25/10/01
Akio
Solutions se déclare en cessation de paiement
Face
à de sérieuses difficultés financières,
l'éditeur français Akio
Solutions a dû se résoudre hier à
déposer une déclaration de cessation de
paiement au Tribunal de Coimmerce de Paris. Pourtant,
jusqu'ici le parcours d'Akio, créé en
mai 2000, avait été sans faute, cumulant
clients grands comptes et levées de fonds. La
dernière (23 millions de francs réalisée
en mai dernier dans un contexte économique pourtant
défavorable, lire
notre article), portait le montant total des fonds
réunis à quelque 72 millions de francs.
Qu'a-t-il donc bien pu se passer pour que la société
en arrive à cette extrémité ? Contacté
par JDNet Solutions, le PDG de la société,
Kha
Tran s'est voulu rassurant et présente la
mesure juridique comme "technique et temporaire".
Une
expansion coûteuse...
"Notre dernier tour de table devait
nous permettre de tenir jusqu'à l'équilibre
financier prévu à la fin de cette année,
explique M. Tran. Or, nous avons dérapé
de 20 % sur nos prévisions de chiffre d'affaires".
Il faut dire que la société
a vu grand : ouverture de bureaux au Royaume-Uni et
en Allemagne, rachat d'une solution d'e-mail marketing
auprès de l'éditeur américain Stone
Analytics en mai dernier, frais de marketing et de communication...
...soutenue
par un carnet de commande rempli
Côté rentrées
financières, la société avait normalement
de quoi voir venir : elle a enchainé les références
prestigieuses et convaincu des clients rémunérateurs.
Pour sa solution de gestion des mails sortants - Akio
Mail Center - l'éditeur avait convaincu Multimania
(avant son rachat par Lycos), la SNCF, la Sofinco, la
Bred, la RATP, Darty et une dizaine de grands comptes.
Concernant Akio Direct Mail, sa plate-forme de gestion
des campagnes d'e-mails sortants, ViaMichelin, Belgomedia
ou encore iBazar se sont laissés séduire.
Au vu de cette liste, on pourrait être tenté
d'incriminer, au choix, ou bien l'offre e-mail marketing,
dont
le marché tarde à décoller en
France, ou l'aspect sporadique des opérations
menées pour ses clients par Akio.
.
Un
modèle 80/20 de vente de logiciels
Malheureusement aucune des hypothèses ne semble
tenir. En effet, 80 % du CA réalisé par
l'éditeur provient de son métier historique,
l'e-mail entrant, et l'activité de gestion de
mails ne saurait logiquement avoir grevé trop
sérieusement les résultats de l'entreprise.
Par ailleurs, le modèle de distribution d'Akio
qui vend ses solutions exclusivement sous forme de licence
logicielle traditionnelle, lui assure une certaine récurrence
de ses revenus. Pas de one-shot donc, comme chez de
nombreux ASP qui travaillent à la campagne sans
être assurés qu'un essai concluant sera
reconduit ultérieurement sous forme de contrat.
Qui donc est responsable ? La conjoncture, évidemment...
Un marché encore immature
"Le
marché de l'e-mail sortant est tendu, et en période
de récession, c'est le premier budget qui saute",
plaide Kha Tran. Selon lui, les outsourcers (entendre:
prestataires de services mixtes comme E-Mail Vision
ou MessageMedia, ou les agences interactives qui louent
leurs services) tireraient
plus facilement leur épingle du jeu. Pourtant,
en vertu des raisons évoquées plus haut,
on peut penser que les sociétés de gestion
de campagnes d'e-marketing ne sont pas logées
à meilleure enseigne qu'Akio, car même
si elles tirent des revenus complémentaires de
leur activité de consulting (souvent plus importants
que les bénéfices liés à
l'exploitation de leurs logiciels) le manque de maturité
de la demande les condamne encore trop souvent aujourd'hui
à des actions au coup par coup.
Autre explication : des contrats qui, en attente
d'une embellie, ne tombent pas, ou pas suffisamment
tôt. C'est l'analyse de Kha Tran : "Nous
avons de nombreux projets en souffrance, verbalement
conclus, qui souffrent de la conjoncture. Pour passer
ce cap difficile pour nous, il ne nous manque que quelques
millions", explique le PDG
Bridge financier ou cession ?
Pour tenir, une société
dispose de plusieurs moyens : solliciter ses capital-risqueurs,
faire appel à un nouvel entrant ou se tourner
vers une banque. Aucune de ces options n'a été
retenue par Akio qui considère disproportionnée
l'arrivée d'un nouvel investisseur financier
(qui serait sans doute trop gourmand). Il semble par
ailleurs difficile de convaincre des banques devenues
réticentes, et il est impossible, pour des raisons
légales, de se tourner vers les actionnaires
historiques. La solution de repli envisagée à
cette heure serait un investisseur industriel pour une
"entrée majoritaire au capital", indique
Kha Tran. Un scénario qui ressemble fort à
une cession pure et simple.
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