde : celles qui recherchent le bonheur et celles qui veulent évitent le malheur. Il importe de savoir à qui vous avez à faire (si possible, évitez de recruter la deuxième catégorie).
Confier un travail qui mobilise les sources de plaisir à un collaborateur augmente son désir de s'engager et sa satisfaction une fois le travail réalisé.
Il ne s'agit donc pas de confier des activités au regard de ce que la personne sait faire (logique compétences) mais de ce qu'elle aime faire (logique talents).
Cela suppose que de nouveaux référentiels voient le jour. Si vous voulez garder une personne à potentiel dans la durée il faut être en capacité de lui confier des activités qui mobilisent ses zones de plaisir, sans pour autant que ce soit le même métier.
Manager par l'aimer-faire permet d'élargir les perspectives d'évolutions professionnelles transversales, pour peu que le niveau de connaissances requis par les différents métiers soit accessible.
Pourquoi serait-il impossible, alors que l'on est comptable, de devenir commercial, RH ou logisticien ?
Question
:
"Quel plaisir vous procure votre travail ? En quoi vous éclate-t-il ?"
 
L'évolution des attentes des Français oblige les entreprises à repenser leurs modes de management. Il s'agit d'un processus d'évolution naturel (vous ne managez plus comme en 1920 ou 1970, alors pourquoi les modes de management ne continueraient-ils pas de changer ?).
L'entreprise qui saura mettre en place cette nouvelle équation augmentera le niveau d'adhésion, de fierté et d'engagement de ses collaborateurs sur le long terme.

Engagement durable = Sens x Valeur x Plaisir

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[1] Sondage BVA/BPI/L'Express 2010
[2] Enquête réalisée en 2005 par le cabinet Towers Perrin
[3] Enquête Mercer/Le Parisien 2011
[4] Enquête TNS Sofres/Cap Gemini de 2005
[5] Enquête de septembre 2011 Ifop/BNP Paribas
[6] Sondage TNS Sofres de mars 2011