Pourquoi LinkedIn ne sera plus jamais le même ?

L’annonce a été faite récemment par les 2 protagonistes : Microsoft s’apprête à débourser 26,2 milliards de dollars (un peu plus de 23 milliards d’euros) pour faire l’acquisition de LinkedIn.

L’annonce a été faite récemment par les 2 protagonistes : Microsoft s’apprête à débourser 26,2 milliards de dollars (un peu plus de 23 milliards d’euros) pour faire l’acquisition de LinkedIn.

Il n'y a pas de réponse binaire

La question n’est pas ici de rentrer dans les considérations du bien-fondé, d’un point de vue stratégique, de l’opération. L’avenir dira si le spécialiste du logiciel, leader incontesté de la 1ère vague de l’informatique grand public, saura tirer profit de ce rachat dans sa logique de repositionnement vers les services d’abonnement (type Saas) et le cloud. Quoi qu’il en soit, comme d’habitude, la réponse ne sera pas binaire.

Pour autant, d’ores et déjà, on peut affirmer que c’est la fin de l’aventure LinkedIn telle qu’elle existait jusqu’à présent, et que les conséquences de ce mode de rachat ne doivent pas être sous-estimées. 

Dans un contexte où la guerre des talents fait rage, en particulier dans la Silicon Valley, ce rachat n’est pas anodin. Un paradoxe pour le réseau social professionnel dont la principale source de profit est justement les services vendus aux entreprises pour les aider à recruter.

Vers quelles synergies ?

Pour dépenser une telle somme, Microsoft a bien entendu réfléchi aux synergies possibles, et à l’effet de levier sur la base des 430 millions d’inscrits. Ca, c’est pour l’état de l’art de ce super CRM. Mais la question est de savoir comment le produit LinkedIn va continuer à évoluer, et à quelle vitesse. C’est de ce point de vue que les conséquences du rachat risquent d’être les plus importantes.

Ce qui fait la valeur (et la valorisation) d’une société tech aujourd’hui, c’est un mix entre le produit, la capacité à diffuser et rendre indispensable l’usage de ce produit au plus grand nombre d’utilisateurs, si possible dans le monde et, parfois, la capacité à en tirer des revenus. 

A la base de ce triptyque, c’est encore et toujours le produit. La capacité à faire évoluer et à améliorer le produit le plus rapidement possible est souvent la meilleure barrière à l’entrée, et la clé d’une continuité dans la traction et la génération de revenus. Or, pour y parvenir, le principal capital à mettre en œuvre est le capital humain. Celui-là même qui fait le plus défaut aujourd’hui. Et ce n’est pas spécifique à la Silicon Valley. 

UI/UX Designer, Développeurs, GrowthHacker, Product Manager, autant de postes pénuriques où les meilleurs font la différence. Et le rachat, en cash, de LinkedIn par Microsoft risque de créer une fuite des talents et mettre en péril le développement du produit, avec toutes les conséquences en cascade.

Au moment du rachat, LinkedIn comptait un peu moins de 10 000 salariés dans le monde, en ayant beaucoup grossi au cours des dernières années (pour mémoire, la création de LinkedIn remonte à 2003). Pour recruter les meilleurs talents, il est d’usage, surtout dans la Valley, d’offrir, en plus d’une rémunération généreuse, des actions de la société. 

Prenons l’hypothèse, assez conservatrice, que, au moment du rachat, le top 10% des salariés de LinkedIn se partage 5% du capital. Un rachat à 26,2 milliards de dollars à un prix de 192 dollars par action, cela signifie qu’il y a environ 136 millions d’actions en circulation. Ainsi, les 1 000 personnes les plus importantes de LinkedIn se partageraient 6,8 millions d’action, soit une moyenne de 6 800 actions par personne. Voici donc que chacune de ces 1 000 personnes va recevoir 1,3 million de dollars. 

Par ce mode de rachat en cash, Microsoft, si cette hypothèse se vérifie, vient donc de faire 1 000 millionnaires. Que peuvent attendre ces personnes à rester chez LinkedIn ? 

Rien, elles ont désormais fait la "culbute". La plupart, en particulier les meilleurs, qui savent qu’ils sont bons et dont les autres sociétés savent aussi qu’ils sont bons, vont donc désormais pouvoir "refaire" l’expérience dans une autre start-up, car ce n’est pas ça qui manque. Bien sûr, si le rachat avait été fait par échange de titres (même en partie) la motivation à rester aurait pu être différente.

Voilà pourquoi, quel que soit le succès futur de cet achat, il y a fort à parier que LinkedIn aura un cycle de développement produit plus lent, laissant la possibilité à la concurrence de rattraper son retard.